2 partie : LAÏCITÉ ET ATHÉISME EN KABYLIE : MYTHES ET - TopicsExpress



          

2 partie : LAÏCITÉ ET ATHÉISME EN KABYLIE : MYTHES ET AMBIGUÏTÉS Le Moyen Âge et l’époque moderne virent l’apparition d’un phénomène nouveau : le maraboutisme. Se revendiquant d’une descendance d’Idriss Ier (petit-neveu du prophète Mohammad), ce qui leur conféra le titre envié de chorfa (« descendant du prophète »), ces marabouts étaient en réalité des moines-soldats amazighs venant du sud-marocain actuel. Ils s’établirent en Afrique du Nord entre le 12ème et le 17ème siècle, et particulièrement en Kabylie durant le 16ème siècle. Il est estimé que la plupart des marabouts provenaient de l’empire amazigh marocain almoravide (d’où leur nom, mrabet), lequel prêchait un islam sunnite rigoriste (rite malékite) ; mais les raisons de leur transhumance à travers l’Afrique du Nord restent mal connues. Ces marabouts, qui souvent maitrisaient au moins partiellement l’arabe, la langue du Coran, ainsi que des notions de « sciences religieuses », imposèrent progressivement leur magistère spirituel sur les Kabyles, qu’ils considéraient au départ comme de mauvais Musulmans. Pratiquant une stricte endogamie et refusant de se considérer comme Kabyles–bien que le terme fut approprié des points de vue linguistique et sociologique, à tel point qu’ils en vinrent à composer près d’un quart de la population kabyle actuelle–ils constituaient une véritable caste religieuse au rôle bien défini, composante essentielle de ce qui fut appelé « l’islam kabyle ». L’adoration des Kabyles pour leurs marabouts permit parfois à ces derniers d’acquérir un statut politique d’importance. Ainsi la puissante famille maraboutique des Belkadi–encore présente dans la Kabylie actuelle–dirigea-t-elle le royaume de Koukou, bastion de l’indépendance de la Haute-Kabylie (massif montagneux du Djurdjura), face à la régence ottomane d’Alger aux 16ème et 17ème siècles. L’époque moderne vit également apparaître un nouvel acteur religieux en Afrique du Nord et plus particulièrement en Kabylie : la zaouïa (« confrérie »). Celle-ci joua un rôle ambigu vis-à-vis du maraboutisme ; les deux mouvements étaient parfois convergents, parfois concurrents. La confrérie kabyle la plus importante, la Rahmaniya, a vu le jour au 18ème siècle. Fondée en 1770 par Sidi Mohammed ben Abderrahman, natif des environs de Boghni (au pied du massif du Djurdjura), elle s’imposa très rapidement sur l’ensemble de la Kabylie, dans les régions périphériques (Alger et Constantine) et jusque dans le Grand Sud. Sidi Mohammed revint en Kabylie après avoir étudié au Caire dans le plus grand centre de savoir islamique du monde sunnite, El Azhar, et après avoir intégré l’ordre confrérique moyen-oriental des missionnaires Khelouatia. Un islam nouveau, plus savant et visiblement inspiré du soufisme moyen-oriental (Sidi Mohammed aurait voyagé en Inde et en Turquie, deux haut-lieux du soufisme), s’introduisit donc en Kabylie et y rencontra un grand succès. L’immense influence de la Rahmaniya parmi les Kabyles fut démontrée lors de l’insurrection anti-française de la Kabylie en 1871 [12] . Déclenchée par le cheikh Mohamed El-Mokrani, elle ne rencontra tout d’abord que peu de succès auprès des populations. Ce n’est qu’avec l’intervention du grand maître de la Rahmaniya, cheikh Mohand Ameziane Ihaddaden, lequel lança une fatwa appelant au jihad depuis sa zaouïa de Seddouk (Basse Kabylie), qu’un soulèvement kabyle rapide et massif contre l’occupant se produisit. Ce dernier réprima alors la révolte avec difficulté et brutalité. La nature de cet islam confrérique est fort débattue : si certains affirment qu’il constitue un syncrétisme entre islam « officiel » et traditions kabyles, en raison de l’importance donnée à la musique, la danse et le chant (adker en kabyle) lors des cérémonies religieuses, d’autres insistent sur les caractéristiques très « orthodoxes » du culte enseigné dans les zaouïas. À titre d’exemple, le cheikh Mohand u Ali, membre éminent de la Rahmaniya originaire de Tizi Rached (Haute Kabylie) et déporté à Cayenne après l’échec de l’insurrection de 1871, trouva refuge après son évasion dans le cœur névralgique de l’islam, la Mecque, où il finit ses jours. Profondément imprégnée d’une religiosité sédimentée pendant des millénaires, régulièrement prise d’excès de fanatisme piétiste et largement islamisée par les imrabden (« marabouts ») et les zaouïas, la Kabylie du début du 20ème siècle ne semble guère correspondre au portrait laïc décrit plus haut. Cependant, une analyse plus approfondie de la société kabyle traditionnelle laisse entrevoir une certaine proto-laïcité endogène, à défaut d’une séparation stricte du religieux et du politique. [12] Alain Mahé, Histoire de la Grande Kabylie : XIXe – XXe siècles, Éditions Bouchène, 2001.
Posted on: Tue, 06 Aug 2013 23:21:28 +0000

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