AU-DESSUS DE NOS TÊTES… La nuit sombrait dans sa plus - TopicsExpress



          

AU-DESSUS DE NOS TÊTES… La nuit sombrait dans sa plus profonde intensité. L’immeuble parisien ressentait les légers bruissements du vent. Les esprits tranquilles dormaient d’un sommeil lourd, épuisées par la routine quotidienne. Cependant, trois âmes ne ressentaient pas cette quiétude. Une composait sur son clavier, tentant une harmonie entre les mots qui se bousculaient dans son bulbe cervical bouillonnant. Elle s’acharnait à lier les rimes et à jouer avec les termes pour sa chronique dhumeur à diffuser sur les ondes. Elle désirait transmettre ses constructions mentales sans être trop cérébrale, mêler révolte intérieure et musicalité des termes. Elle se levait souvent au cœur de la nuit quand les doigts et la pensée la taraudaient trop profondément. A l’étage au-dessus, la tempête couvait. Pour la énième fois, reproches et récriminations avaient remplacé un programme télévisuel trop placide. Ils s’étaient couchés, plein de vindicte pour lui, emplie de crainte pour elle. La torpeur de cette nuit de début dété ne le touchait pas, il débordait de rage. Elle le ressentait si fort qu’elle s’était allongée au plus près du bord du lit comme si la possibilité d’une fuite la rassurait. Que lui reprochait-il ? Tout. Sa propre vie médiocre, son travail fastidieux, son manque de projets et surtout une libido en baisse. Pourtant depuis quinze ans, elle était à ses côtés, le soutenant, acceptant patiemment ses colères, tentant d’agrémenter leur vie un peu terne par un léger sourire, un repas tendrement préparé ou quelques fleurs heureusement disposées. Jamais un reproche envers celui qu’elle avait aimé et qui, aujourd’hui, la terrifiait. Plus le temps passait, plus elle se recroquevillait sur elle-même. Elle était devenue une liane fragile, couvrant ses bras, été comme hiver, les zébrures s’y profilant, elles auraient révélé à tous leurs souffrances mutuelles. Pour lui, celles de la médiocrité, pour elle, celles de lignominie morale et physique qu’il lui faisait subir. Il la condamnait pour ses propres erreurs en reportant sur elle ses échecs. Il se leva brusquement, elle se replia sur elle-même, en prévision des gestes devenus presque quotidiens. L’insoutenable attente ne fut pas longue. Il la poussa hors du lit, la traîna dans le salon, s’abattant sur elle, telle la grêle, frappant, essayant ainsi de détruire ce quil croyait être le miroir de ses multiples fiascos et qui nen était que limpuissant témoin. A l’étage au-dessous, l’arrangeuse de mots sortit de ses réflexions harmoniques en entendant un bruit sourd suivi de sons étranges, comme si un être survolté s’attaquait à détruire le mobilier au-dessus de sa tête. La compositrice avait souvent rencontré le couple du 4ème, lui souriant en permanence, trouvant toujours une petite phrase drôle à dire, elle, ombre discrète, toujours polie mais avec un sourire que la tristesse du regard faisait mentir. Quand les deux femmes se retrouvaient seules, la compositrice tentait de converser avec elle, avec peu de succès, à part quelques phrases succinctes. Elle avait pensé que tous les êtres ne pouvaient être comme elle, un peu extravertie et prête à arrêter le temps pour un agréable échange. En quelques secondes, elle se repassa les images de cette femme timide, repliée sur elle-même, s’y superposèrent celles que l’on voyait sur le petit écran, ces femmes battues, terrorisées et bafouées. Elle pouvait se tromper, s’immiscer dans une intimité ne lui appartenant pas et même avoir l’air ridicule. Sa mère lui avait transmis un côté Don Quichotte, cela l’avait quelques fois desservie. Mais elle préférait la pensée d’être risible à celle de la culpabilité. Elle décrocha son téléphone, réveilla le planton du commissariat, expliqua qu’il y avait, selon elle, urgence à se déplacer, donna les codes et l’étage. On lui répondit qu’une voiture arriverait dès que possible. Elle rétorqua qu’elle n’attendrait pas malgré les injonctions du policier. Les quelques marches séparant son trois pièces de celui du dessus lui parurent trop nombreuses. Elle hésita puis sonna, pas de réponse. Elle tourna la poignée de la porte d’entrée, par chance,elle n’était pas fermée à clef. Elle entra, les bruits sourds et des gémissements lui parvinrent. Longeant le couloir, elle sentait la peur inonder l’espace. Il était sur elle frappant à coups redoublés, s’acharnant sur la moindre petite superficie de chair encore épargnée. La compositrice hurla… Il lui fit face, le visage transformé en trogne immonde, il y avait une lueur de plaisir comme s’il se repaissait de la souffrance qu’il infligeait. Il voulut se jeter sur elle mais montrant son téléphone, elle lui indiqua que la police arrivait, elle parlait fort, détachait les mots, les lui lançait à la face comme de la viande à un fauve. La colère était passée de l’un à l’autre, elle le maudissait, le réduisant à n’être qu’un monstre. Les forces de l’ordre pénétrèrent et virent un spectacle ahurissant, un homme prostré et une femme essayant de donner les premiers soins à un être tuméfié de la tête au pieds. La compositrice exigea d’accompagner sa voisine à l’hôpital pour les premières constatations. Les agents passèrent les bracelets d’acier au mari. Terminé le visage affable du voisin sympathique, il ne restait de lui que la médiocrité d’un être vaincu par lhumanité dun autre. Christel Roels Tous droits réservés provence-alpes.france3.fr/2013/11/24/journee-internationale-contre-la-violence-faite-aux-femmes-364105.html
Posted on: Mon, 25 Nov 2013 05:17:32 +0000

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