Billy Wilder et la direction dacteurs : Il suffit d’avoir dans - TopicsExpress



          

Billy Wilder et la direction dacteurs : Il suffit d’avoir dans la tête le rythme de chaque scène du film. Quand j’arrive sur le plateau, je me pose le problème de la scène à tourner, de son pourquoi, de son rythme. J’espère que les acteurs ont étudié leur texte et je leur dis : allez-y ! Ils commencent, et parfois ils apportent quelque chose de supérieur à ce que j’avais imaginé. Dans ce cas-là, je prends. S’ils sont mauvais, je les corrige, le plus tranquillement possible, mais jamais je nénumère tout ce qu’ils ont à faire. Je ne leur dis pas : maintenant tu prends une cigarette, puis tu regardes là, puis là, et tu fais un pas dans cette direction... Je veux que chacun, sur le plateau, se sente un collaborateur. Les acteurs aiment ça. Certains arrivent sur le plateau complètement vides. A ceux-là il faut tout dire. Ce sont souvent de très bons acteurs. Par contre, Laughton arrive avec quarante interprétations possibles d’une scène. Il y a le choix. Alors nous échangeons des idées, il essaye queiques-unes de ses interprétations et nous choisissons l’une d’elles. Parfois nous en combinons plusieurs. Parmi les acteurs à qui il faut tout dire, il y a aussi ceux qui sont très prétentieux. A ceux-là il faut tout expliquer depuis le début. Par exemple : ton oncle était pédéraste et autrefois, etc., choses qui nont rien à voir avec le film et qu’on ne verra jamais dedans. Seulement ça leur plaît beaucoup, car ils se disent que ce bon vieux Wilder il a étudié Freud et ça les flatte. D’autres sont stupides. Avec eux il faut être direct, primitif. Les acteurs sont des patients, nous sommes le médecin qui doit s’adapter à des clients différents. Ils sont aussi comme des partenaires, au bridge, dont il faut comprendre la manière, si l’on veut pouvoir faire équipe avec eux. Il faut ressentir leur façon de voir les choses. Devant un acteur, il faut se demander s’il va être gêné ou non par telle pensée, tel thème. S’il est capable ou non d’y ajouter quelque chose, s’il a les moyens, la technique, le style pour le faire. Certains interprètes peuvent vous aider à raconter l’histoire. Il est préférable de connaître un acteur pour savoir ce qu’on peut ou non lui demander. Je connais Lemmon, Holden, Monroe comme ma poche et je sais ce que je peux leur faire faire, Marilyn, je sais ce qui va ou non avec sa personnalité. Elle ne peut pas tout faire. II y a des choses qui lui sont particulières, il faut avoir préparé un matériel spécial pour elle. La grande règle est de ne jamais rien prendre que ce qui convient au film. Pas question de faire d’abord plaisir à un tel ou de prendre telle actrice parce qu’on veut coucher avec, A partir du moment où le film est en jeu, il ne faut plus penser qu’à lui. J’aime beaucoup ma femme, mais si à propos d’un film je dois faire quelque chose pour elle qui ne soit pas bon pour le film, je refuserais, même si ça devait amener la fin de mon mariage. Et je refuserais aussi à ma mère, si elle était vivante, mais elle est morte à Auschwitz. C’est le film qui m’intéresse, ce qui n’est pas bon pour le film, je ne l’utilise pas. La difficulté n’est pas de trouver des idées à partir de rien, c’est de partir de millions d’idées dont la plupart n’ont rien à voir avec ce qu’on doit faire. Le premier grand travail est de mettre au panier tout ce qu’on écrit d’inutile. Je voudrais surtout donner l’impressjon que la meilleure mise en scène est celle qu’on ne voit pas. Si on truque les choses, si on réalise la prise de vue unique, celle que personne avant vous n’a jamais faite, celle qui fera soupirer les gens d’aise, alors on est mort! II faut que le public oublie qu’il y a un écran. Il faut les amener dans l’écran, jusqu’à ce qu’ils oublient que l’image a deux dimensions seulement. Si on fait artistique, voulu, recherché, on rate tout. Les critiques surtout en Amérique, sont un peu... Quand par exemple ils parlent de la photographie des films d’Ingmar Bergman, ils admirent le grain. Ils disent : c’est magnifique ! Mais à quoi est-il dû, le grain ? Simplement au fait que la copie a subi un nouveau tirage pour qu’on y mette les sous-titres. Ce n’est plus la copie originale, mais cela ils ne le savent pas. Jean Domarchi et Jean Douchet, Entretien avec Billy Wilder (extraits), Cahiers du cinéma n°134, août 1962
Posted on: Mon, 18 Nov 2013 23:32:52 +0000

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