Amour et Amour de soi « Parmi les incohérences de l’amour - TopicsExpress



          

Amour et Amour de soi « Parmi les incohérences de l’amour traité par Molière, aimer ce qui ne convient pas est le ressort le plus souvent utilisé, car il contient un impact dramatique eternel et pose la douloureuse question de la difficulté d’aimer. Aimer ce qui ne convient pas, source d’erreurs et de conflits, pousse les personnages au choix crucial de l’amour : le choix entre l’amour tout court et l’amour de soi. Et lorsque Célimène dit à Alceste : « non vous ne m’aimez point comme il faut que l’on aime », elle veut lui imposer sa propre façon d’aimer. Et il répond qu’il souhaiterait que « le ciel en naissant ne vous eu donné rien, que vous n’eussiez ni rang ni naissance, ni biens et que j’eusse la joie et la gloire en ce jour de vous voir tenir tout des mains de mon amour. » Etrange amour qui aboutit à la négation de l’être aimé. Comble de l’égocentrisme : il veut qu’elle n’existe qu’à travers lui. Car Célimène a sa propre personnalité, son entourage, son argent, son libre arbitre, situation exceptionnelle à l’époque. Molière évoque ainsi, avant la lettre, un des problèmes fondamentaux des couples modernes : l’indépendance des femmes. Chacun des deux héros promène avec lui son univers, ils les confrontent à armes égales, et ces univers sont irréductibles l’un à l’autre. Et cette passion déraisonnable qu’Alceste tente de combattre, cette passion est parfois profondément touchante, lorsque par exemple Alceste le pur, l’intransigeant, l’ennemi fanatique du mensonge supplie Célimène de lui mentir. « Efforcez vous ici de…de paraitre fidèle et je m’efforcerais, moi, de vous croire telle. » il espère encore la changer. Mais cet espoir est chimérique. On ne peut pas changer un être. Et on n’a pas le droit d’exiger ce changement ! A travers des excuses embarrassées, et dans le langage précieux du 17ème siècle, c’est ce que Célimène veut faire comprendre à Alceste. Ce qu’elle veut lui dire, c’est : « si tu m’aimes, accepte moi comme je suis parce que je ne changerai pas. Accepte-moi comme je suis et je t’accepterai comme tu es ! » (…) Si je prends le risque de vous parler de l’amour et de l’amour propre aujourd’hui, c’est parce que rien n’a changé et qu’il est aussi difficile qu’au 17ème siècle de concilier l’amour et l’épanouissement personnel. Alceste est intransigeant, égoïste, possessif. Célimène est légère, irresponsable, infidèle. Mais s’ils acceptaient leurs défauts, s’ils parvenaient à sourire de leurs différences, ce serait la victoire de l’amour sur l’amour propre. Seulement ces sacrifices ne sont dignes que d’un grand amour, et comment reconnait-on un grand amour ? Le jour où l’on s’aperçoit que le seul être au monde qui peut vous consoler c’est celui qui vous a fait mal. Alors on sait qu’on est un couple. Le misanthrope : comédie ou tragédie ? Musset disait en sortant d’une représentation : « Lorsque l’on vient d’en rire, on devrait en pleurer. » Et c’est vrai. Assister à l’échec d’un grand amour, c’est terriblement triste. Imaginez les deux héros à jamais rejetés au désert de leur solitude. C’est une désolation. Je crois que c’est cela le message de Molière pour nous tous à travers le temps. Oui, c’est à vous, svp, que ce discours s’adresse. Y’a-t-il quelqu’un parmi vous qui aime assez l’être qu’il dit aimer pour préférer son bonheur au sien, pour le laisser vivre à son rythme, pour pleurer de ses déceptions, rire de ses joies ? Je terminerai avec ces mots d’Alfred de Musset : « Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux et lâches, méprisables et sensuels. Toutes les femmes sont perfides, vaniteuses, artificieuses, curieuses et dépravées. Mais s’il y a au monde une chose sainte et sublime c’est l’union de ces deux êtres si imparfaits et si affreux."
Posted on: Mon, 24 Jun 2013 21:59:45 +0000

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