3.2.4. Lavènement de la bureaucratie et de la technocratie - TopicsExpress



          

3.2.4. Lavènement de la bureaucratie et de la technocratie Après le cessez-le-feu, intervenu le 19 mars 1962, la bureaucratie et la technocratie sont devenues les instruments privilégiés du pouvoir civil sous la houlette de larmée. La préservation et le développement des appareils ont été privilégiés au détriment de lintérêt général et de la satisfaction, fut-elle graduelle, des aspirations populaires. La bureaucratie et la technocratie sur lesquelles sappuie le FLN sont caractérisées par le centralisme excessif, lautoritarisme, lexclusivisme et le goût cultivé et injustifié du secret. En fait, le FLN cesse dexister en tant que force politique pour le triomphe de la Révolution dès 1962 et devient lappendice du pouvoir et le paravent de larmée. LAlgérie indépendante va donc se construire avec le concours de la bureaucratie et de la technocratie dont les composantes semblent dorigines différentes mais dont la formation, les attaches et les intérêts convergent. En effet, les cadres déjà en poste avant lindépendance ou affectés par le FLN en 1962 dans les appareils administratifs et économiques sont influencés dune manière ou dune autre par le modèle culturel et économique français. Quils soient nationalistes ou pas, ces cadres appartiennent à la même mouvance culturelle. Ils considèrent la possession de la langue française et la qualification administrative ou technique comme les seuls critères de recrutement et davancement ou de promotion. Nous avons vu plus haut comment le gouvernement français a organisé la formation accélérée et la promotion sociale des « Fran-çais-Musulmans » ainsi que la constitution dune élite pour créer sinon « la troisième force », opposée au FLN, au moins une force administrative et technocratique qui simposera au FLN comme élément indispensable du pouvoir en cas dindépendance. Cest ainsi donc que lAlgérie a hérité en 1962 de cadres, dhommes et dappareils formés dans le moule français de type colonial et répressif. En même temps, lappareil administratif du GPRA, dont une partie a transité par lExécutif provisoire (mis en place dans le cadre des accords dEvian), a été intégré en bonne place dans lorganigramme du nouvel Etat en 1962. Parmi cette élite dobédience nationaliste ou apparentée mais francophile, on note lémergence de cadres qui marqueront pendant longtemps les choix économiques de lAlgérie comme Belaid Abdeslam55, Smail Mahroug (devenu plus tard ministre des Finances), Abdallah Khodja (secrétaire dEtat au Plan entre 1970 et 1978), Seghir Mostefai (Gouverneur de la Banque Centrale entre 1962 et 1984) et bien dautres. Mais, chacun de ces ténors partisans de la francophonie sest entouré de cadres du même profil politico-bureaucratique dans son fief administratif56. 55 Belaid Abdeslam a occupé successivement les fonctions de membre de lExécutif provisoire chargé des questions économiques (1962), PDG de SONATRACH (1963-1965), ministre de lIndustrie et de lEnergie (1965-1977), ministre des Industries légères (19771979). Entre 1965 et 1978, Belaid Abdeslam sest appuyé sur des bureaux détudes français, sur M. Castel, un Français qui a opté pour la nationalité algérienne et sur un conseiller juif belge du nom de Simon qui na quitté lAlgérie qu en 1980 lorsque Abdeslam na plus aucun portefeuille ministériel. Quand il a été nommé Premier Ministre (1992-1993) après lassassinat de Mohamed Boudiaf, Abdeslam a promis, dans une formule lapidaire, « léconomie de guerre » pour sortir lAlgérie de sa crise économique et politique. Mais, force est de constater que lAlgérie a eu la guerre mais pas déconomie et que la situation économique, sociale et sécuritaire du pays sest lamentablemeent détériorée sous son régne. 56 Cest ainsi que Belaid Abdeslam sest appuyé sur les cadres suivants : Ghozali, directeur general de Sonatrach (1965-1977), ministre de lÉnergie (1977- 1979), ministre de lHydraulique (1979-1980), ministre des Finances en 1990 et enfin Premier Ministre (juin 1991-juillet 1992). Le coup dÉtat de janvier 1992 et lassassinat de Mohamed Boudiaf ont eu lieu sous son mandat. Mohamed Lyassine, ancien élève de Polytechnique de Paris, « déserteur » de larmée française affecté auprès du capitaine Benabdelmoumen, (lui aussi « déserteur » de larmée française) au camp dinstruction de Oued Mellègue entre 1959 et 1961, directeur général de la Société Nationale de Sidérurgie (SNS) (1963-1977), ministre de lIndustrie lourde (1977-1982), conseiller auprès des Premiers Ministres Ghozali et Redha Malek (19921994). Mourad Castel, cadre français ayant opté pour la nationalité algérienne, secrétaire général du ministère de lIndustrie et de lÉnergie (1970-1977). Abdelaziz Khellaf, directeur général de la planification au ministère de lIndustrie et de lÉnergie (1970-1977) puis promu secrétaire général au même ministère (1977-1979), ministre du Commerce (1980-1986), ministre des Finances (1986-1989) et enfin secrétaire général de la Présidence de la République entre 1991 et 1992, complice du coup dÉtat de janvier 1992. Quant à Abdallah Khodja, il a dirigé le secretariat dÉtat au Plan (1970-1979) en formant autour de lui une équipe constituée essentiellement de Mahmoud Ourabah (venant dune famille de harkis notoires, faisant fonction de secrétaire général pendant plus de 9 ans même si Boumediène a refusé de signer son décret de nomination) et de Ghazi Hidouci, directeur détudes au sein de la même structure, éphèmere ministre des Finances dans le gouvernement Hamrouche et connu pour être proche de services de securité algériens et français. Ce trio sappuie à son tour sur Mohamed Salah Belkahla pour les questions économiques et sur Brachemi (naturalisé francais) pour les affaires juridiques. Au terme des précédents chapitres on note que, bien avant la proclamation de lindépendance politique de lAlgérie, la France a réussi à mettre en place un dispositif de sauvegarde et de défense de ses intérêts en organisant sa présence dans différents appareils qui deviendront les nouvelles institutions algériennes notamment dans larmée, dans ladministration, dans léconomie et les finances et dans lenseignement et la formation. Le départ massif dAlgérie des Européens en 1962 et la victoire politique de lalliance de létat-major général de lALN, devenue ANP (armée nationale populaire), et de léquipe Ben Bella, Khider et Bitat ont mis en échec le projet français de « lAlgérie algérienne » et perturbé pour un certain temps lavancée programmée de la mouvance francophile, communément appelé hizb França, « le parti de la France ». En effet, même si cette alliance nest pas entièrement homogène, elle reste dominée par des personnalités qui, comme Ben Bella, Khider, Boumediène et Mendjeli, se réclament de la mouvance arabo-musulmane et qui rejettent le néocolonialisme et la francophonie comme idéologie. Cette nouvelle donne va obliger les partisans de la présence culturelle française en Algérie davoir pour linstant un profil bas et de sorganiser pour contrôler les appareils dans les secteurs les plus stratégiques en attendant le moment opportun pour semparer du pouvoir. Le processus de prise du pouvoir va savérer long, puisquil aura fallu attendre janvier 1992 pour que hizb França réalise, par un coup dEtat, son objectif final. Lexamen plus loin des différentes périodes entre 1962 et 1991 nous permettra de voir la progression de la mouvance francophile dans les principaux rouages de lEtat. Cependant, en 1962, hizb França est présent dans toutes les nouvelles institutions algériennes, notamment dans lALN, pièce maîtresse sur léchiquier politique algérien, où « les déserteurs » de larmée française occupent des postes clés après avoir acquis une légitimité révolutionnaire.
Posted on: Wed, 30 Oct 2013 20:03:00 +0000

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