Cet article, très élaboré, est dune intelligence - TopicsExpress



          

Cet article, très élaboré, est dune intelligence renversante. Si vous en voulez lintégralité, vous pouvez me le demander. Jean-Marie Le Pen a accusé Christiane Taubira d’être « antifrançaise » reprenant la rhétorique de l’anti-France utilisée par la droite et lextrême droite en France depuis laffaire Dreyfus. Quant à Marine Le Pen, elle a euphémisé comme à son habitude mais en s’exprimant cette fois en sociologue : « Taubira a d’abord été indépendantiste guyanaise, c’est un élément essentiel dans sa construction politique. » Mais qui s’interroge sur « la construction politique » de Marine Le Pen, nourrie au lait de la xénophobie et du ressentiment colonialiste, les deux mamelles de l’ultra droite française ? Qui se demande dans les médias ce que signifie la reconfiguration du paysage politique opérée par les « Le Pen » à partir non plus de l’axe droite/gauche mais de la polarité patriote/mondialiste apparue à la faveur de l’affaire Dreyfus ? C’est pourquoi il ne suffit pas de s’insurger contre le racisme, il faut le déconstruire. Il faut lui opposer non pas seulement des « valeurs », des manifestations et des concerts de SOS racisme, mais un travail patient de déconstruction qui consiste à défaire l’imaginaire colonial, son bestiaire, ses imageries, ses plaisanteries et à rendre contagieux un autre état d’esprit. Il faut opposer à l’imaginaire colonial des symboles, un récit, une histoire commune. Comme le fait par exemple en ce moment même l’exposition « Kanaks » au musée du Quai Branly (lire ici notre article sur cette exposition). C’est ce que réussit Christiane Taubira lorsqu’elle fait adopter en 2001 la reconnaissance des traites et des esclavages comme crime contre lhumanité. Mais surtout lorsqu’elle bataille en 2013 à l’Assemblée pour défendre son projet de loi sur le mariage pour tous en démasquant l’imaginaire biologiste qui hante la droite. Elle fait sortir le débat sur le mariage pour tous du ghetto de la « norme biologique » dans lequel la droite voulait l’enfermer pour en faire l’enjeu d’un combat pour l’émancipation humaine, rappelant au passage que c’est toujours le droit des minorités qui trace l’horizon des nouveaux droits pour tous… On se souvient de sa formidable réplique aux députés UMP qui invoquaient les « lois naturelles »: « Vous avez la fascination du naturel, du biologique et de la génétique ! (...) Vous faites revenir avec vénération et fascination les lois naturelles, revenant au temps de Lamarck et de l’évolutionnisme…. Il y a longtemps que les Lumières ont imprégné la réflexion philosophique et scientifique ! Il y a longtemps que l’on sait ce qu’est l’environnement social et culturel ! Et vous, vous en êtes encore aux lois de Mendel, qui travaillait sur les petits pois ! » Au cours de ce débat exemplaire, Taubira a démasqué la droite ; elle a mis fin à cette imposture qui veut que la droite se prétende depuis trente ans, moderne, transgressive et même « révolutionnaire » quand il s’agit de s’attaquer au droit du travail ou de déréguler la finance… Pour une fois la droite était renvoyée à son archaïsme, à ses fantômes biologistes, à ses fantasmes d’exclusion : biologisme. Petits pois de Mendel. Christiane Taubira a réussi à faire revivre une crédibilité perdue de la parole politique, une certaine « entente » des signes d’autorité et d’intelligence. Si elle est attaquée, c’est qu’elle résiste à la régression médiatique du politique. Non qu’elle résolve à elle seule la crise de souveraineté qui mine le politique. Mais parce qu’elle trace une diagonale entre les deux blocs qui arraisonnent le débat public. Elle est le visage audacieux de ceux qui livrent bataille au-delà des lignes de front, suivant une diagonale d’invention… Loin de « cristalliser les haines », elle est un révélateur, au sens chimique, de ce moment politique. Un atout et un reproche pour le gouvernement, son récit manquant. Elle est le visage de ce que la gauche pourrait être et qu’elle n’est pas. Les attaques racistes contre Christiane Taubira ne sont pas fortuites. Elles sont tout à la fois un symptôme et un instrument : le symptôme d’un impensé colonial et l’instrument d’une décomposition/recomposition du champ politique longtemps structuré autour de la bipolarité droite/gauche. Cette bipolarité cède la place à un affrontement entre un souverainisme qui fixe et un mondialisme qui disperse ou égare… D’un côté les souverainistes de tous poils, nostalgiques de l’État qui exigent une reterritorialisation de la puissance, la sortie de l’Euro, la résurrection des frontières... Bref, le retour à la maison. D’un autre les mondialistes, les nomades, qui abandonnent tous les attributs de la Nation et jusqu’au système démocratique, et confient la politique aux experts, aux marchés financiers, aux capitaux. D’un côté la resubstantialisation de l’État ; de l’autre sa dissolution ; d’un côté le volontarisme nationaliste, de l’autre la déconstruction néolibérale ; d’un côté la règle, de l’autre la dérégulation ; d’un côté la chimère nationaliste, de l’autre l’utopie mondialiste… Nous avons le choix entre nous pétrifier ou nous dissoudre. Ces deux fronts, ces deux machines sont face à face ; elles se regardent en chiens de faïence. Dualisme funèbre dans lequel se consume l’échec du politique.
Posted on: Mon, 25 Nov 2013 01:24:15 +0000

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