[P. 342] L’Ifrîkiyya, d’abord conquise par les Almoravides et - TopicsExpress



          

[P. 342] L’Ifrîkiyya, d’abord conquise par les Almoravides et les Arabes, rentre sous l’autorité des Almohades.[98] Sous l’année 580, nous avons dit que Bougie, d’abord conquise par l’Almoravide ‘Ali ben Ish’âk’, fut reprise par l’armée de Ya’k’oûb ben Yoûsof, et qu’ ‘Ali s’enfonça en Ifrîkiyya. Les Soleym, les Riyâh’ et autres Arabes de ces régions se joignirent à lui, aussi bien que les Turcs que nous avons dit être venus d’Egypte dans ce pays sous la conduite de Cheref ed-Dîn K’arâk’oûch ; là aussi se trouvait parmi les Turcs d’Egypte, Bouzâba, mamlouk de Tak’i ed-Dîn, le neveu de Saladin.[99] Réunis ainsi, ils formaient une troupe nombreuse et puissante, et tous ces alliés étaient hostiles au pouvoir almohade. Ils reconnurent pour chef ‘Ali ben Ish’âk’, parce qu’il appartenait aune famille qui exerçait le pouvoir depuis longtemps, et lui donnèrent le titre d’Émir des musulmans. Ils conquirent l’Ifrîkiyya tout entière de l’est à l’ouest, moins les deux villes de Tunis et de Mehdiyya, que les Almohades occupaient et où, se maintenant malgré tout, ils résistèrent à l’intimidation, au blocus et à la force. Tous les fauteurs de troubles dans ce pays se joignirent à l’Almoravide insurgé, [P. 343] aussi bien que tous ceux qui ne cherchaient qu’à piller et à faire le mal ; ils ravagèrent les villes, les places fortes et les villages, violèrent les femmes et abattirent les arbres. ‘Abd el-Wâh’id ben ‘Abd Allah Hintâti, alors gouverneur d’Ifrîkiyya, résidait à Tunis, d’où il écrivit à Merrâkech à Ya’k’oûb, prince du Maghreb, ce qui se passait. L’Almoravide se dirigea vers la presqu’île de Bâchoû, qui est voisine de Tunis et renfermait de nombreux villages.[100] Il en entreprit le blocus, puis il accorda l’amân aux habitants, qui le demandèrent ; mais ses soldats y ayant pénétré, y pillèrent toutes les richesses, les bêtes de somme et les vivres, dépouillèrent les hommes de leurs derniers vêtements, s’emparèrent des femmes et des enfants et laissèrent toute la population exténuée et sans ressources. Ces malheureux se dirigèrent ensuite sur Tunis ; là, ceux qui avaient assez de vigueur pour cela travaillèrent pour se procurer de quoi se sustenter, tandis que les plus faibles vivaient de la charité publique. Mais l’hiver étant survenu, ils furent fort éprouvés par le froid, et en outre la peste les accabla : on compta 12.000 morts dans une seule localité, ce qui peut faire juger du l’esté. L’Almoravide, une fois maître de l’Ifrîkiyya, fit remplacer dans la khotba le nom des fils d’ ‘Abd el-Mou’min par celui du khalife Abbasside En-Nâçir lidîn-illâh, à qui il fit demander (l’investiture sous forme de) robes d’honneur et d’insignes noirs. En 582 (23 mars 1186), il alla mettre le siège devant Gafça, dont les habitants, après avoir expulsé la garnison almohade, reconnurent son autorité ; il y organisa une milice formée d’Almoravides et de Turcs, et non content de la solidité des fortifications, il y laissa une garnison. Au reçu de ces nouvelles, Ya’koûb ben Yoûsof forma une armée choisie de 20.000 cavaliers seulement, à cause du peu de vivres que l’on pouvait trouver dans ces régions et de l’état de ruine et de dévastation où elles se trouvaient, et se mit en marche vers Tunis en çafar 583 (Il avril 1187). Il fit marcher contre ‘Ali ben Ish’àk’, qui était alors à Gafça, un corps de 6.000 cavaliers commandés par son neveu fils de son frère ; mais quand on en vint aux mains, une troupe de Turcs qui accompagnait le corps Almohade fit défection, ce qui amena la défaite de ce dernier et la mort de plusieurs des officiers qui le commandaient, en rebî’ I 583 (10 mai 1187). Ya’koûb, après avoir reçu cette nouvelle, continua de résider à Tunis jusqu’à la mi-redjeb (20 septembre) de cette année, et mena alors ses troupes contre l’Almoravide et les Turcs : la rencontre eut lieu proche [P. 344] de Gabès[101] et aboutit à la défaite d’Ibn Ghâniya et des siens, dont il fut fait une extermination presque complète ; le faible nombre qui échappa se jeta dans l’intérieur. Le même jour, Ya’koûb se dirigea contre Gabès, et quand il l’eut conquise, il en tira les femmes et les enfants de K’arâk’oûch pour les expédier au Maghreb. Il marcha ensuite sur Gafça, qu’il assiégea pendant trois mois, et au cours de cette période, il ravagea les environs et en abattit les arbres. Les Turcs alors lui firent demander quartier pour eux-mêmes et pour les habitants, ce qui leur fut accordé. Les Turcs sortirent sains et saufs, et le prince, qui avait remarqué leur bravoure et leur férocité, les envoya en garnison dans les places frontières ; mais les Almoravides qui étaient dans la ville furent mis à mort, les murs en furent démantelés et il n’y laissa plus subsister qu’une simple bourgade. Ainsi se réalisa la prédiction, rappelée plus haut, du Mahdi Ibn Toûmert, que ses murs seraient détruits et ses arbres coupés.[102] La ruine de Gafça opérée et l’Ifrîkiyya remise en ordre, Ya’k’oûb rentra à Merrâkech en 584 (1er févr. 1188). [T. XII, 37] Silves est prise par les Francs, puis reprise par les musulmans.[103] En 586 (7 févr. 1190) le roi franc Ibn er-Renk’[104] conquit Silves, dans l’ouest de l’Espagne, l’une des principales villes musulmanes de ce pays. Au reçu de cette nouvelle, Aboû Yoûsof Ya’k’oûb, émir d’Espagne et du Maghreb, équipa une armée nombreuse et, franchissant le détroit qui le séparait de l’Espagne, il fit aussi passer par mer un important corps de troupes. Il mit le siège devant celle ville et la combattit si vigoureusement que ses défenseurs durent demander grâce, ce qui leur fut accordé, et ils se retirèrent dans leur pays. Il fit prendre également par une armée Almohade, à laquelle étaient adjoints de nombreux Arabes, quatre villes conquises par les Francs depuis quarante ans. Les audacieuses attaques de ces guerriers furent cause que le roi franc de Tolède [Alphonse IX de Castille, 1158-1214 de J.-C] intimidé fit demander la paix, qui lui fut consentie pour une période de cinq ans ; après quoi Aboû Yoûsof retourna à Merrâkech. Mais il y avait chez les Francs un parti hostile à cette trêve ; seulement, comme il ne pouvait manifester son opposition, il attendit pour relever la tête que commençât l’année 591 (15 déc. 1194), où il arriva ce que nous dirons. [P. 73] Guerre d’Aboû Yoûsof Ya’koûb contre les Francs d’Espagne[105] Cet événement est de cha’bân 591 (10 juil. 1195). En effet le roi franc d’Espagne Alphonse [IX de Castille], ainsi que la reine de Tolède[106] écrivirent à Ya’koûb une lettre ainsi conçue[107] : « En ton nom, ô Dieu très grand, créateur des cieux et de la terre ! Pour en venir au fait, ô émir, nul être doué d’une saine raison ou d’une intelligence nette n’ignore que tu es le chef de la religion hanîfienne[108] tout comme je le suis de la religion chrétienne. D’autre part, tu n’ignores pas jusqu’à quel point les chefs d’Espagne poussent le laisser-aller, l’abandon, l’insouciance du soin de leurs sujets, ainsi que les plaisirs auxquels ils s’adonnent. Aussi je leur impose la loi du plus fort, [P. 74] je vide leurs demeures, je réduis leurs enfants en captivité, je promène ignominieusement les hommes mûrs et je massacre les jeunes. Tu ne peux te soustraire à l’obligation de les protéger, car la force est entre tes mains et vous croyez que Dieu vous impose le devoir de nous combattre un contre dix. Mais maintenant Dieu, connaissant votre faiblesse, ne vous impose plus que de nous combattre un contre deux. C’est nous à l’heure présente qui allons vous combattre un contre plusieurs, sans que vous puissiez nous repousser ni que vous soyez capables de nous résister. On m’a rapporté aussi que tu as commencé à faire des levées et que tu penses à combattre, mais que tu diffères d’année en année, que tu n’avances un pied que pour reculer l’autre, et j’ignore si c’est la pusillanimité qui t’arrête ou le manque de foi en ta révélation. On m’a dit encore que tu ne trouves pas de moyen de faire la guerre. C’est peut-être que tu n’oses t’y exposer ? Eh bien ! je te déclare, à l’effet de te tranquilliser, que je te tiens pour excusé et que je regarde comme respectés tous les traités, conventions et serments si tu amènes ici toutes tes forces dans tes bateaux et les galères. Je marcherai contre toi avec toutes mes troupes pour l’attaquer dans l’endroit que tu préféreras. Si tu l’emportes, c’est un butin immense qui tombera entre tes mains et que tu pousseras devant toi ; mais si je reste vainqueur, c’est mon pouvoir qui l’emportera sur le tien, c’est mon autorité qui s’étendra sur les deux religions, c’est ma prééminence qui s’imposera aux deux peuples. C’est Dieu qui exauce les désirs, et qui par sa bonté accorde la félicité ; il est le seul maître et il n’y a de bien qu’en lui ! « Après avoir pris lecture de ce message, Ya’k’oûb écrivit ce verset (Coran, XXVII, 37) au haut de la lettre : « Retourne vers ceux qui t’envoient. Nous irons les attaquer avec une armée à laquelle ils ne sauraient résister ; nous les chasserons de leur pays avilis et humiliés », et la renvoya au prince chrétien. Puis il réunit une formidable armée et s’embarqua pour l’Espagne. D’après une autre version, un parti franc, mécontent, nous l’avons dit, de la paix conclue en 586 (7 fév. 1190), parvint à réunir, à l’époque dont nous parlons, des troupes qui envahirent le territoire musulman, où elles massacrèrent et pillèrent tout et commirent d’épouvantables ravages. Ce serait la nouvelle de ces événements qui aurait déterminé le passage de Ya’k’oûb en Espagne avec des troupes innombrables. De leur côté, les Francs, sachant ce qui se préparait, réunirent des guerriers recrutés jusque dans les régions les plus éloignées, et s’avancèrent avec ardeur et une confiance dans le succès qui reposait sur leur nombre. Une bataille des plus acharnées fut livrée le 9 cha’bân 591 (19 juillet 1195) au nord de Cordoue, à K’al’at Ribâh’ (Calatrava) dans un endroit connu sous le nom de Merdj el-H’adîd[109] ; la fortune, d’abord contraire aux musulmans, tourna ensuite contre les chrétiens, qui furent honteusement battus [P. 75] grâce à la faveur divine : « Dieu a abaissé la parole des infidèles et élevé la sienne. Il est puissant et sage » (Coran, IX, 40). 146.000 chrétiens furent massacrés, 13.000 furent faits prisonniers, et un butin immense échut aux musulmans : 143.000 tentes, 46.000 chevaux, 100.000 mulets et 100.000 ânes. Une proclamation de Ya’koûb avait annoncé que chacun resterait maître de son butin personnel, à l’exception des armes, et ce qui fut déposé entre ses mains dépassait, après compte fait, 70.000 armures complètes. Du côté des musulmans, la perte fut de 20.000 tués. Ya’koûb, poursuivant les fuyards, trouva que Calatrava, que les chrétiens avaient d’abord occupée, avait été évacuée par eux, tant leur terreur était grande ; il y installa un gouverneur et un corps de milice, puis regagna Séville. Après sa défaite, Alphonse se rasa la tête, retourna son crucifix, prit un âne pour monture en jurant de ne plus se servir de cheval ni de mulet avant de voir les chrétiens victorieux, et recruta de nouvelles troupes. Ya’koûb, qui en fut informé, envoya à Merrâkech et ailleurs l’ordre d’enrôler des soldats, mais sans exercer aucune contrainte, et de nombreux volontaires et soldés répondirent à son appel. En rebî’ I 592 (comm. le 2 févr. 1196), eut lieu une nouvelle bataille où les Francs furent encore honteusement battus, et à la suite de laquelle leurs richesses, armes, montures, etc., devinrent la proie des vainqueurs. Ya’koûb alla assiéger Tolède, qu’il attaqua vigoureusement ; il abattit les arbres des environs, y lança diverses expéditions qui s’emparèrent de plusieurs places fortes où l’on massacra les hommes et où l’on réduisit les femmes en captivité, tandis qu’on en ruinait les habitations et qu’on démantelait les murailles. Aussi les chrétiens étaient-ils réduits à l’extrémité, tandis que l’autorité de l’islâm s’accroissait. Ya’koûb retourna séjourner à Séville, et quand l’année 593 (23 nov. 1196) commença, il s’avança de nouveau sur le territoire des chrétiens, qui alors s’humilièrent et dont les rois demandèrent la paix d’un commun accord. Ya’koûb voulait d’abord poursuivre ses conquêtes et en finir avec eux ; il se décida cependant à leur accorder une trêve de cinq ans, par suite des nouvelles qu’on lui apporta des terribles ravages exercés par le Mayorcain ‘Ali ben Ish’âk’ en Ifrîkiyya, et il regagna Merrâkech à la fin de 593 (vers novembre 1197).
Posted on: Sat, 27 Jul 2013 14:59:30 +0000

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