3 Si la France a réussi à infiltrer le mouvement national, le - TopicsExpress



          

3 Si la France a réussi à infiltrer le mouvement national, le FLN et lALN, il lui était à fortiori plus facile de noyauter « ses » soldats « déserteurs ». Cependant, parmi les « déserteurs » de larmée française qui ont rejoint non pas lALN ou le maquis mais le FLN à Tunis, il y avait une catégorie qui était ou pouvait être en service commandé et dont le nombre est extrêmement limité. Ces « déserteurs » voulaient entrer dans la Révolution par la grande porte, acquérir la confiance des dirigeants de la Révolution et avoir, par voie de conséquence, la légitimité nécessaire pour mener à bien leur « mission ». Ceux-là, occidentoxiqués et mentalement colonisés, sont restés culturellement attachés à la France après lindépendance de lAlgérie et constituaient (et constituent toujours pour ceux dentre eux qui sont encore en vie) un clan solidaire de type mafieux. Cest cette minorité active et dévorée par une ambition démesurée pour accéder au pouvoir et le garder par la force et qui sagite pour la mise en œuvre dune politique de dépersonnalisation culturelle et civilisationnelle de lAlgérie que je décris dans ce livre. Cest cette catégorie très limitée en nombre qui est concernée par lappellation de « déserteurs » dans ce livre4. Enfin, des mesures ont été prises pour « faciliter » laccès à ladministration demployés et de cadres dexécution algériens, formés dans le moule colonial, dans le cadre de la promotion sociale engagée à cet effet dès 1956. Ladministration coloniale, ainsi léguée à lAlgérie indépendante, constitue un piège qui va peser durablement sur les administrés. Lensemble de ces facteurs a favorisé lémergence dune bureaucratie mafieuse dont le noyau dur est composé par les « déserteurs » de larmée française. 4 En fait, il sagit de faux déserteurs. Cest ce qui explique la mise entre guillemets du mot déserteurs tout au long de cet ouvrage. Ce livre se veut un témoignage sur les phases charnières qui ont marqué lévolution de lAlgérie entre 1958 et 2000. Jessaie de montrer comment, au cours de cette période, le groupe des « déserteurs » de larmée française a profité des conflits qui ont secoué le FLN et lALN au cours de la guerre de libération et des différentes crises qua subies lAlgérie après lindépendance et qui ont entraîné à chaque fois léloignement de responsables patriotes politiques et militaires et leur remplacement par des gens plus dociles. Il est curieux de noter à cet égard, que dans lhistoire de la décolonisation, lAlgérie constitue un cas unique en son genre. En ce sens que lindépendance a été acquise grâce à la lutte armée et au prix de gros sacrifices consentis par le peuple algérien, mais que la décolonisation sest traduite au même moment par léclatement du mouvement national en 1962 et par le détournement de la Révolution par et pour les partisans du néocolonialisme français. Ce dur constat ne réduira en rien le rôle déterminant joué par les dirigeants de la Révolution pour la réalisation de lidéal nationaliste : lindépendance de lAlgérie par la lutte armée. Lhistoire retiendra en tout cas que des dirigeants comme Zighout Youssef, Krim Belkacem, Lakhdar Bentobbal, Abdelhafid Boussouf et Ab-bane Ramdane, pour ne citer que quelques-uns uns de ceux que jai connus, sont, malgré leurs divergences ou leurs appréciations différenciées dordre tactique ou conjoncturel et malgré les incidents de parcours, de grands hommes et de grands patriotes dévoués qui ont tous œuvré avec acharnement, endurance, constance et lucidité pour libérer lAlgérie du joug colonial. Cependant, le fait que lAlgérie ait accédé à lindépendance dans un climat de crise grave opposant le GPRA à létat-major général, a permis lémergence des « déserteurs » de larmée française au som met de la hiérarchie militaire, notamment au sein du ministère de la Défense et de la Gendarmerie nationale (contrôlée entièrement par eux dès 1962) pour sétendre aux secteurs stratégiques au fil des années. Le groupe des « déserteurs » a emprunté au mouvement national son langage et ses méthodes pour conforter ses positions et arriver à ses fins. Les références constantes à la nécessité de construire un Etat fort et puissant et de préserver lunité nationale constituent en fait des alibis pour masquer leur volonté darriver, puis se maintenir au pouvoir et pour dissimuler leur méfiance à légard du peuple, des courants politiques existants et leur souverain mépris des libertés fondamentales et des pratiques démocratiques. Les « déserteurs » et leurs alliés au sein des différents appareils vont satteler à organiser, progressivement, à partir du coup dEtat de 1965 notamment, la substitution aux cadres patriotes et intègres, des cadres de la nébuleuse francophile au fil des années et au gré des événements. Leur objectif est denterrer, autant que faire se peut, les symboles et les constantes de la Révolution et de lAlgérie profonde et de ramener au moment opportun le pays sous linfluence culturelle et politique française. Il leur a fallu attendre janvier 1992 pour réaliser leur objectif par un coup dEtat. Lautoritarisme, lexclusion, la lutte par les armes contre les convictions politiques des autres, la répression tous azimuts deviennent leur politique pour garder le pouvoir. Les faits crûment relatés dans ce livre ont été vécus par lacteur, le témoin et lobservateur que jai été au cours de cette longue période. La Révolution a été pour moi la plus grande école. Je my suis résolument engagé dès 1955 à lâge de 19 ans. Je suis toujours resté fidèle aux principes du 1er novembre 1954 et aux valeurs authentiques auxquelles le peuple algérien est profondément attaché : liberté, progrès, fidélité et justice sociale exercés dans un cadre ouvert et transparent et débarrassés de tout paternalisme, de tout autoritarisme et de toute bureaucratie. Je me suis toujours refusé à agir de manière fractionnelle, quelles que fussent les fonctions que jai exercées pendant la guerre de libération ou après lindépendance. Jai toujours placé lintérêt général et lidéal de justice sociale audessus de toute autre considération, malgré les tentations diverses et les entraves de toutes sortes, voire les menaces émanant des appareils pour neutraliser laction de cadres patriotes, dévoués et connus pour leur droiture et leur esprit dindépendance. Il est, en effet, très difficile pour un responsable politique honnête dexercer correctement des fonctions gouvernementales, compte tenu des freinages et des obstacles dressés sur son chemin par les appareils, loin du militantisme dans lequel jai grandi et évolué. Jai dû lutter âprement au cours de mes dix années de responsabilité gouvernementale. Je nai pas toujours réussi à faire adopter les réformes dont le pays avait tant besoin. Les résistances, les réticences, voire lhostilité, étaient monnaie courante et prenaient des formes diverses. Depuis mon entrée au gouvernement en 1979 et dès la présentation des premiers dossiers en conseil des ministres, les enfants du sérail se sont mis à me coller des étiquettes de toutes sortes en fonction des circonstances à travers la rumeur publique pour me discréditer. Cest ainsi quen 1979 et 1980 on ma traité de « rose », proche des communistes. Puis entre 1980 et 1981, au moment de lélaboration et de la mise en œuvre des premières réformes relatives à la restructuration des entreprises publiques, à lencouragement des investissements privés nationaux et étrangers et à la constitution dentreprises déconomie mixte avec des partenaires étrangers, la rumeur me présentait comme un représentant des firmes multinationales. Entre 1982 et 1986, on ma traité de « frère musulman », parce que je fréquentais la mosquée et surtout parce que cela coïncidait avec la montée de la mouvance islamique réprimée par les services de sécurité, alors que javais toujours fréquenté la mosquée avant 1982 et après 1986. Entre 1986 et 1988, lorsque jai défendu les intérêts de lAlgérie en mopposant à certains gros contrats trop déséquilibrés, soutenus par Larbi Belkheir et son clan, celui-ci répandait la rumeur que jétais pro-américain et que je possédais des hôtels aux Etats-Unis, alors que tout le monde savait bien que je nai jamais disposé daucun revenu en dehors de mon salaire. Les tenants du sérail ne reculent devant rien pour assurer la pérennité du régime. Cest ainsi, par exemple, que les événements doctobre 1988 ont été organisés par les tenants du pouvoir pour sauver le régime et pour améliorer leurs positions respectives au sommet de la hiérarchie. Ces événements conçus et exécutés de manière machiavélique constituent une étape décisive vers le coup dEtat de janvier 1992 qui a consacré le groupe des « déserteurs » de larmée française et qui a ouvert une longue période de violence, de médiocrité et dinstabilité5. Il est grand temps de revenir au processus démocratique et à la souveraineté populaire, seuls garants du rétablissement de la confiance entre gouvernants et gouvernés, de la paix et de la stabilité. 5 A loccasion de la polémique qui la opposé à Ali Kafi, le général Khaled Nezzar a reconnu publiquement en mars 2000, quil na jamais pensé que lAlgérie connaîtrait une situation aussi dramatique après lannulation des élections législatives en 1992. Cette confession faite à la presse algérienne montre bien le niveau de la culture politique des « déserteurs » de larmée française, devenus dirigeants sans partage de lAlgérie après leur coup dÉtat de janvier 1992. Si pour des dirigeants normaux « gouverner, cest prévoir », pour les « déserteurs » gouverner cest garder le pouvoir par la force et préserver des privilèges de toutes sortes en dehors de la légitimité populaire.
Posted on: Wed, 30 Oct 2013 20:17:30 +0000

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