A la demande de Chris Meg, je reposte ici un extrait de mon - TopicsExpress



          

A la demande de Chris Meg, je reposte ici un extrait de mon roman... Désolé pour ceux qui le connaissent déjà... Varsovie en ruines était vraiment lugubre. Je n’ai jamais vu la ville avant, mais ce qui en subsistait pouvait donner une idée de sa beauté passée. Beaucoup de magnifiques hôtels particuliers en pierre sculptée, et des allées immenses, bordées d’arbres. Des églises, une cathédrale, un théâtre, des ministères… La plupart des façades étaient maintenant écroulées, des monceaux de gravats gênaient la circulation… Des équipes de Polonais travaillaient au déblaiement, presque toujours sous le contrôle des autorités Allemandes. Au départ, je n’avais pas de repères dans cette cité ; peu à peu, j’appris à m’orienter, grâce aux axes principaux, aux voies ferrées et nombreux ponts qui enjambaient la Vistule. Nous roulions dans ces mêmes camions bâchés, ceux qui nous avaient amenés depuis notre départ à Dramburg. Nous étions huit à l’arrière. Dans la cabine, un chauffeur et un chef de groupe, Kreisler ou tel autre SS-Stürmann. C’étaient de petits convois, en général trois véhicules pour la troupe, trois autres pour le monde à ramener, une voiture pour les sous-officiers. J’ai souvent travaillé sous les ordres d’un SS Unterscharführer nommé Markus Altmann. Grand, solidement bâti, glabre, les yeux légèrement proéminents, il portait une mèche brune sur le côté, à la Hitler. Il offrait une image lisse, impénétrable, et je suppose que c’était voulu. Il tenait à se démarquer de la piétaille ; il semblait nous mépriser, alors que lui-même n’était pas seulement officier. Mais je suppose qu’il fallait intégrer cette attitude pour le devenir. Sans doute un arriviste, un de ces nombreux jeunes loups, désireux de grimper dans la hiérarchie. Evidemment, il se montrait particulièrement exigeant, à chaque mission. Son mot d’ordre était : « je veux du résultat » ! Sa méthode était rigoureuse : il se fiait au Sonderfahndungsbuch Polen, un minuscule livre qui comportait, sur ses pages en papier bible, des listes de suspects, établies en collaboration avec les Volksdeutschen vivant en Pologne, et sans doute aussi, des espions. Tous ceux visés par le nouvel ordre se trouvaient recensés là, avec nom, adresse, profession, convictions politiques, famille, amis… Altmann déterminait, avec ses supérieurs, l’inventaire précis des personnes à arrêter. De là, il recopiait sur des fiches les noms des hommes dont chacun de nous aurait à s’occuper. Ainsi, nous étions directement et individuellement responsables du succès de cette tâche : il nous incombait de trouver les intéressés. Gare à celui qui ne ramenait personne, il se faisait copieusement engueuler. On descendait, on s’alignait au garde à vous, et là, Altmann passait, remettant à chacun un petit bristol, recouvert de son écriture fine et racée, méticuleuse. Parfois il s’arrêtait brusquement devant l’un ou l’autre, le regardait de haut en bas, comme si l’homme s’était présenté mal rasé, sale, que sais-je. On aurait dit qu’Altmann nous emmenait à une parade, une revue militaire, pas une action sur le terrain. Il restait là, à fixer je ne sais quel détail, puis enfin, il tendait sa main sèche, osseuse, et passait au suivant. Quand nous avions tous notre bout de papier, harangués, houspillés par le SS-Stürmann, nous montions pour traquer nos clients, cest ainsi que nous les nommions. En général, nous allions par deux. Par convention, j’avais établi avec Franz la procédure suivante : lui partait du rez-de-chaussée, moi je grimpais tout en haut ; on se retrouvait à mi-parcours, dans les étages. Ce n’était pas tâche facile. Après avoir tambouriné aux portes, quitte à les enfoncer, on faisait irruption dans l’intimité d’une famille, à laquelle il fallait arracher notre proie. On débarquait dans l’odeur de nourriture, les enfants se mettaient à brailler, les femmes se signaient en pleurant… Les gens ne parlaient pas Allemand, faisaient mine de ne pas nous comprendre. On devait alors casser quelques objets, molester quelqu’un, tirer en l’air… Je n’aimais pas cette tâche, mais que faire ? M’enfuir ? Pour aller où ? Enfin, on ressortait avec notre petit monde. Il est arrivé qu’une ou deux fois l’individu à interpeller se précipitât sur les toits, ou par les escaliers de service, dans l’espoir de s’échapper. Soit Franz mettait fin à lexploit, dune balle soigneusement ajustée. Ou alors, il fallait cavaler derrière, comme des imbéciles. En général, une fois qu’on avait repris notre fuyard, on lui faisait passer l’envie de jouer au héros, avec quelques coups de crosses dans les gencives ou les parties génitales. Si on trouvait chez lui des tracts ou autres éléments indiquant qu’il pouvait appartenir à la Résistance, alors on le remettait à la Gestapo. Celle-ci avait ses quartiers dans les sous-sols du 23. J’évitais d’y descendre, sauf ordre formel. Je me doutais de ce qu’on pouvait y trouver. Le tout-venant, c’était à nous de le « traiter ». En général, cela se terminait de façon abrupte. Nous emmenions ces gens sur des lieux choisis à l’avance. Carrières, mines abandonnées, enfin, loin d’éventuels témoins. Je me souviens surtout de la forêt de Palmyri, à cause de sa grande beauté. Le procédé ne variait guère : jusquau bout, ces gens ne savaient pas quon allait les exécuter. Ils emportaient leurs effets personnels, on les laissait fumer… Souvent, on leur rendait leurs papiers didentité. Tout était fait pour les maintenir dans lillusion dun transport ordinaire. Il y avait une clairière à louest des bois. Des fosses y avaient été creusées à lavance. Vastes, larges. On faisait descendre les prisonniers, on leur bandait les yeux. Puis on les emmenait au bord de ces tranchées. Là, ils étaient tués par balles, Ils tombaient comme des paquets ; on amenait les suivants, et à nouveau nos fusils crachaient. Quand tout le monde était mort, on récupérait les foulards ; on rebouchait avec la terre qui restait, puis on rentrait à la caserne. Je n’aimais pas les ensevelir. C’était épuisant. On ne le faisait pas à chaque fois, ça dépendait de l’organisation, mais… Le pire c’étaient ceux qui, tombés sur le dos, avaient gardé les yeux ouverts. Ecarquillés, en un mélange de surprise, de stupeur, d’effroi, ils semblaient me fixer, depuis la mort, en un muet reproche. Ils me hantaient la nuit, quand je cherchais le sommeil. Un compte méticuleux était tenu, recensant les victimes, leurs noms, où on les avait cueillies. Ainsi, on savait qui nous avait échappé, et les fuyards étaient reportés sur une liste spéciale. Ses précieux papiers à la main, Altmann, satisfait, donnait le signal du départ. On remontait dans les camions, en route vers l’allée Szucha. Moi j’allumais une cigarette ; fumer me calmait un peu. J’avais des collègues qui, à peine assis, sortaient des flasques de leurs poches et les vidaient consciencieusement. Il marrivait fréquemment de les imiter. Franz, habitué aux Eicksten, en grillait une tout en me regardant avec un étrange sourire, mélange de bienveillance, commisération, je ne sais quoi encore. Nous ne parlions pas. Altmann me mettait à lépreuve. Il semblait avoir compris que jétais sensible, et prenait un malin plaisir à me confronter à des situations désagréables. Le Sonderfahndungsbuch Polen comportait dans ses listes des noms de femmes. Je fus le premier du groupe à en arrêter une. Elle était médecin à lHôpital Central. Jignore pour quelle raison elle était portée sur ce registre ; très certainement un Volksdeutsche avait estimé quelle faisait partie de cette élite quil fallait éradiquer. Altmann mavait donc chargé de la ramener. Assis à larrière de sa voiture, il mavait remis la fameuse petite fiche avec pour seul commentaire : Ne me faites pas attendre des heures ! Efficacité, précision ! Kreisler, à côté de lui, avait rajouté : Allez, Ström ! Je ne sais pas pourquoi, mais jétais persuadé quune fois seuls, ils allaient échanger un clin dœil ou ricaner. Franz maccompagnait. Mais comme le Rottenführer savait que nous étions amis, il avait ajouté un tiers, en la personne de Heinz Brückmann, un type que je détestais. Grand, costaud, un cou de taureau et surtout, des manières de brute. Brückmann faisait partie de ces gens que javais repérés, qui se livraient à toutes sortes de jeux cruels avec ses victimes. Pendant les chasses aux Juifs par exemple, il était presque toujours saoul, les frappait à coups de schlague, de préférence sur la tête. Un jour, il en avait forcé un à sagenouiller, et lui avait uriné dessus. Jétais sûr qu’Altmann ne nous avait pas mis ce témoin dans les pattes par hasard. Avec lui, il voulait sassurer que nous nous montrerions sans pitié. Dans les couloirs surchargés de malades, tout le monde sécartait à notre approche. Trois SS, mitraillette au poing, avançant lair déterminé, avaient de quoi effrayer nimporte quel Polonais. Halina Korycka, spécialisée en pédiatrie, travaillait au second étage. Lorsque nous déboulâmes dans son aile, jeus le cœur serré de voir non seulement la pouponnière, mais aussi les tapis de jeux, avec leurs caisses remplies de peluches. Elle était là, un peu plus loin, avec un groupe denfants, en train de les examiner. Une infirmière était présente, à qui Korycka donnait des instructions. Les deux femmes défaisaient les bandages, observaient létat des plaies, et suivant lavis du médecin, décidaient de la suite à donner. Dès notre apparition, elles levèrent la tête. Certains enfants, instinctivement, se rapprochèrent delles. La doctoresse nous apostropha dans sa langue, puis, improvisant tant bien que mal : - Vous, pas entrer ! Visites, interdites ici ! Cétait une assez belle femme, avec des yeux clairs, dune couleur indéfinie. Je la désignai du doigt. Men tenant à des ordres brefs, je dis : - Halina Korycka ? Venir. Tout de suite. Je la vis pâlir, mais tenir bon. Elle restait droite, immobile, tout en me bombardant dun discours auquel je ne comprenais rien. Ses beaux yeux me foudroyaient, emplis de colère. Elle ne manquait pas de cran. Je mavançai encore, jusquà la saisir par lépaule. Une pression brève mais ferme lui fit comprendre que toute discussion était inutile. Elle ne disait plus rien mais me fixait, figée dans une attitude raide, comme si toute vie lavait quittée. Alors je lentraînai et, comme elle se débattait un peu, Franz vint se mettre de lautre côté. Ainsi encadrée, elle fut promptement évacuée. Les enfants sétaient mis à pleurer. Brückmann fermait la marche, le canon de son arme dans les reins de la jeune femme. Lorsque Altmann nous vit revenir, il lança, nonchalant : - Cest bien, Ström. Demain elle partira avec un convoi pour le camp d’Auschwitz. Vous ferez partie de léquipe qui sen chargera. Je ne mattendais pas du tout à cette dernière remarque. Je sentis mon ventre se gonfler, mon cœur battre plus fort. Ainsi donc, jallais découvrir un de ces camps ! Une intense curiosité se mit à me ronger. Lenvie de voir, de me rendre compte sur place. Que pouvait-il bien sy passer ? Le lendemain, effectivement, nous fûmes requis pour participer à un transport. Dès huit heures du matin, nous étions prêts, dans le réfectoire, attendant le signal du départ. On vint nous chercher, les véhicules étaient garés dans la cour intérieure. Nous partîmes avec deux ou trois clients que la Gestapo avait cuisinés, et qui se présentaient en piètre état. La doctoresse était là elle aussi, mais elle ne semblait pas avoir été maltraitée. Elle me reconnut et madressa un regard chargé de haine. Une première halte nous conduisit à la prison Rakoviecka, où nous chargeâmes encore cinq personnes. Le bon dûment signé, nous reprîmes les rues du centre, jusquà Pawiak. Là, le troupeau fut complété. Nous avions tout le monde. On séloigna de la ville. Nous avons roulé, mais je ne saurais dire… J’avais perdu la notion du temps. Nos prisonniers se tenaient tranquilles, la route nous secouait, je voyais les paysages défiler… A un moment donné, nous sommes arrivés à Oswiecim, petit hameau que nous avons traversé à vitesse réduite. Là, nous avons ralenti, pour finalement nous arrêter devant la gare de chemin de fer. Un autocar était rangé sur le côté. Intrigué, pendant que les clients descendaient, je men fus voir le chauffeur. Cétait un type à la mâchoire carrée, lair rustaud, nanti dépais sourcils. Lui offrant une cigarette, jengageai la conversation : - Salut. Cest loin, Auschwitz, dici ? Enfin, le camp… Il eut un geste vague, quelque part sur le côté : - Cest par là. - Et cest comment ? Il haussa les épaules : - Bah, cest comme partout. Jai hâte davoir une permission, rentrer un peu chez moi. Je viens de Bavière, et toi ? - La Westphalie. - Ah, lAllemagne… Retrouver une nourriture saine, des toilettes propres ! Ce pays de cochons me porte sur les nerfs ! - Il est grand, ce camp ? Il y a quel genre de détenus ? - Un peu de tout, ça dépend des arrivages. - Et ils travaillent ? Ils font quoi ? - Cest fonction des métiers. Certains sont utiles. Mais je crois quon tattend. Impossible davoir une réponse claire. Kreisler mappelait, ça allait bientôt être fini. Je repartis, déconfit. Mine de rien, il sétait arrangé pour ne pas me répondre et faire dévier la conversation. Il portait un uniforme SS mais appartenait à un autre corps, les unités Totenkopf. Jeus le sentiment que sa fausse bonhomie était calculée : il avait sûrement reçu consigne de ne rien révéler. Ce rendez-vous à la gare permettait de prendre livraison de la marchandise, sans quil fût possible davoir la moindre idée du camp et de son aspect, ni son emplacement. En quelques instants, le transfert fut effectué, les papiers signés. Kreisler me donna l’ordre de remonter à bord. Je navais rien vu d’Auschwitz. Et aucune notion de ce qui pouvait sy tramer. ... Voilà, Chris, jespère cet échantillon suffira. Jai posté par le passé des extraits, ils doivent encore se balader, je suppose... Tu me diras ce que tu en penses ? Cest un scoop, ça, non ? Cest du direct, ça nest pas encore seulement proposé à un éditeur !
Posted on: Sat, 16 Nov 2013 01:05:19 +0000

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