2.2 L’ambivalence dans les cabinets - TopicsExpress



          

2.2 L’ambivalence dans les cabinets d’audit facebook/COMPTABLEE Les modes de communication formel et informel coexistent dans les organisations et les recherches menées en théorie des organisations ont montré que les structures formelles et informelles étaient mêlées au point d’être indissociables : « un riche réseau de communication informelle vient s’ajouter aux circuits réguliers et les contourne parfois » (Mintzberg 1982). Comme les communications formelles, les communications informelles concernent à la fois des aspects liés au travail en lui-même et des informations liées à la vie sociale de l’organisation. On peut ainsi attribuer trois fonctions essentielles aux communications informelles (Dirsmith & Covaleski 1985) : − l’information sur la manière dont les tâches quotidiennes sont effectuées par les salariés ; − la socialisation par l’intériorisation et l’adhésion aux valeurs, aux normes et aux objectifs de l’organisation ; − la préservation du pouvoir dans la mesure où un des éléments-clés de l’acquisition et du maintien du pouvoir est que celui-ci doit être légitimé de manière tant informelle que formelle. Or, ce qui caractérise beaucoup des aspects liés au business of auditing est leur caractère « tabou » (indiscussable, McNair 1991). En particulier, le degré de compromis entre le coût et la qualité du travail – lié à la contrainte budgétaire introduite par la concurrence sur le marché de la certification – est un sujet qui n’est pas souvent abordé de manière explicite dans les cabinets d’audit (Mills & Bettner 1992 ; Fischer 1996). D’une part, les cabinets exigent de leurs collaborateurs qu’ils effectuent la totalité du travail qui leur est demandé, mais ils ne leur fournissent pas toujours les moyens en temps de le faire, ce qui oblige les collaborateurs à travailler sur leur temps personnel (Otley & Pierce 1996a). Ceci va à l’encontre du discours officiel qui met en exergue la rationalité du système de suivi budgétaire et demande en principe de déclarer tout le temps passé. Implicitement, donc, le cabinet demande à ses collaborateurs de ne pas respecter le système formel. La norme, c’est-à-dire les croyances qui définissent le comportement approuvé officiellement, et la contrenorme – qui regroupe les règles informelles – émettent ainsi des signaux contradictoires (McNair 1991). De même, la distance entre les valeurs de professionnalisme avancées par le cabinet et le vécu quotidien réel des auditeurs de terrain, marqué par la pression et la mécanisation, crée une situation ambivalente qui peut faire l’objet d’une acceptation difficile (Francis 1994). McNair (1991) utilise le concept d’« ambivalence sociologique » (sociological ambivalence) pour décrire la situation qui apparaît lorsque les signaux sur le comportement désiré par l’organisation sont multiples et que les normes et les contrenormes structurent de manière alternative le comportement. Une telle ambivalence est bénéfique pour le cabinet car elle lui permet à la fois d’assurer sa réputation sur le marché, grâce à l’affichage des normes de fonctionnement rationnelles liées au craft of auditing, et d’assurer les profits de l’organisation grâce à des contrenormes autorisant un business of auditing profitable (Dirsmith & Covaleski 1985). On rejoint ici la perspective institutionnelle de Meyer & Rowan (1977) qui distingue structures formelles et activité réelle pour en souligner les divergences dans le concept de « découplage » (loose coupling). L’impact sur l’individu est cependant plus discutable. McNair (1991) montre que cette situation entraîne des « structures permanentes de distorsion communicationnelle » (permanent structures of distorted communications) qui posent une « double contrainte » (double bind) à l’individu, reflétant la contrainte coût / qualité subie par le cabinet. Cette double contrainte doit être intériorisée et rationalisée si le collaborateur veut évoluer dans la structure. D’autres auteurs ont abordé cette question en utilisant les notions de « conflit de rôle » et d’« ambiguïté de rôle » (Bamber et al. 1989 ; Rebele et al. 1996). Le conflit de rôle (role conflict) consiste en la présence d’exigences simultanées incompatibles dans ce qui est attendu de la part de l’auditeur, alors que l’ambiguïté de rôle (role ambiguity) représente le manque de clarté et de prévisibilité des exigences imposées par l’environnement. La situation d’ambivalence sociologique fournit un contexte qui peut générer un conflit de rôle important dans la mesure où les exigences des systèmes formels et informels de l’organisation communiquent des informations parfois contradictoires. C’est en particulier le cas de l’équilibre à trouver entre les contraintes de coût et de qualité (Mills & Bettner 1992). La position de l’auditeur de terrain fournit en outre de nombreuses possibilités d’ambiguïté de rôle. Il doit en effet se définir de manière complexe par rapport à une pluralité d’intervenants. Vis-à-vis du client, il doit maintenir une attitude de fermeté tout en faisant preuve de souplesse, car il a besoin de sa collaboration. Il peut éventuellement développer de bonnes relations avec lui, ce qui ne doit pas l’empêcher d’avoir une attitude critique. Par rapport à l’équipe d’audit, il est à la fois un collègue solidaire face au client et à la hiérarchie, mais aussi un subordonné (assistant) ou un supérieur (senior). Face à sa hiérarchie, il est dans une position de subordination, mais doit aussi s’affirmer personnellement pour ne pas être noyé de travail. Rebele et al. (1996) ont montré que l’ambiguïté de rôle et le conflit de rôle étaient relativement élevés pour les auditeurs qui se percevaient dans la phase exploratoire du métier (début de carrière). Ce résultat souligne les difficultés liées à la période de socialisation des jeunes auditeurs dans leurs cabinets. Bamber et al. (1989) ont quant à eux relevé que le conflit de rôle était moins élevé dans les cabinets fortement structurés que dans les cabinets non structurés. Ce résultat est cohérent avec l’impact attendu de la structure, qui va avoir tendance à spécifier davantage le rôle de chacun dans l’exécution de la mission d’audit.
Posted on: Fri, 27 Sep 2013 21:18:56 +0000

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