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Analyse parue dans le journal Week-end de ce matin. "Projet de société et révolution citoyenne! Le constat est là : nous vivons une crise sociétale aigue. Les principaux facteurs responsables ont été identifiés. La dérive actuelle n’est porteuse de rien sinon d’une aggravation de la dépression pouvant déboucher sur une implosion ou une explosion sociale. Il y a donc urgence d’y remédier. Le moment est venu maintenant d’explorer et d’approfondir les pistes de sortie de même que les implications de leur concrétisation. L’heure est aux propositions, aux initiatives, aux idées pour qu’à travers un débat démocratique responsable qui soit à la hauteur des enjeux on puisse dégager les grands axes de ce fameux projet de société. On l’évoque souvent mais dont on ne prend pas suffisamment de temps et ne lui accordons pas assez attention pour en dessiner les contours. Pour une vraie alternative Il faut se dire d’emblée qu’il n’y a pas de recettes magiques ou de solutions-miracle. En raison de la profondeur et de l’ampleur des maux qui affectent notre société, les pistes de sortie seront en réalité d’importants chantiers constitutifs de ce qui s’apparenterait à une véritable « révolution culturelle ». Il faudra du temps pour que tout cela, une fois lancée, donne les résultats escomptés. Mais nous n’avons pas le choix. On est à mi-mandat entre deux élections générales et l’échiquier politique est déjà en ébullition. Tout ce que nous pouvons souhaiter c’est que le débat politique prenne de la hauteur. Il y a aussi un grand besoin de profondeur. Il appartient aux forces vives et aux citoyens de mettre de la pression sur ceux qui aspirent à gouverner le pays pour nous faire part de leur programmes et projets et comment ils comptent s’y prendre pour les concrétiser. La partie qui est en train de se jouer entre les forces politiques avec en ligne de mire les législatives de 2015 se déroule sur fond de difficultés économiques qui semblent s’aggraver. Les doléances et revendications sociales latentes et manifestes vont aussi logiquement se développer. C’est déjà le cas. Pour une vraie sortie de crise sociétale, il ne s’agit pas simplement de garder ou de changer de premier ministre et/ou de gouvernement. Plus que jamais, il faut en finir avec la confusion entretenue pendant trop longtemps par les politiques entre cycle électoral et cycle de développement. Pour assurer l’avenir il faut prendre toute la mesure de la nouveauté et de la complexité de la crise systémique mondiale et de la transition historique provoquées par le déplacement du centre de gravité de l’économie mondiale. C’est dire que la tâche est complexe. Ne nous faisons guère d’illusions ! Salaires, pouvoir d’achat et compétitivité Il fallait s’attendre après le PRB à ce que les travailleurs du secteur privé et leurs organisations réclament eux aussi une augmentation des salaires. L’épisode CNT est venu accélérer ce processus. Dans le sillage du conflit industriel à la CNT, la déclaration du ministre du Travail critiquant « le bas niveau des salaires » et la nécessite « d’un meilleur partage de richesses » est très révélatrice de ce qui va se jouer. Le Premier ministre et le gouvernement vont tout faire pour récupérer le mouvement pour l’augmentation des salaires. Et le mouvement syndical va bien évidemment exploiter cette bonne disponibilité du gouvernement pour faire des avancées sur le front de la lutte pour de meilleurs salaires. Est-ce que les 20 % d’augmentation annoncé pour les travailleurs du secteur du transport deviendra le benchmark des augmentations salariales à venir dans les autres secteurs? Le mouvement syndical des travailleurs du privé évoquent une double légitimité de leur revendication salariale : le déséquilibre qu’a créé le PRB et la baisse du pouvoir d’achat. Ceci dit, il y a l’autre paramètre fondamental qui rentre dans l’équation : la compétitivité liée à la productivité. Et c’est une sujet qui n’est pas populaire. Qu’on le veuille ou non, nos entreprises doivent impérativement gagner la bataille de la compétitivité et de la qualité si nous voulons qu’elles puissent satisfaire les aspirations montantes des travailleurs mauriciens et de la population. D’où la nécessite d’une stratégie globale d’amélioration de la productivité. Le discours patronal et technocratique, s’il veut être entendu, ne peut être réductionniste et « idéologique » en ramenant la question de la productivité à sa seule dimension du travail. La problématique centrale des salaires, du pouvoir d’achat et du niveau de vie de la population renvoie à celle plus large de la crise économique qui est en train de s’installer chez nous et des moyens et conditions qu’il faut réunir pour la combattre. Il faudra dans un premier temps parer au plus pressé pour ensuite repenser le modèle. Crise économique, exigences et marge de manœuvre Beaucoup d’indicateurs sont dans le rouge et les tendances sont sources d’inquiétude. Quelle est la nature de la crise que l’économie nationale connait en ce moment? Quelle est la part qui est due aux facteurs externes et qu’en est-il de la marge de manœuvre interne dont disposent les responsables de la politique économique du pays et les opérateurs dans les différents secteurs. Trop souvent le débat économique prend le chemin du simplisme, de la démagogie et du populisme. Il y a ceux qui sont dans le déni de la réalité et d’autres qui font croire qu’il existe des solutions faciles aux sérieux problèmes économiques. C’est ainsi que pour le gouvernement du jour c’est la crise internationale qui est responsable de la situation économique tandis que pour l’opposition c’est l’incompétence du gouvernement. Au niveau des partenaires sociaux le patronat explique que les entreprises n’ont pas les moyens de satisfaire les revendications salariales en raison d’une profitabilité en baisse due à de nombreux facteurs dont une productivité insuffisante. A cela les syndicats rétorquent que la crise économique a bon dos et sert de prétexte au patronat. Les syndicats dénoncent aussi dans le même souffle ce qu’ils considèrent être des inégalités inacceptables dans la politique de rémunération des entreprises On est dans le schéma de « l’enfer c’est les autres » qui est à la base du blocage social dont souffre la société mauricienne depuis plusieurs années déjà. Avec comme résultat le règne du dialogue de sourds. Pour importante qu’elle soit, la crise économique reste surdéterminée par la crise sociétale mauricienne. De ce fait, les seules remèdes économiques, si elles sont nécessaires ne seront pas suffisantes car le système économique ne fonctionne pas dans un vacuum socio-politique. Le social et l’économie entretiennent des rapports complexes d’interdépendance. On ne peut non plus faire abstraction de l’environnement économique mondial dans lequel opère l’économie nationale. La situation se complique quand il y a télescopage du social et de l’international. Les problématiques de la crise sociétale Une stratégie concrète de sortie de crise et de construction de l’avenir passe par la façon dont nous parviendrons à relever avec succès les défis associés aux problématiques dont nous dressons une liste plus bas. Cette dernière a été constituée partant d’un constat des graves manquements et dérives mais aussi des exigences. Il y a en jeu, les moyens d’assurer l’avenir de notre société sur des bases saines *: 1 Instaurer la bonne gouvernance dans les institutions et entreprises publiques et privées ; 2 Lutter contre les inégalités sociales, les précarités, la pauvreté et l’exclusion ; 3 En finir avec la politique de la guerre de places et de boutes ; 4 Rétablir la confiance dans les institutions ; 5 Promouvoir activement l’égalité citoyenne, qui est l’antidote de l’ethno-clientélisme et d’autres discriminations ; 6 Lutter contre la désespérance et ses manifestations mortifères – drogue, suicide, violence ; 7 Assurer la sécurité des citoyens et développer une réelle politique de gestion des risques ; 8 Promouvoir concrètement le projet Maurice Ile Durable dans ses 5 déclinaisons ; 9 Comment combler le déficit en leaders visionnaires, doers et drivers dans tous les domaines - publics et privés ; 10 Promouvoir la culture de l’excellence et le culte de la qualité dans la population ; 11 Susciter l’émergence d’« élites » exemplaires qui puissent servir de role models ; 12 Réussir l’intégration du pays dans le nouvel ordre régional et mondial. Blocage social Nous pensons qu’une majorité de ceux qui sont concernés directement par le développement et le devenir du pays serait d’accord que ce sont là les défis à affronter. La situation se corse et les difficultés commencent quand il s’agit de passer à l’étape suivante qui consiste à se demander pourquoi notre société se retrouve dans une telle situation et qui en sont les responsables. Car pour chaque groupe d’acteurs et même à l’intérieur de chaque groupe on va entendre « pa nou sa zot sa ». Et c’est là que se situe le blocage, déjà évoqué, de notre société. Partant de là, il n’est pas étonnant qu’il ne soit guère facile d’amener ces acteurs à s’entendre sur la nature du changement à opérer en termes de politiques à mener, de mesures à prendre et d’initiatives à lancer. Bref, d’avoir parmi les stakeholders une shared vision. Et qu’en est-il au sein de la population ? Il existe un groupe grandissant de Mauriciens, que l’on ne peut quantifier, qui ne se reconnait plus dans les partis politiques du mainstream. L’idée de l’émergence d’une nouvelle force part de ce constat, une force qui ferait de la politique autrement, et répondant ainsi davantage aux préoccupations et aspirations de ces Mauriciens là et qui serait ainsi porteuse d’un nouveau projet de société. L’idée mérite d’être débattue et approfondie. Il existe également des « frustrés », ceux qui n’ont rien contre le système actuel mais qui se plaignent de ne pas être parmi les bénéficiaires. Il faut aussi compter avec les « nantis » qui trouvent quant à eux que la machine ne tourne plus comme ils auraient souhaité, non pas dans le sens de l’intérêt général, mais pour les permettre de consolider leur position dans le camp des 1% pour reprendre la terminologie du mouvement des indignés. Révoltés, indignés et l’alternative citoyenne Ces « frustés » et « nantis » ne font pas partie de la catégorie des « révoltés et indignés ». Ces derniers sont « genuine » dans la critique des manquements et dysfonctionnements de la société actuelle et sincères dans la recherche d’une société véritablement démocratique, plus juste, plus équitable, plus solidaire, plus forte moralement. Qui sont-ils ? Où sont-ils ? Combien sont-ils ? Peut-on parler de courant/mouvement alternatif ? Les réponses à ces questions sont contradictoires, allant de sa négation à son irruption imminente sur la scène socio-politique en passant par sa lente constitution. Pour notre part, nous pensons que le courant alternatif existe, il est encore embryonnaire, il est traversé par une multitude de sensibilités, avec des modes opératoires et des thématiques divers. Durant les cinq dernières années ce « mouvement » s’est développé avec des initiatives menées sur le mode frontiste entre autres, certaines ont eu du succès, d’autre moins car manquant d’ancrage et de liens organiques avec la population. Passons sur les « virtualistes », « offshoristes» et autres « salonnards ». Ceux qui avancent que la ‘révolution’ a déjà commencé, du moins dans sa phase intellectuelle, n’ont pas tort. Elle demande à être consolidée pour entrer dans sa phase cruciale de mouvement pour enclencher le changement de mentalités. Soit une révolution culturelle pour avancer et progresser. Il y a énormément de travail à effecteur pour ceux qui animent sur le terrain le courant alternatif. Il faut dégager un programme minimaliste avec une cohérence interne et une direction crédible pour porter un nouveau projet de société. Un projet qui passe par l’élaboration d’une plateforme de revendications et de propositions sur les différents volets problématiques de notre société et son avenir. Il doit bien évidemment susciter l’adhésion et entraîner une mobilisation. Pour, dans un premier temps, peser davantage sur le débat public sur la recherche concrètes des pistes de sortie. Et en se faisant mettre de la pression de manière constante et permanente sur ceux qui sont et seront amenés à gouverner le pays. Nous avons tenté de poser le problème en exposant les dynamiques dominantes, les facteurs de blocage, l’ossature des défis à relever et les difficultés objectives concernant un potentiel mouvement porteur d’un nouveau projet de société. La pertinence et l’impact de ce mouvement dépendront du soutien qu’il obtiendra de la population. Les citoyens ne peuvent plus se contenter de se lamenter et de critiquer. Ils ont une responsabilité de s’engager et de participer à la construction d’une nouvelle société. Pour réussir la sortie de crise sociétale chaque citoyen, là où il est sur le bateau Maurice, sur le pont ou dans la calle, doit jouer sa partition! En clair, notre république est en manque d’une révolution citoyenne" . Malenn Oodiah [email protected] : pour vos commentaires et feedback qui sont most welcome. * Nous allons dans les semaines à venir élaborer sur chacune des problématiques identifiées dans la présente analyse.
Posted on: Sun, 21 Jul 2013 05:39:54 +0000

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