COMMENTAIRES DE MARIE-NOËLLE THABUT, ANNEE LITURGIQUE C, 29E - TopicsExpress



          

COMMENTAIRES DE MARIE-NOËLLE THABUT, ANNEE LITURGIQUE C, 29E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE (20 OCTOBRE 2013) PREMIÈRE LECTURE - Exode 17, 8-13 Le peuple dIsraël marchait à travers le désert. 8 Les Amalécites survinrent et lattaquèrent à Rephidim. 9 Moïse dit alors à Josué : « Choisis des hommes, et va combattre les Amalécites. Moi, demain, je me tiendrai sur le sommet de la colline, le bâton de Dieu à la main. » 10 Josué fit ce que Moïse avait dit : il livra bataille aux Amalécites. Moïse, Aaron et Hour étaient montés au sommet de la colline. 11 Quand Moïse tenait la main levée, Israël était le plus fort. Quand il la laissait retomber, Amaleq était le plus fort. 12 Mais les mains de Moïse salourdissaient ; on prit une pierre, on la plaça derrière lui, et il sassit dessus. Aaron et Hour lui soutenaient les mains, lun dun côté, lautre de lautre. Ainsi les mains de Moïse demeurèrent levées jusquau coucher du soleil. 13 Et Josué triompha des Amalécites au tranchant de lépée. Les Amalécites étaient des tribus qui vivaient dans le désert du Néguev : la Bible les cite de nombreuses fois, tout au long de lhistoire de linstallation du peuple élu en Palestine, et toujours comme des opposants à la pénétration des tribus israélites ; et leurs descendants seront encore de farouches ennemis au temps des rois Saül et David. Si bien que le nom même dAmaleq est devenu le type de lennemi héréditaire. Rien détonnant quand on sait que Amaleq lui-même, le père de la tribu, serait le petit-fils dEsaü, le frère jumeau et rival de Jacob. La rivalité entre Jacob et Esaü1 (quon appelle aussi Edom) sest reportée sur leurs descendants et, de génération en génération, en Israël, on se transmet la haine des Edomites, et surtout de ceux qui sont considérés comme les pires de tous, les Amalécites. Voici donc, dès le livre de lExode, les Amalécites qui se présentent comme les premiers adversaires du peuple élu dans le désert. Lauteur ne donne pas beaucoup de détails sur cette première bataille : il dit simplement « Le peuple dIsraël marchait à travers le désert. Les Amalécites survinrent et lattaquèrent à Rephidim. » Mais le livre du Deutéronome apporte quelques indications complémentaires : « Souviens-toi de ce quAmaleq ta fait sur votre route, à la sortie dEgypte, lui qui est venu à ta rencontre sur la route et a détruit à larrière de ta colonne, tous ceux qui traînaient, alors que tu étais épuisé et fourbu. » (Dt 25, 17-19) traduisez : les Amalécites sont arrivés par surprise et se sont attaqués à ceux qui avaient le plus de mal à suivre. Alors Moïse dit à Josué : « Choisis des hommes et va combattre les Amalécites ». Nous naurons pas dautres détails sur le déroulement du combat ou les mouvements de troupes ; en revanche, le récit se concentre sur la relation entre le peuple et son Dieu à loccasion de cette première bataille : cest lépreuve du feu, mais cest surtout lépreuve de la foi dIsraël. Il va combattre pour survivre, mais son Dieu sera avec lui. Nous sommes à Rephidim : au fait, ce nom, nous le connaissons déjà, car dans les versets qui précèdent ce passage, cest le fameux épisode de Massa et Meriba ; nous en avons reparlé tout récemment à loccasion du psaume 94/95. Massa et Meriba, cela se passait justement à Rephidim et le surnom Massa et Meriba (qui veut dire contestation et querelle) signifie que, là, le peuple a gravement douté de Dieu. Et, désormais, quand on sera tenté de douter de la protection de Dieu, on se souviendra de Massa et Meriba : « Aujourdhui, écouterez-vous sa parole ? Ne fermez pas votre coeur comme à Meriba, comme au jour de Massa, dans le désert, où vos pères mont tenté et provoqué, et pourtant ils avaient vu mon exploit ». (Ps 94/95, 7-8). Massa et Meriba, cétait lépreuve de la soif, une épreuve si dure que le peuple a été jusquà penser que Dieu lavait abandonné... mais non, et leau a coulé du rocher, et le peuple a retrouvé confiance en son Dieu. Cette fois, et toujours à Rephidim, le voici affronté à lattaque des Amalécites. Il va falloir lutter pour sa survie. Et aussitôt Moïse ne doute pas que Dieu viendra à son secours pour le délivrer. Il dit à Josué : « Moi, je me tiendrai sur le sommet de la colline, le bâton de Dieu à la main ». Et cest ce bâton, en quelque sorte, qui tient le premier rôle dans ce récit. Ce bâton nest pas magique par lui-même, mais il rend visible lœuvre de Dieu. Cest par lui que Moïse a accompli des quantités de prodiges aux yeux du Pharaon et de la cour dEgypte, quil a écarté les eaux de la Mer des Joncs, quil a fait couler leau du rocher, à Massa et Meriba, justement. Encore une fois, ce bâton nest pas magique par lui-même, la preuve, cest que Moïse se met en prière, mais ce bâton levé est devenu un symbole : il rappelle à tous que cest Dieu qui agit. Si la bataille est à peine décrite, si le bâton est au centre du récit, cest précisément pour bien montrer où est lessentiel. Lessentiel, cest la présence de Dieu qui accompagne son peuple, comme il lavait promis dès le début en révélant son nom à Moïse, ce fameux nom qui dit la présence de Dieu. Le texte est très sobre et en même temps très suggestif. Moïse, Aaron et Hour sont au sommet de la colline, pendant que le peuple se bat sous la direction de Josué dans la plaine. Josué se bat de toute son âme, et Moïse prie de toute son âme. Le combattant et le priant se complètent. Si Moïse abandonne son poste de prière, Josué perd ses moyens. On ne peut pas dire plus clairement que cest Dieu qui agit, mais quil y faut notre participation. Les mains levées de Moïse sont le symbole de toute la prière humaine. Elles disent la confiance, la certitude du croyant que son Dieu ne labandonne jamais. Récemment, nous lavons lu dans la lettre à Timothée, Paul disait : « Je recommande que partout les hommes prient les mains levées vers le ciel... » Cest Dieu qui agit : ces mains levées le disent bien puisquelles restent immobiles et quelles semblent renvoyer la responsabilité vers le ciel ; mais en même temps, elles sont levées : le croyant ne baisse pas les bras ; les mains du combattant, les mains levées du priant sont notre petite participation à lœuvre de Dieu. Mais il arrive que le priant, exténué, physiquement ou moralement, nait plus la force de « lever les mains » vers le ciel : alors il est bon de trouver des frères pour soutenir nos mains défaillantes ; normalement, cest le rôle de nos communautés. --------------------------- Note 1 - On se souvient des deux fils dIsaac, les frères jumeaux et en même temps rivaux Esaü et Jacob ; Esaü aurait dû être lhéritier des promesses divines, mais Jacob avait réussi à tromper son père aveugle en se faisant passer pour son frère et avait usurpé la place. Complément - De tout temps, de hommes et des femmes ont consacré leur vie à la prière ; ce texte vient nous révéler que la prière nest pas passivité ou inaction ; bien au contraire, mystérieusement, la prière de quelques-uns est source de force pour tous. Elle est un rappel vivant de la Présence de Dieu sans cesse agissant au milieu de nous. PSAUME 120 (121) 1 Je lève les yeux vers les montagnes : Doù le secours me viendra-t-il ? 2 Le secours me viendra du SEIGNEUR qui a fait le ciel et la terre. 3 Quil empêche ton pied de glisser, quil ne dorme pas, ton gardien. 4 Non, il ne dort pas, ne sommeille pas, le gardien dIsraël. 5 Le SEIGNEUR, ton gardien, le SEIGNEUR, ton ombrage, se tient près de toi. 6 Le soleil, pendant le jour, ne pourra te frapper, ni la lune, durant la nuit. 7 Le SEIGNEUR te gardera de tout mal, il gardera ta vie. 8 Le SEIGNEUR te gardera, au départ et au retour, maintenant, à jamais. En tête de ce psaume, il est écrit « Pour les montées », sous-entendu les montées à Jérusalem, cest-à-dire les pèlerinages. Quinze psaumes (les psaumes 119 à 133 dans la liturgie, cest-à-dire 120 à 134 dans nos Bibles) portent cette même inscription, « Pour les montées » ou « Chant des montées » ; ils ont été composés tout spécialement pour accompagner les pèlerins pendant leur marche vers Jérusalem ; car le verbe « monter » était le mot consacré pour parler des pèlerinages ; pour deux raisons au moins : tout simplement, dabord, parce que Jérusalem est sur la hauteur, ensuite sur un plan symbolique, parce que la démarche du pèlerinage représente, pour le croyant, une réelle montée spirituelle. Le pèlerinage à Jérusalem était un élément très important de la piété juive, cela faisait partie des commandements de Dieu. Ces quinze psaumes ont donc des points communs : on y entend de nombreuses allusions à la réalité concrète du pèlerinage : la fatigue et la prière du pèlerin, la soif darriver, lamour du Temple, lamour de Jérusalem. Et la joie profonde, la confiance qui habitent le croyant. Les pèlerins ont conscience de sinscrire dans la longue marche du peuple élu : « Cest là que sont montées les tribus, les tribus du SEIGNEUR, selon la règle en Israël. » (Ps 121/122,4) ; « Oh ! Quel plaisir, quel bonheur de se trouver entre frères ! Cest comme lhuile qui parfume la tête... Cest comme la rosée de lHermon, qui descend sur les montagnes de Sion. » (Ps 132/133, 1-3). Notre psaume daujourdhui est donc lun de ceux-là : « Le SEIGNEUR te gardera, au départ et au retour »... un pèlerin prend le chemin de Jérusalem : il a déjà le coeur et les yeux tournés vers la colline du Temple (« je lève les yeux vers les montagnes »), mais il sait que ce long chemin vers Jérusalem est semé dembûches de toutes sortes ; les pistes ne sont pas nos routes goudronnées daujourdhui, elles sont parfois glissantes ou pierreuses, le pied peut glisser ; on peut aussi affronter de bien plus grands dangers : les bêtes sauvages ou, plus redoutables encore, les bandes de brigands. Si Jésus a pu situer dans ce décor la parabole du Bon Samaritain, cest-à-dire lhistoire dun homme dépouillé et roué de coups par des bandits, cest que cela arrivait régulièrement. « Le SEIGNEUR te gardera de tout mal, il gardera ta vie » : ceux qui restent au pays rassurent celui qui prend la route. Un autre danger, que nous imaginons mal ici, cest le soleil pendant le jour, la lune pendant la nuit. En plein jour, il faut marcher des heures sous le soleil brûlant ; la nuit, si on dort à la belle étoile, les rayons de lune sont nocifs. Là encore, on encourage le pèlerin : « Le SEIGNEUR, ton gardien, ton ombrage, se tient près de toi. Le soleil, pendant le jour, ne pourra te frapper, ni la lune, durant la nuit ». Tous ces dangers, il faudra les affronter tout autant au retour quà laller : mais « Le SEIGNEUR te gardera, au départ, comme au retour ». On peut compter sur lui, car il est le maître du monde : cest lui et lui seul qui a fait le ciel et la terre. « Le secours me vient du SEIGNEUR qui a fait le ciel et la terre » : dans ce verset, il y a une pointe contre les faux dieux ; ils ne sont que statues inertes de bois ou de pierre ; ils ne peuvent rien pour lhomme. Ils dorment dun sommeil éternel, puisquils ne sont que des objets façonnés de main dhomme. Tandis que, lui, le SEIGNEUR, veille sans cesse : « Non, il ne dort pas, il ne sommeille pas, le gardien dIsraël ». Quand il prend la route de Jérusalem, le croyant se met en marche vers son Dieu et vers lui seul : il se détourne résolument des idoles. Cest cela quon appelle la conversion. Voilà donc un premier niveau de lecture de ce psaume qui était chanté au moment où le pèlerin allait prendre la route. Cétait bien le moment de raffermir sa foi toujours en question : « Je lève les yeux, vers les montagnes : doù le secours me viendra-t-il ? » Résolument, il choisit de placer sa confiance dans le Dieu de ses pères : « Le secours me viendra du SEIGNEUR qui a fait le ciel et la terre. » Il y a un deuxième niveau de lecture, cest celui du peuple tout entier : ce pèlerin qui sapprête à prendre la route de Jérusalem, découvre que son histoire personnelle est le reflet de lexpérience de tout son peuple. Ce nest pas un hasard si Dieu est appelé dans ce psaume « le gardien dIsraël ». Car ce peuple a reçu la Révélation du Dieu vivant, créateur du ciel et de la terre, et a fait lexpérience de sa présence. Le nom même de Dieu, le fameux nom en quatre lettres, (YHVH) dit justement que Dieu est sans cesse présent à son peuple. Une présence très intime, inséparable qui est exprimée très fortement en hébreu. Notre traduction dit « Le SEIGNEUR ton gardien, le SEIGNEUR, ton ombrage, se tient près de toi » : en hébreu, près de toi est dit « à ta main droite » et André Chouraqui commentait : « le SEIGNEUR est uni à toi comme tu les à ton être même ». Et le psaume, si on y regarde bien, contient des allusions à cette expérience du peuple. « Le SEIGNEUR, ton ombrage, se tient près de toi » : cest une allusion à cette colonne qui accompagnait la marche du peuple dans le désert ; colonne de nuée pendant le jour, pour abriter du soleil, colonne de feu pendant la nuit pour guider la marche. Jésus-Christ, à son tour, a pu chanter ce psaume en toute vérité. Alors quil prenait résolument le chemin de Jérusalem, comme dit Saint Luc, il se répétait : « Le SEIGNEUR te gardera de tout mal, il gardera ta vie. Le SEIGNEUR te gardera, au départ et au retour, maintenant, à jamais. » Depuis le matin de Pâques, ce retour dont parle le psaume, nous lappelons « Résurrection ». DEUXIÈME LECTURE - 2 Timothée 3, 14 - 4, 2 Fils bien-aimé, 3, 14 tu dois en rester à ce quon ta enseigné : tu las reconnu comme vrai, sachant bien quels sont les maîtres qui te lont enseigné. 15 Depuis ton plus jeune âge, tu connais les textes sacrés : ils ont le pouvoir de te communiquer la sagesse, celle qui conduit au salut par la foi que nous avons en Jésus-Christ. 16 Tous les passages de lEcriture sont inspirés par Dieu ; celle-ci est utile pour enseigner, dénoncer le mal, redresser, éduquer dans la justice ; 17 grâce à elle, lhomme de Dieu sera bien armé, il sera pourvu de tout ce quil faut pour un bon travail. 4, 1 Devant Dieu, et devant le Christ Jésus qui doit juger les vivants et les morts, je te le demande solennellement, au nom de sa manifestation et de son Règne : 2 proclame la Parole, interviens à temps et à contre-temps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage, mais avec une grande patience et avec le souci dinstruire. Dimanche dernier, nous lisions dans la deuxième lettre à Timothée une Hymne en lhonneur du Christ : « Souviens-toi de Jésus-Christ, ressuscité dentre les morts ». Aujourdhui, on pourrait dire que nous lisons une hymne en lhonneur de lÉcriture. Entendons-nous bien, ce que Saint Paul appelle lÉcriture, cest ce que nous appelons aujourdhui lAncien Testament. Plusieurs fois, déjà, dans les lettres à Timothée, nous avons deviné un conflit persistant dans la communauté dEphèse où se trouve Timothée ; et cest même à cause de ce conflit que Paul avait demandé à Timothée de rester à Ephèse ; il faut pouvoir compter sur de fidèles gardiens de la Parole. Les premières lignes du texte daujourdhui, « Toi, tu dois en rester à ce quon ta enseigné » sous-entendent que dautres ne sont pas restés fidèles à lenseignement reçu et quils fourvoient les autres. Si bien quon peut résumer ce passage en trois phrases : premièrement, il faut se ressourcer dans lÉcriture. Deuxièmement, il faut proclamer la Parole. Troisièmement, cette proclamation doit se faire dans le souci dédifier la communauté. Premièrement, il faut se ressourcer dans lÉcriture, au vrai sens du mot « ressourcer » : lEcriture est pour nous une source ; notre traduction dit « tu dois en rester à ce quon ta enseigné » mais nous risquons dentendre là une recommandation de fixisme, ce qui nest pas du tout le propos de Paul. Le mot à mot dirait « demeure dans ce que tu as appris » : la foi nest pas un objet quon possède mais un milieu vital, une « demeure » au sens de Saint Jean. Timothée a puisé dans cette source de lÉcriture depuis son enfance : son père était grec et païen, mais sa mère, Eunice, et sa grand-mère maternelle, Loïs, étaient Juives : elles lont introduit dans lAncien Testament ; et quand sa mère sest convertie au Christianisme, elle na pas cessé bien sûr de fréquenter lÉcriture. Dautres maîtres encore ont initié Timothée, et Paul insiste sur cet aspect communautaire de laccès à lÉcriture. On ne découvre pas lÉcriture tout seul mais en Église. Une fois de plus, nous retrouvons chez Paul le thème de la transmission de la foi, ce quon appelle en théologie la « Tradition » : tradere, en latin, veut dire « transmettre » : « Je vous ai transmis ce que jai moi-même reçu » (sous-entendu je nai rien inventé) dit Paul dans la lettre aux Corinthiens ; lapôtre est un envoyé au service dune Parole qui nest pas la sienne. Dans la foi, aucun de nous nest un fondateur, un innovateur, nous sommes les maillons dune chaîne. Evidemment, il est vital que cette transmission soit fidèle. Un peu plus haut, dans cette même lettre, Paul a dit à Timothée : « Ce que tu as appris de moi en présence de nombreux témoins, confie-le à des hommes fidèles qui seront eux-mêmes capables de lenseigner encore à dautres. » (2 Tm 2, 2). La phrase suivante est très importante : Paul affirme : « Les textes sacrés ont le pouvoir de te communiquer la sagesse, celle qui conduit au salut par la foi que nous avons en Jésus-Christ » : il veut dire par là que lAncien Testament mène tout droit à Jésus-Christ. Pour Paul, comme pour les premiers apôtres, recrutés par Jésus parmi les Juifs, cétait une évidence. On se souvient quau cours de son procès à Jérusalem, Paul soutenait que cétait précisément parce quil était Juif quil était devenu Chrétien. Paul continue : « Tous les passages de lÉcriture sont inspirés par Dieu » ; avant dêtre un dogme affirmé par lÉglise, cette phrase était donc déjà la foi dIsraël. Ce qui explique le respect dont sont entourés depuis toujours les Livres sacrés dans toutes les synagogues. « Grâce à lÉcriture, lhomme de Dieu sera bien armé, il sera pourvu de tout ce quil faut ». Voilà donc léquipement du Chrétien : lÉcriture dans la fidélité à lenseignement reçu : « Tu dois en rester à ce quon ta enseigné : tu las reconnu comme vrai, sachant bien quels sont les maîtres qui te lont enseigné ». Léquipement du Chrétien, cest donc lÉcriture ET la tradition pour être capable de transmettre à son tour. Pour transmettre, et cest le deuxième conseil de Paul à Timothée, il faut oser proclamer la Parole ; voilà la première peut-être même la seule tâche dun responsable dÉglise. Lenjeu est grave et Paul emploie une formule presque étonnante : « Devant Dieu et devant le Christ Jésus qui doit juger les vivants et les morts, je te le demande solennellement, au nom de sa manifestation et de son règne : proclame la Parole... » Une fois de plus, Paul fait référence à la manifestation du Christ, et à son Règne : laccomplissement du projet de Dieu est vraiment lhorizon que Paul ne quitte jamais des yeux. Et dailleurs en grec, Paul dit « Proclame le Logos », le mot qui, chez Jean, désigne le Verbe, Jésus lui-même. Traduisez, si nous prenons au sérieux la Manifestation et le Règne du Christ, nous devons inlassablement proclamer la Parole. Toute la vie de Paul, depuis sa conversion, a été consacrée à cette tâche : « Annoncer lEvangile est une nécessité qui simpose à moi : malheur à moi si je nannonce pas lEvangile ! » (1 Co 9, 16). Mais il faut du courage pour proclamer la Parole, il faut accepter dêtre mal reçu : « Interviens à temps et à contre-temps, dénonce le mal ; fais des reproches, encourage » ; cest-à-dire nhésite pas à juger ce que tu vois... Il termine en disant dans quel climat on doit le faire (et cest le troisième point) : avec une grande patience et avec le souci dinstruire. Là encore nous retrouvons une insistance toujours présente chez Paul, le souci de ce qui édifie la communauté ; cest la seule chose qui compte. EVANGILE - Luc 18, 1-8 1 Jésus dit une parabole pour montrer à ses disciples quil faut toujours prier sans se décourager : 2 « Il y avait dans une ville un juge qui ne respectait pas Dieu et se moquait des hommes. 3 Dans cette même ville, il y avait une veuve qui venait lui demander : Rends-moi justice contre mon adversaire. 4 Longtemps il refusa ; puis il se dit : Je ne respecte pas Dieu, et je me moque des hommes, mais cette femme commence à mennuyer : 5 je vais lui rendre justice pour quelle ne vienne plus sans cesse me casser la tête. » 6 Le Seigneur ajouta : « Ecoutez bien ce que dit ce juge sans justice ! 7 Dieu ne fera-t-il pas justice à ses élus, qui crient vers lui jour et nuit ? Est-ce quil les fait attendre ? 8 Je vous le déclare : sans tarder, il leur fera justice. Mais le Fils de lhomme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur terre ? » Tout ceci se passe dans une ambiance quon pourrait qualifier de fin du monde ! Luc nous a dit un peu plus haut que Jésus est sur le « chemin de Jérusalem » : il marche vers sa Passion, sa mort et sa Résurrection ; les disciples ne savent pas très bien ce qui va se passer à Jérusalem, mais ils pressentent un dénouement tragique et mystérieux. Peu de temps auparavant, ils ont imploré Jésus « Augmente en nous la foi », ce qui traduisait bien leur détresse. Et juste avant cette parabole daujourdhui, Jésus a parlé longuement de la venue du Fils de lhomme. Le Fils de lhomme, cest celui quon attend justement pour la fin du monde ; on connaît lorigine de cette expression : dans le livre de Daniel (au chapitre 7), le prophète raconte quil a eu la vision dun homme (quil appelle un « fils dhomme ») qui vient sur les nuées du ciel ; il est admis près du trône de Dieu et il reçoit la royauté sur toute la création ; une royauté éternelle et universelle. Daniel précise que ce « fils dhomme » est en réalité un être collectif, un peuple quil appelle « le peuple des Saints du Très-Haut ». Les lecteurs de Daniel ont compris que cette vision se réalisera à la fin du monde. Dieu règnera enfin sur toute la création et le Fils de lhomme règnera avec lui. Jésus se présente souvent dans les évangiles comme le Fils de lhomme ; cela intrigue forcément ses interlocuteurs qui savent que le Fils de lhomme est un être collectif, le peuple des Saints du Très-Haut, enfin installé dans la gloire de Dieu ; ils ne savent peut-être pas quoi penser quand Jésus parle ainsi, mais ils entendent ce message de victoire définitive. Or, depuis quil a annoncé ouvertement sa Passion, Jésus multiplie lusage de cette expression, le Fils de lhomme, toujours en parlant de lui, comme pour les rassurer sur lissue des événements. Ce qui prouve au passage quils avaient bien besoin dêtre rassurés. On est donc dans une atmosphère de fin du monde ; dailleurs le thème du jugement (« Dieu fera justice à ses élus ») est bien dans la même note ; maintenant, si nous allons regarder, dans lévangile de Luc, le contexte de cette parabole, nous trouvons lévangile de la guérison des dix lépreux que nous avions lu dimanche dernier : la guérison des dix était le signe que le Règne de Dieu était déjà commencé ; en même temps, les disciples avaient touché du doigt le mystère du salut rejeté par ceux auxquels il était offert en premier (ici les neuf lépreux qui navaient pas reconnu le Christ) : le mystère de la Croix se profilait déjà à lhorizon ; mais la conversion du Samaritain (le seul lépreux revenu se prosterner devant Jésus) préfigurait lentrée de tous, même des païens, dans ce royaume. Les Pharisiens ont fort bien compris tous ces enjeux puisque, aussitôt après la guérison des dix lépreux, ils ont demandé à Jésus : « Quand donc vient le Royaume de Dieu ? » et Jésus a répondu par tout un discours sur la venue du Fils de lhomme. Et voilà que Jésus a quitté ce ton grave pour raconter ce qui semble à première vue une petite histoire : lhistoire de cette veuve qui poursuit le juge de ses réclamations jusquà ce quelle obtienne ce quelle attend ; et pourtant elle aurait toutes les raisons de se décourager : sa cause semble bien perdue davance, puisquelle a eu la malchance de tomber sur un juge qui se moque éperdument de la justice. Mais elle sobstine parce que sa cause est juste, elle nen doute pas un instant. Cest elle que Jésus nous donne en exemple ; lexemple de lhumilité dabord : si elle importune le juge, cest parce quelle est dans le besoin ; la première condition pour participer au Royaume de Dieu, cest de reconnaître notre pauvreté ; on retrouve là la première béatitude : « Heureux, vous les pauvres, le Royaume de Dieu est à vous » (Luc, 6) ; lexemple de la persévérance ensuite : dans notre attente du Royaume, à nous dêtre aussi tenaces que cette veuve obstinée. Notre cause est encore plus juste que celle de la veuve puisque cest la cause même de Dieu. Le rapprochement avec la première lecture de ce dimanche est très suggestif : dans la plaine Josué livrait un combat difficile contre les Amalécites qui avaient attaqué le peuple par surprise ; pendant ce temps, au sommet de la colline, Moïse, obstinément priait, sûr dobtenir le secours de Dieu ; et soutenu par ses aides, il avait tenu bon jusquau coucher du soleil. La force de Moïse était dans sa certitude que Dieu voulait le salut de son peuple. Des siècles plus tard, les premiers Chrétiens affrontés à des difficultés et des persécutions trouvent le Royaume bien long à venir ; ils sont tentés par le découragement ; eux aussi doivent se souvenir que Dieu veut leur salut. Luc leur rappelle cette parabole dans laquelle Jésus avait fait léloge de lobstination. Croire, cest refuser de baisser les bras ; et la dernière phrase : « Le Fils de lhomme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur terre ? » est une mise en garde, valable pour tous les Chrétiens de tous les temps : « Attention, si vous nêtes pas vigilants, vous aurez cessé de croire ». Les Chrétiens, ceux du temps du Christ, comme ceux daujourdhui, sont donc invités à « ne pas baisser les bras ». Jésus sait bien que, dès le matin de sa Résurrection, ce premier matin de la venue du Fils de lhomme et jusquà sa venue totale et définitive, la foi sera toujours un combat, une épreuve dendurance. Il ne manquera pas doiseaux de malheur pour semer le doute, il ne manquera pas de maîtres du soupçon. Cette attente du Royaume paraît tellement interminable... Dieu est-il vraiment au milieu de nous ? Lexemple de cette pauvre veuve vient à point nommé : nous sommes aussi démunis quelle ; tâchons dêtre aussi obstinés. ----------------------- Complément - Luc écrirait-il à une communauté menacée par le découragement ? On pourrait le croire, à entendre la dernière phrase « Le Fils de lhomme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur terre ? » Curieuse phrase : « Le Fils de lhomme, quand il viendra », cest une affirmation, une certitude ; mais la deuxième partie de la phrase « trouvera-t-il la foi sur terre ? » qui semble a priori bien pessimiste est en fait une mise en garde, valable pour tous les Chrétiens de tous les temps, un appel à la vigilance. Il est clair en tout cas que ce texte est une leçon sur la foi : puisque la dernière phrase pose cette question sur la foi et que la première phrase dit justement en quoi consiste la foi : « Il faut toujours prier sans se décourager ». On a donc là une inclusion ; et entre les deux, lexemple qui nous est proposé est celui dune veuve traitée injustement, mais qui ne lâche pas prise.
Posted on: Fri, 18 Oct 2013 08:26:40 +0000

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