CEDH La Turquie condamnée sur la requête dun résident - TopicsExpress



          

CEDH La Turquie condamnée sur la requête dun résident français pour une expropriation de fait HALİL GÖÇMEN c. TURQUIE du 12 novembre 2013 requête n° 24883/07 Le requérant vit à Thiers en France. Les autorités turques narrivant pas à le joindre pour entamer une procédure dexpulsion en faveur du rectorat, ont décidé doccuper son terrain de fait sans lindemniser. La violation de la convention est constatée. 26. En ce qui concerne la question de l’existence d’une ingérence, nul ne conteste que l’expropriation de facto du terrain de M. Göçmen constitue une privation de propriété. 27. A cet égard, la Cour relève que les juridictions nationales ont constaté que l’administration avait occupé le terrain du requérant sans qu’ait été mise en oeuvre une procédure d’expropriation en bonne et due forme. En conséquence, elles ont décidé d’octroyer à l’intéressé des dommages et intérêts pour expropriation de fait en contrepartie de l’inscription du bien en cause au nom de l’administration dans le registre foncier. La Cour conclut que le jugement définitif du 17 mai 2007 rendu par le tribunal de grande instance de Kayseri a bien eu pour effet de priver le requérant de son bien au sens de la deuxième phrase de l’article 1 du Protocole no 1 (Sarıca et Dilaver c. Turquie, no 11765/05, § 40, 27 mai 2010, Carbonara et Ventura c. Italie, no 24638/94, § 61, CEDH 2000-VI, et Brumărescu c. Roumanie [GC], no 28342/95, § 77, CEDH 1999-VII). 28. Or pour être compatible avec l’article 1 du Protocole no 1, une telle ingérence doit être opérée « pour cause d’utilité publique » et « dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux de droit international » : elle doit ménager un « juste équilibre » entre les exigences de l’intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu (Sporrong et Lönnroth c. Suède, 23 septembre 1982, § 69, série A no 52). 29. En effet, la prééminence du droit, l’un des principes fondamentaux d’une société démocratique, étant inhérente à l’ensemble de la Convention (Iatridis c. Grèce [GC], no 31107/96, § 58, CEDH 1999-II), l’article 1 du Protocole no 1 exige, avant tout, qu’une ingérence de l’autorité publique dans la jouissance du droit au respect des biens soit légale. 30. Dans ce contexte, la Cour observe d’abord que la pratique de l’expropriation de fait permet à l’administration d’occuper un bien immobilier et d’en transformer irréversiblement la destination, de telle sorte qu’il soit finalement considéré comme acquis au patrimoine public sans qu’il y ait eu le moindre acte formel pour déclarer le transfert de propriété. En l’absence d’un tel acte, le seul élément qui permette de légitimer le transfert du bien occupé et de garantir rétroactivement une certaine sécurité juridique est le jugement du tribunal saisi qui,a posteriori, ordonne le transfert de propriété après avoir constaté l’illégalité de l’occupation dénoncée et alloué aux demandeurs des dommages et intérêts, dits « indemnité d’expropriation de fait ». 31. L’expropriation de fait constitue ainsi une pratique permettant à l’administration de s’approprier un bien sans avoir indemnisé au préalable son propriétaire. Elle a pour effet de contraindre les propriétaires – qui jusqu’alors conservent formellement leur titre sur le plan juridique – à ester en justice contre l’administration. En effet, les intéressés se voient obligés d’entamer une action en indemnisation et, de ce fait, d’engager des frais de procédure pour faire valoir leurs droits, alors qu’en matière d’expropriation formelle, la procédure est déclenchée par l’administration expropriante, qui à défaut de règlement amiable doit en principe supporter les frais de justice. 32. À l’aune de ce qui précède, la Cour estime que ce procédé permettant à l’administration de passer outre les règles de l’expropriation formelle expose les justiciables au risque d’un résultat imprévisible et arbitraire. Il n’est pas apte à assurer un degré suffisant de sécurité juridique et ne saurait constituer une alternative à une expropriation en bonne et due forme (Scordino c. Italie (no 3), no 43662/98, § 89, 17 mai 2005 et Guiso-Gallisay c. Italie, no 58858/00, § 87, 8 décembre 2005). 33. Dans la présente affaire, la Cour observe que l’administration s’est approprié le terrain du requérant au mépris des règles régissant l’expropriation formelle et sans lui verser d’indemnité. Le fait que le rectorat de l’université d’Erciyes ait en réalité bien pris une décision d’expropriation mais n’ait pas pu la notifier au requérant au motif qu’il habitait à l’étranger ne change en rien ce constat. D’ailleurs, il n’y a aucun document dans le dossier démontrant que le rectorat a cherché à trouver l’adresse de l’intéressé. Au lieu de suivre la procédure légale pour exproprier le requérant de son bien en bonne et due forme, l’administration a préféré délimiter le terrain et l’entourer de barbelés, prenant ainsi possession des lieux. 34. La Cour note que les juridictions turques ont entériné la pratique de l’expropriation de fait en jugeant que le requérant avait été privé de son bien du fait de l’occupation de son terrain par l’administration. 35. Or, en l’absence d’un acte formel d’expropriation, la Cour estime que cette situation ne pouvait être considérée comme « prévisible » pour M. Göçmen puisque ce n’est que depuis que le jugement du tribunal de grande instance de Kayseri est devenu définitif que l’on peut conclure à l’application effective de la pratique de l’expropriation de fait et que la méthode employée par l’administration pour rattacher le terrain litigieux au domaine public a été sanctionnée. Autrement dit, ce n’est que le 17 mai 2007 – date du jugement définitif du tribunal de grande instance de Kayseri – que le requérant a bénéficié de la « sécurité juridique » concernant la privation de son terrain. 36. De plus, à l’analyse des éléments du dossier et notamment des rapports d’expertise, la Cour observe qu’un laps de temps notable s’est écoulé depuis la prise de possession du terrain litigieux par l’administration sans que le projet d’utilité publique fondant la privation de propriété ait été réalisé. Or une telle situation, de nature à priver le requérant exproprié de facto de son terrain d’une plus-value rapportée par le bien en cause, est également incompatible avec les exigences de l’article 1 du Protocole no 1 (Motais de Narbonne c. France, no 48161/99, § 19, 2 juillet 2002, Beneficio Cappella Paolini c. Saint-Marin, no 40786/98, § 33, 13 octobre 2004, et Keçecioğlu et autres c. Turquie, no 37546/02, § 28, 8 avril 2008). Néanmoins, la Cour ne s’attardera pas davantage sur ce point dans la mesure où le requérant n’a pas intenté de recours en droit interne sur cette question spécifique. 37. En ce qui concerne la question de l’indemnisation, la Cour rappelle que sans le versement d’une somme raisonnablement en rapport avec la valeur du bien, une privation de propriété constitue normalement une atteinte excessive au sens de l’article 1 du Protocole no 1 (James et autres c. Royaume-Uni, 21 février 1986, série A no 98, p. 36, § 54, Les saints monastères c. Grèce, 9 décembre 1994, série A no 301, p. 35, § 71, Malama c. Grèce, no 43622/98, § 52, CEDH 2001-II, Platakou c. Grèce, no 38460/97, CEDH 2001-I, Jokela c. Finlande, no 28856/95, CEDH 2002-IV et Yıltaş Yıldız Turistik Tesisleri A.Ş. c. Turquie, no 30502/96, § 38, 24 avril 2003. 38. La Cour observe que, dans la présente espèce, la qualification du terrain litigieux (terrain à bâtir ou terrain agricole) et sa valeur ont été l’objet d’une controverse. Même si la Cour n’a pas pour tâche de se substituer aux juridictions nationales et d’indiquer la manière dont les faits doivent être établis, il lui revient toutefois de s’assurer qu’ils ne l’ont pas été de manière inéquitable ou déraisonnable (Gereksar et autres c. Turquie, nos 34764/05, 34786/05, 34800/05 et 34811/05, § 55, 1er février 2011). 39. La Cour relève que la juridiction de première instance, se fondant sur le rapport d’expertise qu’elle avait demandé, avait initialement fixé l’indemnité pour expropriation de facto à 18 000 livres turques (TRL) (soit environ 11 000 EUR (euros) à l’époque des faits). Cette décision ayant été censurée par la Cour de cassation, le tribunal de grande instance de Kayseri, après avoir pris connaissance des conclusions du nouveau rapport d’expertise, a estimé que le montant de l’indemnité à allouer au requérant était de 754,29 TRL (soit environ 420 EUR à l’époque des faits). Cette différence notable dans la détermination de la valeur du bien était due au fait que dans le premier rapport d’expertise, le terrain avait été qualifié de constructible, et dans le second, de terrain agricole. 40. La Cour estime qu’avant de fixer la valeur du terrain à 1,50 TRL (0,86 EUR) le mètre carré, il revenait au tribunal de grande instance d’exposer les raisons pour lesquelles il écartait les arguments du requérant. L’intéressé, qui avait notamment démontré avoir payé de 1998 à 2003 la taxe foncière à l’Etat sur la base d’une qualification de terrain à bâtir et non de terrain agricole, pouvait raisonnablement s’attendre à ce qu’il soit procédé à une nouvelle expertise pour écarter les contradictions des deux expertises initiales. 41. Dès lors, la Cour considère que les faits n’ont pas été établis de manière suffisamment motivée et qu’une explication de nature à répondre aux attentes légitimes et aux arguments qui étaient ceux du requérant n’a pas été fournie. 42. A la lumière de ce qui précède, outre le défaut de légalité de l’expropriation litigieuse, la Cour conclut que, dans les circonstances de l’espèce, l’obligation d’offrir des procédures judiciaires présentant les garanties procédurales requises n’a pas été suffisamment respectée. 43. Partant il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1. fbls.net/P1-1atteinte.htm
Posted on: Tue, 12 Nov 2013 10:28:07 +0000

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