CEDH LA CONVENTION NA PAS DEFFET RETROACTIF ELLE SAPPLIQUE QUA - TopicsExpress



          

CEDH LA CONVENTION NA PAS DEFFET RETROACTIF ELLE SAPPLIQUE QUA PARTIR DU JOUR OU ELLE ENTRE EN VIGUEUR ET QUE LETAT LA RATIFIE Grande Chambre Janowiec et Autres c. Russie du 21 octobre 2013 requêtes 55508/07 et 29520/09 ARTICLE 2 I. SUR LA QUESTION DE SAVOIR SI LES PROCHES PARENTS DES REQUÉRANTS DÉCÉDÉS ONT QUALITÉ POUR AGIR DEVANT LA COUR 97. A la suite du décès de Krzysztof Jan Malewicz le 7 juillet 2011, son fils, M. Piotr Malewicz, a fait part à la Cour de sa volonté de poursuivre à la place de son père les griefs soulevés par ce dernier. 98. La chambre a rappelé que, dans des affaires antérieures où le requérant était décédé au cours de la procédure, la Cour avait pris en compte les déclarations par lesquelles ses héritiers ou des membres de sa famille proche avaient dit vouloir poursuivre l’instance devant elle (Karner c. Autriche, no 40016/98, § 25, CEDH 2003-IX, et Dalban c. Roumanie [GC], no 28114/95, § 39, CEDH 1999-VI). Aussi a-t-elle accepté que M. Piotr Malewicz poursuive la requête pour autant qu’elle avait été introduite par son défunt père. 99. Halina Michalska est décédée le 28 novembre 2012. Par une lettre du 30 janvier 2013, son fils, M. Kazimierz Raczyński, a exprimé sa volonté de poursuivre l’instance à la place de sa mère. 100. La Grande Chambre relève que M. Piotr Malewicz et M. Kazimierz Raczyński sont tous deux de proches parents des requérants défunts et que la reconnaissance par la chambre à M. Piotr Malewicz de la qualité pour agir n’est contestée ni par l’une ni par l’autre des parties. Elle ne voit donc aucune raison de parvenir à une conclusion différente, que ce soit à l’égard de M. Piotr Malewicz ou, par analogie, à l’égard de M. Kazimierz Raczyński. 101. La Cour accepte dès lors que MM. Piotr Malewicz et Kazimierz Raczyński poursuivent la requête pour autant que celle-ci a été introduite par feu Krzysztof Jan Malewicz et par feu Halina Michalska respectivement. 1. Principes généraux 128. La Cour rappelle que les dispositions de la Convention ne lient une Partie contractante ni relativement aux actes ou faits antérieurs à la date de l’entrée en vigueur de la Convention à l’égard de cette partie (la « date critique »), ni relativement aux situations qui avaient cessé d’exister avant cette date. Il s’agit d’un principe constant dans la jurisprudence de la Cour, fondé sur la règle générale de droit international consacrée par l’article 28 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités (Varnava et autres c. Turquie [GC], nos 16064/90, 16065/90, 16066/90, 16068/90, 16069/90, 16070/90, 16071/90, 16072/90 et 16073/90, § 130, CEDH 2009 ; Šilih c. Slovénie [GC], no 71463/01, § 140, 9 avril 2009, et Blečić c. Croatie [GC], no 59532/00, § 70, CEDH 2006‑III). 129. Lorsqu’un acte, une omission ou une décision présentés comme contraires à la Convention se sont produits avant l’entrée en vigueur de la Convention, mais que la procédure pour en obtenir le redressement a été engagée ou s’est prolongée après cette date, cette procédure ne saurait être considérée comme formant partie des faits constitutifs de la violation alléguée et ne fait pas entrer la cause dans la compétence temporelle de la Cour (Varnava et autres, précité, § 130, et Blečić, précité, §§ 77-79). 130. S’il est vrai que, à partir de la date critique, toutes les actions et omissions des Etats contractants doivent être conformes à la Convention, celle-ci ne leur impose aucune obligation spécifique de redresser les injustices ou dommages causés avant cette date (Kopecký c. Slovaquie [GC], no 44912/98, § 38, CEDH 2004‑IX). Ainsi, pour établir la compétence temporelle de la Cour, il est essentiel dans chaque affaire donnée de localiser dans le temps l’ingérence alléguée. La Cour doit tenir compte à cet égard tant des faits dont se plaint le requérant que de la portée du droit garanti par la Convention dont la violation est alléguée (Varnava et autres, précité, § 131, et Blečić, précité, §§ 72 et 81-82). 131. La Cour a statué sur un certain nombre d’affaires dans lesquelles les faits se rapportant au volet matériel de l’article 2 ou de l’article 3 échappaient à sa compétence temporelle, tandis que les faits relatifs au volet procédural connexe, c’est-à-dire à la procédure ultérieure, relevaient au moins partiellement de sa compétence (pour un résumé de la jurisprudence, voir l’arrêt Šilih précité, §§ 148-152). 132. Elle y a conclu que l’obligation procédurale découlant de l’article 2 de mener une enquête effective avait acquis un caractère distinct et autonome. Bien que cette obligation procède de faits relevant du volet matériel de l’article 2, elle peut être considérée comme une obligation détachable résultant de l’article 2 et pouvant s’imposer à l’Etat même lorsque le décès est antérieur à la date critique (Varnava et autres, précité, § 138, et Šilih, précité, § 159). 133. Cependant, compte tenu du principe de la sécurité juridique, la compétence temporelle de la Cour pour vérifier le respect de l’obligation procédurale découlant de l’article 2 relativement à un décès antérieur à la date critique n’est pas sans limites (Šilih, précité, § 161). Dans l’arrêt Šilih, la Cour a défini ainsi les limites de sa compétence temporelle : « 162. Premièrement, il est clair que dans le cas d’un décès survenu avant la date critique, seuls les actes et/ou omissions de nature procédurale postérieurs à cette date peuvent relever de la compétence temporelle de la Cour. 163. Deuxièmement, pour que les obligations procédurales imposées par l’article 2 deviennent applicables, il doit exister un lien véritable entre le décès et l’entrée en vigueur de la Convention à l’égard de l’Etat défendeur. Ainsi, il doit être établi qu’une part importante des mesures procédurales requises par cette disposition – non seulement une enquête effective sur le décès de la personne concernée, mais aussi le déclenchement d’une procédure adéquate visant à déterminer la cause du décès et à obliger les responsables à répondre de leurs actes – ont été ou auraient dû être mises en œuvre après la date critique. La Cour n’exclut pas, toutefois, que dans certaines circonstances ce lien puisse également reposer sur la nécessité de vérifier que les garanties offertes par la Convention et les valeurs qui la sous-tendent sont protégées de manière réelle et effective. » 134. Dans l’arrêt Varnava et autres précité, la Cour a apporté des explications sur l’importante distinction qu’il y a lieu d’établir entre l’obligation d’enquêter sur un décès suspect et l’obligation d’enquêter sur une disparition suspecte : « 148. (...) Une disparition est un phénomène distinct, qui se caractérise par une situation où les proches sont confrontés de manière continue à l’incertitude et au manque d’explications et d’informations sur ce qui s’est passé, les éléments pertinents à cet égard pouvant parfois même être délibérément dissimulés ou obscurcis (...). Cette situation dure souvent très longtemps, prolongeant par là même le tourment des proches de la victime. Dès lors, on ne saurait ramener une disparition à un acte ou événement « instantané » ; l’élément distinctif supplémentaire que constitue le défaut ultérieur d’explications sur ce qu’il est advenu de la personne disparue et sur le lieu où elle se trouve engendre une situation continue. Par conséquent, l’obligation procédurale subsiste potentiellement tant que le sort de la personne concernée n’a pas été éclairci ; l’absence persistante de l’enquête requise sera considérée comme emportant une violation continue (...). Il en est ainsi même lorsque l’on peut finalement présumer que la victime est décédée. » 135. La Cour a souligné par ailleurs que l’exigence d’une proximité entre le décès et les mesures d’instruction, d’une part, et la date d’entrée en vigueur de la Convention à l’égard de l’Etat defendeur, d’autre part (voir l’arrêt Šilih précité), vaut uniquement en cas d’homicide ou de décès suspect, lorsque l’élément factuel central, la mort de la victime, est connu avec certitude, même si la cause exacte ou la responsabilité ultime ne l’est pas. En pareils cas, l’obligation procédurale ne revêt pas un caractère continu (Varnava et autres, précité, § 149). 2. Jurisprudence récente 136. A la suite de l’arrêt Šilih, les principes régissant la compétence temporelle de la Cour s’agissant de l’obligation « détachable » découlant de l’article 2 de la Convention d’enquêter sur le décès d’une personne ont été appliqués dans un grand nombre d’affaires. 137. La masse de celles-ci peut être répartie en différents groupes dont le plus important est constitué d’affaires dirigées contre la Roumanie dans lesquelles était alléguée l’ineffectivité des investigations sur les décès de manifestants au cours de la révolution roumaine de décembre 1989. Dans ces affaires, la Cour s’est déclarée compétente pour connaître des griefs au motif que, à la date de l’entrée en vigueur de la Convention à l’égard de la Roumanie, les procédures étaient toujours en cours devant le parquet (Association « 21 Décembre 1989 » et autres c. Roumanie, nos 33810/07 et 18817/08, 24 mai 2011 ; Pastor et Ţiclete c. Roumanie, nos 30911/06 et 40967/06, 19 avril 2011 ; Lăpuşan et autres c. Roumanie, nos 29007/06, 30552/06, 31323/06, 31920/06, 34485/06, 38960/06, 38996/06, 39027/06 et 39067/06, 8 mars 2011 ; Şandru et autres c. Roumanie, no 22465/03, 8 décembre 2009, et Agache et autres c. Roumanie, no 2712/02, 20 octobre 2009). Elle a statué de manière analogue dans deux affaires postérieures qui avaient pour objet des incidents violents survenus en juin 1990 (Mocanu et autres c. Roumanie, nos 10865/09, 45886/07 et 32431/08, 13 novembre 2012) et en septembre 1991 (Crăiniceanu et Frumuşanu c. Roumanie, no 12442/04, 24 avril 2012). 138. Dans d’autres affaires récentes – à l’exception de l’affaire Tuna c. Turquie, qui avait pour origine un décès en garde à vue survenu environ sept ans avant la reconnaissance par la Turquie du droit de recours individuel (Tuna c. Turquie, no 22339/03, §§ 57-63, 19 janvier 2010) –, où il n’était pas allégué que le décès en question était la conséquence de quelconques actes d’agents de l’Etat, le décès précédait de un à quatre ans la date d’entrée en vigueur et une part importante de la procédure avait été conduite après cette date (Kudra c. Croatie, no 13904/07, §§ 110-112, 18 décembre 2012 : quatre ans, décès accidentel causé par la négligence d’une société privée ; Igor Shevchenko c. Ukraine, no 22737/04, §§ 45-48, 12 janvier 2012 : trois ans, accident de la circulation ; Bajić c. Croatie, no 41108/10, § 62, 13 novembre 2012 : quatre ans, erreur médicale ; Dimovi c. Bulgarie, no 52744/07, §§ 36-45, 6 novembre 2012 : trois ans, décès causé par un incendie ; Velcea et Mazăre c. Roumanie, no 64301/01, §§ 85‑88, 1er décembre 2009 : un an, dispute familiale ; Trufin c. Roumanie, no 3990/04, §§ 32-34, 20 octobre 2009 : deux ans, meurtre ; et Lyubov Efimenko c. Ukraine, no 75726/01, § 65, 25 novembre 2010 : quatre ans, vol à main armée et meurtre). Dans deux affaires, le fait que des insurgés ou des formations paramilitaires eussent tué les proches des requérants sept et six ans respectivement avant la date critique n’a pas empêché la Cour de connaître du fond du grief soulevé sous l’angle du volet procédural de l’article 2 (Paçacı et autres c. Turquie, no 3064/07, §§ 64-66, 8 novembre 2011, et Jularić c. Croatie, no 20106/06, §§ 38 et 45-46, 20 janvier 2011). La période de treize ans ayant séparé le décès du fils du requérant dans une bagarre et l’entrée en vigueur de la Convention à l’égard de la Serbie n’a pas non plus été considérée comme primant l’importance des actes de procédure accomplis après la date critique (Mladenović c. Serbie, no 1099/08, §§ 38-40, 22 mai 2012). 139. La Cour a également statué sur un certain nombre d’affaires dans lesquelles le requérant disait avoir été victime d’un traitement prohibé par l’article 3 de la Convention à un moment donné avant la date critique. Elle a conclu qu’elle avait compétence pour vérifier le respect par l’Etat défendeur – pendant la période postérieure à l’entrée en vigueur – de l’article 3 sous son volet procédural, qui lui imposait de conduire une enquête effective respectivement dans un cas de brutalités policières (Yatsenko c. Ukraine, no 75345/01, § 40, 16 février 2012, et Stanimirović c. Serbie, no 26088/06, §§ 28-29, 18 octobre 2011), dans un cas de viol (P.M. c. Bulgarie, no 49669/07, § 58, 24 janvier 2012) et dans un cas de mauvais traitements infligés par un particulier (Otašević c. Serbie, no 32198/07, 5 février 2013). 3. Clarification des critères élaborés dans l’arrêt Šilih 140. Malgré le nombre toujours croissant d’arrêts dans lesquels la Cour statue sur sa compétence ratione temporis en se fondant sur les critères adoptés dans l’arrêt Šilih, l’application en pratique de ces derniers est parfois source d’incertitudes. Une clarification est donc souhaitable. 141. Les critères exposés aux paragraphes 162 et 163 de l’arrêt Šilih (repris au paragraphe 133 ci-dessus) peuvent se résumer comme suit. Premièrement, dans le cas d’un décès survenu avant la date critique, seuls les actes et omissions de nature procédurale postérieurs à cette date relèvent de la compétence temporelle de la Cour. Deuxièmement, pour que l’obligation procédurale entre en jeu, il doit exister un « lien véritable » entre le décès en tant que fait générateur et l’entrée en vigueur de la Convention. Troisièmement, un lien qui ne serait pas « véritable » peut néanmoins suffire à établir la compétence de la Cour si sa prise en compte est nécessaire pour permettre de vérifier que les garanties offertes par la Convention et les valeurs qui la sous-tendent sont protégées de manière réelle et effective. La Cour examinera tour à tour chacun de ces éléments. a) Actes et omissions de nature procédurale postérieurs à l’entrée en vigueur de la Convention 142. La Cour rappelle d’emblée que l’enquête que requiert l’article 2 sous son volet procédural ne constitue pas un mode de redressement d’une violation alléguée du droit à la vie qui a pu survenir avant la date critique. La violation alléguée de l’obligation procédurale a pour origine l’absence d’enquête effective ; l’obligation procédurale a son propre champ d’application et peut jouer indépendamment de l’obligation matérielle de l’article 2 (arrêts Varnava et autres, § 136, et Šilih, § 159, précités). Dès lors, la compétence temporelle de la Cour englobe les actes et omissions de nature procédurale qui sont survenus ou auraient dû survenir après l’entrée en vigueur de la Convention à l’égard de l’Etat défendeur. 143. La Cour considère en outre que par « actes de nature procédurale » il faut entendre les actes inhérents à l’obligation procédurale découlant de l’article 2 ou, le cas échéant, de l’article 3 de la Convention, c’est-à-dire les actes pris dans le cadre d’une procédure pénale, civile, administrative ou disciplinaire susceptible de mener à l’identification et à la punition des responsables ou à l’indemnisation de la partie lésée (Labita c. Italie [GC], no 26772/95, § 131, CEDH 2000‑IV, et McCann et autres c. Royaume-Uni, 27 septembre 1995, § 161, série A no 324). Cette définition a pour effet d’exclure les autres types de démarches pouvant être entreprises à d’autres fins, par exemple pour établir une vérité historique. 144. Les « omissions » visent les cas où il n’y a eu aucune enquête et ceux où seuls des actes de procédure insignifiants ont été effectués mais où il est allégué qu’une enquête effective aurait dû être menée. Dès lors que se présente une allégation, un moyen de preuve ou un élément d’information plausible et crédible qui pourrait permettre d’identifier et, au bout du compte, d’inculper ou de punir les responsables, les autorités sont tenues de prendre des mesures d’enquête (Gutiérrez Dorado et Dorado Ortiz c. Espagne (déc.), no 30141/09, §§ 39-41, 27 mars 2012 ; Çakir et autres c. Chypre (déc.), no 7864/06, 29 avril 2010, et Brecknell, précité, §§ 66-72). Si vient à surgir postérieurement à l’entrée en vigueur un élément nouveau suffisamment important et déterminant pour justifier l’ouverture d’une nouvelle instance, la Cour devra s’assurer que l’Etat défendeur s’est acquitté de l’obligation procédurale que lui impose l’article 2 d’une manière compatible avec les principes énoncés dans sa jurisprudence. Toutefois, si le fait générateur échappe à la compétence temporelle de la Cour, la découverte d’éléments nouveaux après la date critique ne pourra faire renaître l’obligation d’enquêter que si le critère du « lien véritable » ou celui des « valeurs de la Convention » (voir ci-dessous) a été satisfait. b) Le critère du « lien véritable » 145. La première phrase du paragraphe 163 de l’arrêt Šilih pose que l’existence d’un « lien véritable » entre le fait générateur et l’entrée en vigueur de la Convention à l’égard de l’Etat défendeur est une condition sine qua non pour que l’obligation procédurale découlant de l’article 2 de la Convention devienne applicable. 146. La Cour considère que l’élément temporel est le premier et le plus important des indicateurs lorsqu’il s’agit d’établir le caractère « véritable » du lien. A l’instar de la chambre dans son arrêt, elle ajoute que pour qu’il y ait un « lien véritable » le laps de temps écoulé entre le fait générateur et la date critique doit demeurer relativement bref. Bien qu’il n’existe en droit aucun critère apparent permettant de définir la limite absolue de ce délai, celui-ci ne devrait pas excéder dix ans (voir, par analogie, Varnava et autres, précité, § 166, et Er et autres c. Turquie, no 23016/04, §§ 59-60, 31 juillet 2012). A supposer même que, en raison de circonstances exceptionnelles, il soit justifié de faire remonter ce délai encore plus loin dans le passé, il faudra qu’il soit satisfait au critère des « valeurs de la Convention ». 147. Toutefois, la durée du délai qui sépare le fait générateur de la date critique n’est pas décisive en elle-même pour déterminer si le lien est « véritable ». Comme l’indique la deuxième phrase du paragraphe 163 de l’arrêt Šilih, le lien sera établi si l’essentiel de l’enquête sur le décès a eu lieu ou aurait dû avoir lieu postérieurement à l’entrée en vigueur de la Convention. Cela englobe la conduite d’une procédure visant à établir la cause du décès et à faire répondre les responsables de leurs actes, ainsi que l’adoption d’une part importante des mesures procédurales essentielles au déroulement de l’enquête. Il s’agit d’un corollaire au principe voulant que la Cour n’ait compétence qu’à l’égard des actes et omissions de nature procédurale postérieurs à la date d’entrée en vigueur. Si toutefois la majeure partie de la procédure ou les mesures procédurales les plus importantes sont antérieures à cette date, la capacité de la Cour à apprécier globalement l’effectivité de l’enquête à l’aune des exigences procédurales de l’article 2 de la Convention peut s’en trouver irrémédiablement amoindrie. 148. Eu égard à ce qui précède, la Cour conclut que, pour qu’un « lien véritable » puisse être établi, il doit être satisfait aux deux critères : le délai entre le décès en tant que fait générateur et l’entrée en vigueur de la Convention doit avoir été relativement bref, et la majeure partie de l’enquête doit avoir été conduite, ou aurait dû l’être, après l’entrée en vigueur. c) Le critère des « valeurs de la Convention » 149. La Cour admet par ailleurs qu’il peut exister des situations extraordinaires ne satisfaisant pas au critère du « lien véritable » tel qu’exposé ci-dessus, mais où la nécessité de protéger de manière réelle et effective les garanties offertes par la Convention et les valeurs qui la sous‑tendent constitue un fondement suffisant pour reconnaître l’existence d’un lien. La dernière phrase du paragraphe 163 de l’arrêt Šilih n’exclut pas cette éventualité, qui constituerait alors une exception à la règle générale que représente le critère du « lien véritable ». Dans toutes les affaires précitées, la Cour a admis l’existence d’un « lien véritable » parce que le laps de temps écoulé entre le décès et la date critique était relativement bref et qu’une part considérable de la procédure avait été conduite après cette date. La présente affaire est donc la première à pouvoir relever de cette autre catégorie, à caractère exceptionnel. Aussi la Cour doit-elle expliciter les modalités d’application du critère des « valeurs de la Convention ». 150. A l’instar de la chambre, la Grande Chambre estime que le renvoi aux valeurs qui sous-tendent la Convention signifie que l’existence du lien requis peut être constatée si le fait générateur revêt une dimension plus large qu’une infraction pénale ordinaire et constitue la négation des fondements mêmes de la Convention. Tel serait le cas de graves crimes de droit international tels que les crimes de guerre, le génocide ou les crimes contre l’humanité, conformément aux définitions qu’en donnent les instruments internationaux pertinents. 151. Le caractère odieux et la gravité de pareils crimes ont poussé les parties à la Convention sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité à considérer que ces infractions doivent être imprescriptibles et que les prescriptions qui existeraient en la matière dans leur ordre juridique interne doivent être abolies. La Cour considère néanmoins que le critère des « valeurs de la Convention » ne peut pas s’appliquer à des événements antérieurs à l’adoption de la Convention, le 4 novembre 1950, car c’est seulement à cette date que celle-ci a commencé à exister en tant qu’instrument international de protection des droits de l’homme. Dès lors, la responsabilité sur le terrain de la Convention d’une Partie à celle-ci ne peut pas être engagée pour la non-réalisation d’une enquête sur un crime de droit international, fût-il le plus abominable, si celui-ci est antérieur à la Convention. Bien qu’elle soit sensible à l’argument selon lequel, même aujourd’hui, certains pays ont réussi à juger des responsables de crimes de guerre commis au cours de la Deuxième Guerre mondiale, la Cour souligne la différence fondamentale qui existe entre la possibilité de poursuivre une personne pour un grave crime de droit international si les circonstances le permettent et l’obligation de le faire au regard de la Convention. 4. Application en l’espèce des principes susmentionnés 152. Pour en venir aux faits non contestés de la présente cause, la Cour rappelle que les proches des requérants étaient des militaires de l’armée polonaise qui avaient été faits prisonniers à la suite de l’invasion soviétique de la partie orientale de la Pologne en septembre 1939. Au cours des mois qui suivirent, ils furent détenus dans les camps du NKVD situés dans la partie occidentale de l’URSS, à Kozelsk, Ostachkov et Starobelsk. 153. Le 5 mai 1940, sur la proposition du chef du NKVD, les membres du Politburo du comité central du Parti communiste de l’URSS approuvèrent une proposition d’exécution extrajudiciaire de prisonniers de guerre polonais, qui devait être mise en œuvre par des membres du NKVD. Les prisonniers furent abattus et enterrés dans des charniers à diverses dates en avril et mai 1940. Les listes des prisonniers à exécuter avaient été dressées sur la base des « listes de répartition » du NKVD, sur lesquelles étaient inscrits notamment les noms des membres des familles des requérants. 154. Trois des proches des requérants furent identifiés au cours de l’exhumation de 1943 ; les dépouilles des autres n’ont pas été retrouvées ni identifiées. La Cour rappelle avoir formulé à maintes reprises dans sa jurisprudence des conclusions factuelles selon lesquelles telle ou telle personne disparue pouvait être présumée décédée. En général, ces conclusions ont été émises en réponse à des arguments du gouvernement défendeur consistant à dire que la personne en question était toujours en vie ou qu’il n’avait pas été démontré qu’elle fût décédée alors qu’elle se trouvait entre les mains d’agents de l’Etat. Cette présomption de décès n’est pas automatique ; elle n’est posée qu’après un examen des circonstances de l’affaire, le laps de temps écoulé depuis la dernière fois que la personne a été vue vivante ou qu’on a eu de ses nouvelles étant à cet égard un élément pertinent (Aslakhanova et autres c. Russie, nos 2944/06, 8300/07, 50184/07, 332/08 et 42509/10, § 100, 18 décembre 2012 ; Varnava et autres, précité, § 143, et Vagapova et Zoubiraïev c. Russie, no 21080/05, §§ 85-86, 26 février 2009). La Cour a présumé le décès dans des situations où l’absence complète de nouvelles fiables de la personne disparue durait depuis un laps de temps variant de quatre ans et demi (Imakaïeva c. Russie, no 7615/02, § 155, CEDH 2006‑XIII) à plus de dix ans (Aslakhanova et autres, précité, §§ 103-115). 155. Il n’est pas contesté – et les « listes de répartition » du NKVD constituent des preuves documentaires à cet égard – que, à la fin de l’année 1939 et au début de l’année 1940, les proches des requérants ont été détenus en territoire soviétique, sous le contrôle entier et exclusif des autorités soviétiques. La décision prise par le Politburo le 5 mars 1940 indiquait que tous les prisonniers de guerre polonais détenus dans les camps du NKVD, sans exception, devaient faire l’objet d’exécutions extrajudiciaires, lesquelles furent effectuées par la police secrète soviétique au cours des mois suivants. Des charniers de prisonniers portant l’uniforme polonais furent découverts dans la forêt de Katyn dès 1943, consécutivement à la prise du territoire par les Allemands. Une note rédigée en 1959 par le chef du KGB, entité qui avait succédé au NKVD, reconnaissait que, au total, plus de 21 000 prisonniers polonais avaient été abattus par des membres du NKVD. Les familles des prisonniers ont cessé de recevoir des lettres de leurs proches en 1940 et elles n’ont plus jamais reçu de nouvelles d’eux depuis cette époque, qui remonte à plus de soixante-dix ans. 156. La Cour conclut de ces éléments de fait qu’il faut présumer que les proches des requérants faits prisonniers en 1939 ont été exécutés par les autorités soviétiques en 1940. 157. La Fédération de Russie a ratifié la Convention le 5 mai 1998, soit cinquante-huit ans après l’exécution des proches des requérants. La Grande Chambre fait sienne la conclusion de la chambre selon laquelle le laps de temps écoulé entre les décès et la date critique est non seulement beaucoup plus long que ceux qui ont conduit à l’application de l’obligation procédurale découlant de l’article 2 dans toutes les affaires antérieures, mais aussi trop long dans l’absolu pour établir un lien véritable entre les décès et l’entrée en vigueur de la Convention à l’égard de la Russie. 158. L’enquête sur l’origine des charniers commença en 1990 et son classement fut formellement prononcé en septembre 2004. Même si le gouvernement russe plaide l’irrégularité de la décision initiale d’ouvrir des poursuites, la procédure était susceptible, au moins en théorie, de conduire à l’identification et à la punition des responsables. Elle relevait donc des « actes et omissions d’ordre procédural » aux fins de l’article 2 de la Convention. 159. Au début des années 1990, les autorités soviétiques puis les autorités russes prirent un nombre important de mesures procédurales. Des corps furent exhumés en 1991 des charniers situés à Kharkov, Mednoye et Katyn, et les enquêteurs ordonnèrent un certain nombre d’expertises médicolégales et interrogèrent des témoins potentiels des exécutions. Des visites officielles et des réunions de coordination furent organisées entre les autorités russes, polonaises, ukrainiennes et biélorusses. Cependant, toutes ces démarches eurent lieu avant la date critique. Pour ce qui est de la période postérieure à cette date, il est impossible, au vu des éléments versés au dossier et des observations des parties, de déceler la moindre mesure d’instruction digne de ce nom qui aurait été accomplie après le 5 mai 1998. La Cour considère que l’on ne peut voir dans une nouvelle appréciation des preuves, des constats différant des conclusions antérieures ou une décision de classification des pièces de l’enquête la « part importante des mesures procédurales » requise pour l’établissement d’un « lien véritable » aux fins de l’article 2 de la Convention. Par ailleurs, aucun élément de preuve pertinent ni aucune information substantielle ne sont apparus depuis la date critique. La Cour en conclut qu’aucun des critères permettant d’établir l’existence d’un « lien véritable » ne se trouve rempli. 160. Reste enfin à déterminer si l’existence ou non en l’espèce de circonstances exceptionnelles qui justifieraient de déroger au critère du « lien véritable » pour appliquer celui des valeurs de la Convention. Comme la Cour l’a établi, les événements qui auraient pu faire naître l’obligation d’enquêter découlant de l’article 2 ont eu lieu au début de l’année 1940, soit plus de dix ans avant que la Convention ne voie le jour. La Cour confirme donc la conclusion de la chambre selon laquelle il n’existe en l’espèce aucun élément de nature à former un pont entre le passé lointain et la période, récente, postérieure à l’entrée en vigueur de la Convention. 161. Eu égard aux considérations qui précèdent, la Cour fait droit à l’exception d’incompétence ratione temporis soulevée par le Gouvernement et conclut qu’elle n’a pas compétence pour connaître du grief tiré de l’article 2 de la Convention. ARTICLE 3 1. Principes généraux 177. Dans sa jurisprudence, la Cour a toujours été sensible aux lourdes conséquences psychologiques qu’une grave violation des droits de l’homme entraîne pour les proches de la victime qui sont requérants devant elle. Toutefois, pour qu’une violation distincte de l’article 3 de la Convention puisse être constatée dans le chef de ces derniers, il doit exister des facteurs particuliers conférant à leur souffrance une dimension et un caractère distincts du désarroi affectif qu’entraîne inévitablement la violation susmentionnée elle-même. Parmi ces facteurs figurent la proximité de la parenté, les circonstances particulières de la relation, la mesure dans laquelle le parent a été témoin des événements en question et sa participation aux recherches de renseignements sur le sort de la victime. 178. A cet égard, la Cour rappelle qu’un membre de la famille d’une « personne disparue » peut se prétendre victime d’un traitement contraire à l’article 3 lorsque la disparition est suivie d’une longue période d’incertitude jusqu’à la découverte du corps du disparu. L’essence de la question qui se pose sur le terrain de l’article 3 dans ce type d’affaires ne réside pas tant dans la gravité de la violation des droits de l’homme commise à l’égard de la personne portée disparue que dans l’indifférence affichée par les autorités face à la situation portée à leur connaissance. Le constat d’une violation pour ce motif ne se limite pas aux affaires où l’Etat défendeur est tenu pour responsable de la disparition. Il peut aussi être formulé lorsque l’absence de réponse des autorités à la demande d’informations des proches ou les obstacles dressés sur le chemin de ceux-ci, obligés en conséquence de supporter la charge d’élucider les faits, peuvent passer pour révéler un mépris flagrant, continu et implacable de l’obligation de rendre compte du sort de la personne disparue (voir, en particulier, Açış c. Turquie, no 7050/05, §§ 36 et 51-54, 1er février 2011 ; Varnava et autres, précité, § 200 ; Osmanoğlu c. Turquie, no 48804/99, § 96, 24 janvier 2008 ; Loulouïev et autres, précité, § 114 ; Bazorkina c. Russie, no 69481/01, § 139, 27 juillet 2006 ; Gongadzé, précité, § 184 ; Tanış et autres c. Turquie, no 65899/01, § 219, CEDH 2005‑VIII ; Orhan c. Turquie, no 25656/94, § 358, 18 juin 2002, et Çakıcı c. Turquie [GC], no 23657/94, § 98, CEDH 1999‑IV). 179. La Cour a suivi une approche restrictive lorsqu’il s’agissait de personnes mises en détention et retrouvées mortes ultérieurement après une période d’incertitude relativement brève quant à leur sort (Tanli c. Turquie, no 26129/95, § 159, CEDH 2001‑III, et Bitieva et autres c. Russie, no 36156/04, § 106, 23 avril 2009). Dans une série d’affaires tchétchènes où, n’ayant pas assisté au décès de leurs proches, les requérants n’avaient appris celui-ci qu’à la découverte des corps, elle a estimé que dès lors qu’elle avait déjà conclu à une violation de l’article 2 de la Convention sous ses volets matériel et procédural, un constat distinct de violation de l’article 3 ne s’imposait pas (Velkhiyev et autres c. Russie, no 34085/06, § 137, 5 juillet 2011 ; Sambiyev et Pokaïeva c. Russie, no 38693/04, §§ 74‑75, 22 janvier 2009, et Tanguiyeva c. Russie, no 57935/00, § 104, 29 novembre 2007). 180. Par ailleurs, dans le cas de personnes tuées par les autorités en violation de l’article 2, la Cour a jugé que, compte tenu du caractère instantané de l’incident à l’origine des décès en question, il n’y avait normalement pas lieu d’étendre l’application de l’article 3 aux proches des victimes (Damayev c. Russie, no 36150/04, § 97, 29 mai 2012 ; Yasin Ateş c. Turquie, no 30949/96, § 135, 31 mai 2005 ; Udayeva et Youssoupova c. Russie, no 36542/05, § 82, 21 décembre 2010 ; Khashuyeva c. Russie, no 25553/07, § 154, 19 juillet 2011, et Inderbiyeva c. Russie, no 56765/08, § 110, 27 mars 2012). 181. Elle a néanmoins estimé qu’il se justifiait de dresser un constat séparé de violation de l’article 3 dans des cas de décès confirmés où les requérants avaient été témoins directs de la souffrance des membres de leur famille (voir les affaires Salakhov et Islyamova c. Ukraine, no 28005/08, § 204, 14 mars 2013, où la requérante avait assisté au lent décès de son fils en détention sans avoir la possibilité de l’aider ; Esmukhambetov et autres c. Russie, no 23445/03, § 190, 29 mars 2011, où une violation de l’article 3 a été constatée à l’égard d’un requérant qui avait assisté au meurtre de toute sa famille, mais pas à l’égard des autres requérants, qui n’avaient appris les meurtres qu’ultérieurement ; Khadjialiyev et autres c. Russie, no 3013/04, § 121, 6 novembre 2008, où les requérants n’avaient pas pu inhumer décemment les corps démembrés et décapités de leurs enfants ; Moussaïev et autres c. Russie, nos 57941/00, 58699/00 et 60403/00, § 169, 26 juillet 2007, où le requérant avait été témoin de l’exécution extrajudiciaire de plusieurs de ses parents et voisins, et Akkum et autres c. Turquie, no 21894/93, §§ 258-259, CEDH 2005‑II, où le requérant s’était vu présenter le corps mutilé de son fils). 2. Application en l’espèce des principes susmentionnés 182. La Cour observe que la situation qui se trouve au cœur du grief tiré de l’article 3 présentait au départ les caractéristiques d’une affaire de « disparition ». Des proches des requérants furent faits prisonniers par les forces d’occupation soviétiques et incarcérés dans des camps soviétiques. Des éléments prouvent que des échanges de lettres entre les prisonniers polonais et leur famille se sont poursuivis jusqu’au printemps 1940. On peut donc considérer que jusque-là les familles savaient que les intéressés étaient en vie. Après avoir cessé de recevoir en Pologne des lettres d’eux, les familles des prisonniers restèrent pendant de nombreuses années dans l’incertitude quant à ce qu’il était advenu de leurs proches. 183. En 1943, à la suite de la découverte de charniers à proximité de la forêt de Katyn, les restes furent en partie exhumés et identifiés. Cependant, seuls trois des proches des requérants – Wincenty Wołk, Stanisław Rodowicz et Stanisław Mielecki – furent alors identifiés. Les autorités soviétiques nièrent avoir exécuté les prisonniers de guerre polonais et, sans accès aux dossiers du Politburo ou du NKVD, il n’a pas été possible de déterminer ce qu’il était advenu des prisonniers dont les corps n’avaient pas été identifiés. Il n’y eut aucune autre tentative d’identification des victimes du massacre de Katyn au cours de la guerre froide, la version soviétique de meurtres orchestrés par les nazis ayant été la version officielle imposée en République populaire de Pologne pendant toute la durée de l’existence du régime socialiste, soit jusqu’en 1989. 184. En 1990, l’URSS reconnut officiellement la responsabilité des dirigeants soviétiques dans l’exécution des prisonniers de guerre polonais. Au cours des années suivantes, les documents relatifs aux massacres qui n’avaient pas été détruits furent rendus publics et les enquêteurs conduisirent d’autres exhumations partielles sur plusieurs sites. Une série de consultations se tinrent entre les procureurs polonais, russes, ukrainiens et biélorusses. 185. A la date de la ratification de la Convention par la Fédération de Russie, le 5 mai 1998, plus de cinquante-huit années s’étaient écoulées depuis l’exécution des prisonniers de guerre polonais. Compte tenu de la durée de cette période, des éléments apparus dans l’intervalle et des efforts déployés par diverses parties pour faire la lumière sur les circonstances du massacre de Katyn, la Cour estime que, en ce qui concerne la période postérieure à la date critique, on ne peut pas dire que les requérants aient vécu dans l’incertitude quant au sort de leurs proches faits prisonniers par l’armée soviétique en 1939. Il s’ensuit nécessairement que ce qui pouvait passer au départ pour une affaire de « disparition » doit être considéré comme une affaire de « décès confirmé ». Les requérants approuvent cette manière d’apprécier les faits de la cause (voir, en particulier, le paragraphe 116 ci-dessus ainsi que le paragraphe 119 de l’arrêt de la chambre). Les conclusions rendues par les juridictions russes dans le cadre de diverses procédures internes où elles se sont abstenues de reconnaître explicitement que les proches des requérants avaient été tués dans les camps soviétiques ne changent rien à cette analyse. 186. La Cour ne doute pas du profond sentiment de chagrin et de désarroi que l’exécution extrajudiciaire de leurs proches a dû causer aux requérants. Elle rappelle toutefois qu’il est dans l’intérêt de la sécurité juridique, de la prévisibilité et de l’égalité devant la loi qu’elle ne s’écarte pas de ses propres précédents sans motif impérieux (Sabri Güneş c. Turquie [GC], no 27396/06, § 50, 29 juin 2012). Ainsi qu’elle l’a déjà dit, sa jurisprudence reconnaît que la souffrance des proches d’une « personne disparue » qui ont dû longtemps vivre entre l’espoir et le désespoir peut justifier un constat de violation distincte de l’article 3 à raison de l’attitude particulièrement insensible des autorités nationales face à leurs demandes de renseignements. Pour ce qui est de la présente affaire, la Cour n’a compétence qu’en ce qui concerne la période qui a commencé le 5 mai 1998, date d’entrée en vigueur de la Convention à l’égard de la Russie. Elle a conclu ci-dessus qu’il fallait considérer qu’après cette date il ne subsistait plus aucune incertitude quant au sort des prisonniers de guerre polonais. Bien que tous les corps n’aient pas été retrouvés, le décès des intéressés a été publiquement reconnu par les autorités soviétiques puis par les autorités russes et est devenu un fait historique établi. Si l’ampleur des crimes commis par les autorités soviétiques en 1940 est propre à susciter beaucoup d’émotion, il reste que, d’un point de vue purement juridique, la Cour ne peut y voir un motif impérieux de s’écarter de sa jurisprudence relative à la reconnaissance de la qualité de victime d’une violation de l’article 3 aux proches des « personnes disparues » et de conférer cette qualité aux requérants, pour lesquels le décès de leurs proches était une certitude. 187. En outre, la Cour ne relève l’existence d’aucune autre des circonstances spéciales qui l’avaient conduite à constater une violation distincte de l’article 3 dans les affaires de « décès confirmés » (voir la jurisprudence citée au paragraphe 181 ci-dessus). 188. Dans ces conditions, la Cour estime que la souffrance des requérants ne peut passer pour avoir atteint une dimension et un caractère distincts du désarroi qui peut être considéré comme inévitable pour les proches de victimes de graves violations des droits de l’homme. 189. Dès lors, la Cour conclut qu’il n’y a pas eu violation de l’article 3 de la Convention. fbls.net/2.htm
Posted on: Tue, 22 Oct 2013 06:33:08 +0000

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