Cet article ma renvoyé à un souvenir fort : en février 1989, - TopicsExpress



          

Cet article ma renvoyé à un souvenir fort : en février 1989, descendant en bus de Katmandou, je me retrouve bloqué dans la plaine du Gange par des actions de groupes terroristes venus de lAssam, et pour attendre le retour au calme me réfugie à Darjeeling, désert. Entre plantations de thé et pâtisserie coloniale, dans la brume, hors du temps. Le thé, une des dernières colonies britanniques A Darjeeling est produit le thé le plus apprécié des connaisseurs, raconte Le Monde en 1974. YSoom (Inde). - Il faut une demi-heure de Jeep pour descendre de Darjeeling - la capitale du thé - à la plantation de Soom, avant de sarrêter devant la magnifique villa du planteur, de style colonial, qui domine les pentes plantées de dizaines de milliers darbustes dun vert sombre, rectilignes et taillés à ras : les théiers. Des travailleurs dorigine népalaise cueillent avec précision les feuilles de larbrisseau, haut de moins de 1 mètre - le bourgeon et les deux premières feuilles seulement. Il faut environ quarante-huit heures, de la cueillette à la mise en caisses du thé, prêt à être envoyé par camion à Calcutta. Ici, les feuilles sont séchées pendant quatorze à dix-huit heures sur de longs séchoirs à air à 29,3 degrés ; elles perdent ainsi 50 % de leur humidité et de leur poids. Elles sont ensuite roulées pendant quatre-vingt-dix minutes pour briser les cellules et permettre à un processus chimique de samorcer. Celui-ci, appelé fermentation - il sagit en fait doxydation - peut durer deux heures et demie, pendant lesquelles loxygène traverse les cellules des feuilles étalées en couches de 5 centimètres dépaisseur sur de grandes plaques daluminium. Vient ensuite le séchage pendant vingt-trois minutes, exactement à 110 degrés. Cest alors quintervient la dernière opération, la sélection faite par un tamis. Une partie de la production sera vendue telle quelle, en feuilles, le reste sera écrasé. Le thé, cest comme votre vin, nous dit M. Prakash, le directeur de la plantation. La qualité dépend de lendroit - des semences de darjeeling plantées ailleurs nont pas fourni le même thé -, du sol, de la pluviosité et du climat, de laltitude - le meilleur thé est produit entre 3 500 pieds et 5 500 pieds - et enfin de lentretien. Il y a de bonnes et mauvaises années. La qualité dépend aussi beaucoup de la saison. Il y a, en effet, quatre récoltes par an : la meilleure est celle qui va de début mai à début juin ; puis vient celle de mars à début mai (à Soom, ces deux périodes représentent 33 % de la production) ; la troisième qualité est produite du 15 septembre à début décembre. Vient enfin la moins bonne et la plus abondante (57 %) pendant la mousson, de juin à septembre. Mais lInde, tout comme les autres pays producteurs de thé, est dépendante de marchés - et surtout de prix - imposés de lextérieur par de grands intérêts économiques, les gros importateurs et distributeurs britanniques. La principale Bourse du thé se trouve à Londres. Comment faire pour que lancienne métropole (cinq des six principaux producteurs sont danciennes colonies britanniques) cesse de contrôler à son profit la production, la commercialisation et les prix ? Comment justifier le fait quun darjeeling de cru très moyen - le mim - soit vendu dans les bazars ou à laéroport de cette ville 8,50 roupies la demi-livre (soit 5,50 francs) et 49,50 francs dans un magasin de luxe du quartier de la Madeleine ? Comment faire, enfin, pour que la qualité du produit soit respectée, que lon ne puisse donner un titre prestigieux comme Flowery Orange Pekoe à un mélange concocté à Calcutta ou à Londres et contenant une pincée seulement du produit dorigine ? Cest un sérieux échec du business indien que son incapacité à commercialiser son propre thé et à se laisser dominer par les brokers de Londres, nous déclare un ancien responsable du Tea Board, qui souhaite garder lanonymat. Il faut fermer la Bourse de Londres et traiter directement avec les acheteurs. Il faudra sans doute des années pour que des résultats concrets soient obtenus. Jusque-là, le thé restera une des dernières colonies britanniques, un des ultimes fleurons de la couronne impériale. Patrice de Beer Le Monde du 27 août 1974 (extraits)
Posted on: Sat, 02 Nov 2013 09:12:56 +0000

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