23_ * * * Il y avait des règles d’or à respecter avec - TopicsExpress



          

23_ * * * Il y avait des règles d’or à respecter avec Sylvain : primo, ne jamais rentrer dans sa chambre. Deuxio, ne jamais toucher à ses affaires sans qu’il en ait donné la permission. Tertio, ne jamais utiliser de produits chimiques dans ce qu’il appelait « son espace vital ». Cet espace comprenait sa chambre bien sûr, mais aussi une partie du garage et la chambre d’amis où je dormais. S’ajoutait à cela l’extinction ou le débranchement de tout objet susceptible d’émettre des ondes la nuit. Les portables devaient être éteints, la télévision débranchée, le wifi coupé. En outre, il ne fallait surtout pas abîmer la nature, et ça commençait avec les fourmis : en écraser une était comme tuer un humain. Le comportement de Sylvain s’apparentait à la schizophrénie, sinon à des pratiques animistes, mais selon les médecins, il ne faisait l’objet que de troubles obsessionnels compulsifs à un degré avancé : des tocs. Il fallait simplement respecter son mode de vie, et surtout, ne pas porter atteinte à ce qu’il considérait comme la prunelle de ses yeux : la nature. * * * Mamie m’a inscrite en colonie de vacances. Peut-être qu’elle croit qu’ainsi, je vais oublier que Sylvain a été remmené à l’hôpital psychiatrique. Mais je ne peux pas ; à présent, Sylvain fait tout autant partie de mes cauchemars que Bébête. J’ai perdu ma sœur, et voici qu’à présent je perds mon oncle. Je suis ravagée. Je n’ose même plus prier dieu tellement il me dégoûte ; de toutes manières, ça ne sert à rien de s’acharner ; soit il n’existe décemment pas, soit il m’a tourné le dos. L’Ardèche est un beau coin. La colo se situe dans un camping ; on dort dans des grandes tentes dans lesquelles tiennent quatre lits superposés. Je suis obligée de me coltiner les filles, mais je n’en rate pas une lorsqu’il est question de suivre les garçons. Aussi étonnant que cela puisse paraître, j’arrive à sympathiser avec Adrien, un gaillard blond aux yeux bleus. Je me suis imposée des œillères à mon arrivée, m’excluant volontairement de la bande, et pourtant, Adrien a su percer ma carapace et entrer à l’intérieur. Il comprend dès le début que quelque chose ne va pas chez moi, et c’est ça qui lui plait. Au début, je suis réticente à l’idée de lui confier mon secret, mais finalement, il arrive à m’amadouer, et un soir, alors que tout le monde est en train de se déchainer au son de David Guetta lors de la grande boom organisée par les moniteurs, nous nous isolons vers les sanitaires pour que je puisse vider mon sac en toute tranquillité. Adrien est touché par mon histoire, même sous ses airs de grand gaillard imperturbable ; ses yeux le trahissent. Tout d’un coup, un ange passe entre nous, et c’est la première fois que je me sens mal à l’aise en sa compagnie. - Tu sais, mon père est flic. Quand je rentrerai chez moi, je lui dirai de tout faire pour la retrouver. Il la trouvera, j’en suis persuadé. Mon père est le meilleur flic de Paris. Quand il veut quelque chose, il l’a. C’est pas pour rien qu’il a pris du grade. Et tout à coup, dans un tremblement incontrôlable, le petit doigt de sa main gauche caresse le petit doigt de ma main droite. Je sens le rouge me monter aux joues, et je devine que c’est la même chose pour Adrien, qui, gêné, retire aussitôt sa main avec balourdise. - Faut pas t’inquiéter, lance-t-il pour faire disparaître ce moment gênant de notre esprit, mon père est formidable, il a arrêté plein de criminels et retrouvé plein de personnes. Il a une arme redoutable, une matraque aussi et même qu’on a deux Bergers Allemands à la maison, ils ont un flair comme c’est pas croyable. Je lui souris. Adrien a beau faire le dur, je sens que lui aussi a une carapace, et qu’une fois mis à nu, il peut faire preuve d’une sensibilité touchante. * * *
Posted on: Sat, 05 Oct 2013 00:09:55 +0000

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