Voici donc venu le temps des professionnels. De Noël Mamère - TopicsExpress



          

Voici donc venu le temps des professionnels. De Noël Mamère à Dany Cohn-Bendit en passant par Nicolas Hullot et Pascal Durand (on attend dailleurs quEva Joly se joigne bientôt au club), tous disent à peu près la même chose. Le parti écolo na pas beaucoup grossi mais son appareil est désormais tenu dune main de fer par une petite équipe dont Cécile Dufflot et Vincent Placé sont les figures emblématiques. Certains appellent ça La Firme. EELV est dailleurs un sigle qui évoque plus une petite entreprise quun parti politique et ce nest sans doute pas un hasard. Le tir groupé de personnalités dont le tempérament et le parcours nont pas grand chose de commun donne à ce constat un air de crédibilité. Malheur aux déviants, aux originaux, aux mal-pensants et autres inadaptés du barnum politique. Hier, ils ruaient dans les brancards. Aujourdhui, ils rompent. Il y a là la preuve à la fois de leur propre échec et de la dérive quils dénoncent à lunisson. Mamère, un rebelle qui noublie pas ses intérêts Les dissidents de la famille verte ne sont pas pourtant des enfants de cœur. Avec le temps, Mamère est devenu le prototype de lélu local, cumulard en dépit des règles interne quil avait lui même édicté. Le député-maire de Bégles est venu tardivement à lécologie. Il a commencé sa carrière aux marges du PS girondin, version mitterrandiste, avant de faire un bout de chemin avec Bernard Tapie. Il doit son quart dheure de célébrité, lors de la présidentielle de 2002, à lune de ces manœuvre internes qui ont longtemps fait le charme des écolos et qui déboucha en son temps sur lélimination dAlain Lipietz, candidat pourtant désigné par les militants. Mamère est un rebelle dune race particulière qui na jamais oublié ses propres intérêts. Il incarne une écologie un brin gauchiste et volontiers anarchisante. L ancien présentateur du JT de 20 heures na jamais négligé, pour faire avancer ses idées et sa carrière, les règles de la médiatisation. Son talent est désormais son talon dAchille. Dans ce sport-là, il faut savoir raccrocher avant que le temps fasse son oeuvre. Dans la technique du coup déclat permanent, le plus difficile est de savoir se renouveler. Quand on ny parvient pas, le risque est de soudain radoter. Ou pis encore, de ne plus intéresser personne. Cohn-Bendit, le parrain trompé dEELV Dany Cohn-Bendit, lui, est né agitateur. Seule sa spécialité a changé. Les pavés, il les lancent désormais dans la mare. Cest parce quil est aujourdhui au bord de la retraite quon oublie trop souvent le temps quil lui a fallu pour devenir vraiment écolo. Lélection nest pas son sport favori. Cest en cela quil est aussi un enfant de Delors, et pas seulement dans les débats européens. Lancien leader des étudiants de 68 croit davantage au rôle des médias quà celui des partis. Il préfère les réseaux aux grandes organisations verticales, comme disait hier Rocard. Sil conteste, avec sa vigueur habituelle, la nouvelle nature dEELV, cest quil en fut le vrai parrain. Un parrain déçu. Un parrain trompé, surtout, qui sest fait piqué son jouet par la bande à Dufflot. Cohn-Bendit – cest humain - déteste quon ne le suive pas dans ses projets politiques. En explorant tous les méandres des passions démocratiques, il a fini par découvrir le charme discret du despotisme éclairé. Minoritaire dans lâme, il aurait aimé rassembler, sur son nom, de larges majorités. Sil jette léponge, cest quil na pas su surmonter cette contradiction. Hulot a confondu téléspecteurs et électeurs Dans ce club des vaincus, Nicolas Hulot est sans doute le plus pur en ce sens quil a longtemps résisté aux tentations de la politique active. Lhomme dUshuaïa est un lobby à lui tout seul. Il a cru un temps que son impact médiatique pouvait lui offrir, plus quune expertise reconnue : une force de pression sans commune mesure avec celle des partis politiques traditionnels. Dans son parcours hors normes, il na commis quune seule faute. Sa participation à la primaire écolo pour la présidentielle de 2012 reposait sur une analyse erronée des nouvelles règles de la politique. Hulot a fini par se convaincre quavec les mêmes méthodes, il pouvait franchir un nouveau cap avec une efficacité décuplée. Or, dans cette bataille-là, il a perdu. Hulot a confondu le téléspectateur et lélecteur, laudimat et lurne. Le pis pour lui est davoir échoué non pas devant les militants écolos mais devant les sympathisants dans une primaire ouverte dont personne na mis en cause le caractère démocratique. Ce nest pas un appareil qui lui a fait mordre la poussière mais un corps électoral quil croyait pouvoir séduire alors quil sagissait surtout de le convaincre. La ligne quil portait est celle qui permet de conquérir une part de marché et non une majorité. On a vu le résultat ! Durand nétait pas fait pour ce métier Enfin, Pascal Durand, parce quil est le plus jeune du club, incarne une tradition écolo apparemment plus rangée et en tous cas moins flamboyante que celle de ses aînés. La candidature Dumont en 1974 la jeté dans le grand bain de lécologie politique alors quil était encore lycéen. Cest le prototype du second couteau. Fidèle, carré, structuré, il na sans doute jamais rêvé de devenir un jour un leader. Il a grandi dans lombre. Il a eu sa période Cohn-Bendit. Puis sa période Hulot. Enfin sa période Duflot. Cest cette dernière qui, en devenant ministre, la choisi pour lui succéder comme secrétaire national dEELV. Et cest bien là tout le problème. Durand tombe aujourdhui par des moyens qui avait assuré sa promotion. Il le reconnaît avec son honnêteté habituelle, en expliquant, cette semaine dans le Nouvel Observateur, quau fond il nétait pas fait pour ce métier-là. On ne devient pas bureaucrate en chef sans avoir lenvie et le talent pour ce genre dexercice. Dans laffaire de lultimatum lancé imprudemment à Hollande et qui vient de provoquer sa chute, Durand navait pas surveillé ses arrières. On peut même penser que, de manière inconsciente, il a organisé les conditions de son départ. Ou, pour le dire autrement, de sa délivrance. Les lois dairain de la politique Léchec de Mamère, de Cohn-Bendit, de Hulot et de Durand souligne une même réalité. Tous, à leur manière, ont tenté de subvertir les règles traditionnelles du jeu politique. Tous ont essayé de faire de la politique autrement, ce qui ne veut pas forcement dire de la politique en mieux. Tous ont fini par se heurter au mur dune démocratie partisane, sans doute imparfaite mais qui a fini par leur imposer ses lois dairain. Quand on perd, dans ces conditions, on a toujours tendance à expliquer que les cartes étaient biaisées et que la compétition était truquée. Dans cette histoire, le paradoxe est que leur véritable échec nest pas vraiment là où ils le prétendent. Mamère, Cohn-Bendit, Durand ou Hulot ont échoué dans la maîtrise dune formation politique réputée pour son obsession de la démocratie interne et dotée de règles de contrôle, de majorités qualifiées, de recours aux référendums internes qui lui ont assurée une réputation dingouvernabilité et dinstabilité chronique. Tous ont dénoncé, un jour ou lautre, le manque defficacité du parti quils entendaient sinon conduire, du moins emmener sur des chemins plus praticables. Cest finalement le côté farce de leur aventure que de les voir désormais se plaindre de ce quils avaient espéré. A une démocratie sans professionnalisme a succédé un professionnalisme sans vraie démocratie. Avec Duflot et Placé, moins de fraîcheur, plus defficacité Duflot et Placé – puisquil faut bien personnaliser cette affaire – se sont imposés sur un terrain que dautres ont explorés en vain. Ils ont su jouer de leurs faiblesses, de leurs contradictions, de leur incapacité à bâtir une formation politique à la hauteur de leurs rêves. La grande contradiction de ces quatre perdants magnifiques est quils voulaient à la fois préserver leur liberté et inventer des formes daction politiques qui échappent aux contraintes du compromis permanent. Ces individualistes patentés - même si cela vaut un peu moins pour Durand – ont tous fini par oublier que la politique est un jeu collectif où on ne brille pas à tous coups et qui débouche plus souvent sur la banalité du gris que sur léclat dune position juste. La facture, il la paye aujourdhui au prix fort. Sur le terrain quils avaient eux-même choisi, une génération aux petites dents pointues est venue leur mordre les mollets avant de leur donner le coup de grâce. Les méthodes de ces nouveaux écolos ne sont pas dune élégance folle. Elles sont un condensé dambition et de goût du pouvoir. Elles gagnent en efficacité ce quelles perdent en fraîcheur. Elles sont parfois dun cynisme assumé. Au bout du chemin, il y a sans conteste une normalisation de lécologie politique. EELV devient progressivement une organisation comme les autres. Ses responsables, au gouvernement, au Parlement, dans les collectivités locales, jouent, sans complexes, des parties fondées sur le seul rapport de force. Ils ont appris les règles de la dissuasion du faible au fort. Tout cela demande plus dhabileté que de brio. Plus de savoir-faire que dimagination créatrice. Plus de science de la manœuvre que dappétit pour le débat didées. Plus de souplesse tactique que de rectitude morale. Seuls des professionnels savent mener à bien ce genre de stratégie sans se rompre le cou. Ils verrouillent dautant plus quils naviguent à vue et que pour ce voyage au long court, ils nentendent pas chavirer à la première tempête venue. Ils veulent gagner et durer. La génération Duflot est une génération moderne. François Bazin - Le Nouvel Observateur
Posted on: Tue, 22 Oct 2013 19:19:06 +0000

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