Billet d’humeur du 4 décembre 20 13. Maurice Barrès, - TopicsExpress



          

Billet d’humeur du 4 décembre 20 13. Maurice Barrès, rossignol malgré lui… En voilà un qui aura eu toutes les réputations, bonnes, et même : exemplaires, et finalement, bêtement : mauvaises. Il méritait les premières, pas les ultimes. Avec sa taille cambrée, frêle, nerveuse, sa stature très tenue pourtant, il reste un géant. Car le bonhomme domine notre littérature, avec des allures de fier hidalgo à la mèche rebelle et au regard doux et fiévreux à la fois. Il vous observe à distance respectable et même respectueuse. Ce provincial saisi par Paris sans renier sa province des marches de l’Est, ce Français qui essaya de comprendre les familles spirituelles d’un pays à la vieille histoire, ce rêveur passionné par l’Orient qu’il visita et comprit mieux qu’avec des idées simples, ce fut un poète, un romancier, un chroniqueur de haute volée. Issu d’une lignée auvergnate, mais né à Charmes, en Lorraine en 1862, c’est à Paris qu’il mourut le 4 décembre 1923. Un, lui, il, qui ? C’était Maurice Barrès, qui fut tout, même académicien… Prince de la jeunesse, dévoué discrètement aux dernières années du grand, du tragique et émouvant Verlaine, Maurice Barrès est aujourd’hui rangé dans la catégorie redoutée – et pourtant estimable – des réfractaires. Il semble condamné au Purgatoire littéraire et à l’Enfer politique en même temps. C’est idiot. C’est même pire. On ne cesse, après lui avoir fait l’hommage de funérailles nationales, voilà quatre-vingt-dix ans, presque l’éternité dans notre temps devenu follement rapide et instable, de le conspuer, sans, paradoxalement, cesser de l’utiliser, de le lire sans le comprendre… Albert Thibaudet, républicain lucide, formé à la haute culture et lui-même prince de l’intelligence, notait avec perspicacité quant à Maurice Barrès que « ce grand bourgeois dans le style où l’on serait grand d’Espagne était un prince, un prince immémorial. Il vit que le fond d’une cour aujourd’hui, c’est un parti politique, s’essaya avec celui de gauche […], reconnut l’impasse, évolua souplement à la française, trouva son assiette et les planches de son trônes dans le monde du centre droit. » Disons-le : Barrès vécut avec les drames politiques et les failles publiques de son temps « d’incomparables Frondes, des convulsions fécondes. » Mais la royauté ou le trône de Maurice Barrès, républicain et petit fils d’un officier de la Révolution et de la Grande-Armée, disciple de Stendhal, ce fut certes un siège de député, dit nationaliste, mais qu’on ne saurait qualifier de conservateur sans passer par une autre définition : « Je suis un mélange d’anarchiste et de conservateur dans des proportions qui restent à déterminer…» Embarqué dans la lutte publique pendant trente ans, il resta pourtant libre, touchant, émouvant, fébrile et lucide, voyageur et rêveur. L’homme de ferveur, le grand prosateur de la France provinciale fit le tour des tristes figures de son temps, il ne s’y trompa guère. Ecartelé, parfois, passionné toujours, il fut romantique malgré lui. Il y a de l’aventurier digne de d’Artagnan en lui, malgré son allure froide à la Aramis. S’il est resté souple, il ne fut jamais traître à lui-même, à son œuvre ou à sa passion française, absolue, celle d’un petit garçon triste, parfois, fasciné souvent, et devenu écrivain, tendre, solide, sévère plus que féroce. Qu’il s’agisse de la France, assumée pleinement, charnellement aimée et comprise, depuis sa province des Vosges aux rudesses de Paris, qu’il s’agisse de la Méditerranée qui le fit rêveur ou du ciel de Tolède ou du Liban douloureux et solaire, Barrès sut donner de son tour du monde et du tour de son époque des images exactes, franches, profondes, incomparables. Il y a chez celui qui soutint le moral des Français pendant la Grande Guerre et que l’on condamne depuis en le qualifiant étroitement de « Rossignol du carnage », un homme splendide et complet, il y a chez ce sceptique ou plutôt ce timide un fervent absolu, chez ce politicien malgré lui, un observateur franc, clair, dont l’image est faussée et dont la leçon reste celle d’un réfractaire qu’il faut relire, avec tendresse, avec reconnaissance et sans mépris aucun ! Saluons Barrès, républicain de haute valeur et cœur lucide, saluons-le, comme Athos, dans Vingt Ans Après salue la royauté tombée quand le bourreau tranche le cou de Charles 1er d’Angleterre ! RL.
Posted on: Wed, 04 Dec 2013 16:00:03 +0000

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