Ce qu’il y a de beau chez les étudiants, c’est leur plaisir - TopicsExpress



          

Ce qu’il y a de beau chez les étudiants, c’est leur plaisir de décrypter le monde dans lequel ils vivent. Il y a quelque chose qui relève du plus bel émerveillement chez eux : celui qui naît tout simplement du désir de connaître et de comprendre. Le monde leur apparaît comme une énigme à décoder. On leur présente un auteur, qu’il soit philosophe, historien ou écrivain. Il y a bien des chances qu’ils le lisent. On leur parle d’un film : il y a bien des chances qu’ils le voient. C’est le début de la vingtaine. Difficile de ne pas aimer ces jeunes esprits, ces jeunes hommes, ces jeunes femmes, qui croient à la vie des idées et qui s’y vouent. Rien n’est plus important, à cet âge, que de poursuivre la conversation engagée dans un cours, poursuivie autour d’un verre, et qui ne se termine jamais vraiment. Quel privilège, oui, de représenter une étape, importante ou modeste, dans la formation de ces jeunes personnes. C’est peut-être une des plus belles choses à vivre en ce monde: la discussion dans un séminaire universitaire. D’ailleurs, j’écoutais ce soir la «conférence» d’un jeune homme à qui j’ai enseigné il y a cinq ans. C’était le plus brillant de ma classe. Il avait une intuition profonde. Il avait la tête bien faite. Et un cœur immense. Évidemment, il était un peu maladroit. Mais j’ai tout de suite reconnu l’immense potentiel, l’immense talent de ce jeune homme devenu mon ami. Cinq ans plus tard, il maîtrise pleinement sa pensée tout comme il maîtrise pleinement son écriture. En cinq ans, son esprit a connu une belle éclosion. Je ne lui dirai pas directement mais je l’admire sincèrement. S’il faut, comme disait le philosophe, devenir ce que l’on est, il a suivi la consigne. La liberté ne consiste pas à se jeter dans le vide, mais à perfectionner sa nature, ce qui implique d’abord de la reconnaître, et il arrive qu’un professeur aide un étudiant à la découvrir. Je pense à cette jeune étudiante qui avait une candeur remarquable. Toute simple. Absolument belle. Et intelligente comme dix. Il y a quelques années, j’ai lu son premier travail et j’étais époustouflé par la qualité de l’écriture, encore une fois. Les années ont passé : elle est rendue à la maîtrise. Elle aussi a trouvé sa voie, elle aussi a trouvé le moyen d’accorder sa quête existentielle avec sa quête intellectuelle. Et je pourrais parler de tant d’autres étudiants. De ce jeune homme angoissé qui se demande s’il deviendra grand philosophe ou contremaître. J’aimerais le convaincre qu’il est fait pour de grandes études. De cette jeune femme dont la vocation politique était tout de suite évidente et que j’embaucherais demain comme conseillère si j’exerçais la moindre fonction de responsabilité. Elle a l’intelligence des femmes de décision. De ce grand gaillard à la fois brillant et bonasse, avec une énergie folle et une générosité équivalente, qui s’imposera un jour comme une authentique figure politique. À ce garçon qui n’avait jamais pensé faire une thèse avant que je ne lui dise qu’il devrait naturellement poursuivre ses études alors que personne ne lui avait apparemment suggéré. Je parle d’eux avec affection, avec estime, avec admiration. Je parle d’eux en me disant que les zozos qui se moquent des jeunes hommes et des jeunes femmes qui ont la vocation des humanités et des sciences sociales ne comprennent tout simplement rien à ce que l’existence peut offrir lorsqu’on décide de prendre la pensée au sérieux.
Posted on: Fri, 21 Jun 2013 05:35:49 +0000

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