Classe contre classe Un meurtre a été commis. Un policier est - TopicsExpress



          

Classe contre classe Un meurtre a été commis. Un policier est dépêché sur le lieu du crime. Il récolte des indices, recueille des témoignages, identifie des suspects, bref mène l’enquête. À l’issue de celle-ci, il confond le coupable en détruisant son alibi et en révélant les motivations de son geste. L’arrestation du meurtrier, prélude à son jugement et à sa punition, rétablit la stabilité d’un ordre social un temps menacé par le crime. Telles sont, schématiquement résumées, les étapes d’une intrigue policière classique. Sauf que… Sauf que le policier est mal réveillé ; mal rasé, décoiffé, hagard, il erre sur la scène du crime en quête d’un café et d’un cendrier où écraser son cigare. Ou bien arrive chargé d’un sac de provisions d’où il tire des bananes qu’il distribue généreusement aux autres policiers présents. Ou fait sur les fesses une chute de plusieurs mètres dans le ravin où un cadavre incarcéré dans une épave de voiture vient d’être découvert. Ou encore s’extasie devant un nouveau modèle de machine à écrire, dédaignant le corps du patron de cabaret fraîchement abattu qui gît sur la moquette du bureau. Et s’il demande qu’on lui montre l’arme du crime — un cric — c’est surtout pour pouvoir casser contre lui la coquille de l’œuf dur qu’il vient de sortir de sa poche1. Sauf que l’assassin est un individu supérieurement intelligent, qui a organisé son forfait de telle sorte que plusieurs témoins l’innocenteront en attestant l’avoir vu à l’heure du crime. Sauf qu’il a non seulement pris soin de masquer toutes les traces de son passage sur le lieu du meurtre mais en a délibérément laissé d’autres qui orienteront l’enquête sur une fausse piste. Sauf qu’il est immensément riche, célèbre, puissant, raffiné et brillant, et qu’il pense n’avoir rien à craindre du policier en imperméable qui paraît quelque peu désemparé devant l’intrigue qu’il est chargé de dénouer. D’ailleurs, ce dernier ne cesse de répéter que quelque chose le tracasse… (...) La domination et l’affrontement de classe ne s’expriment pas, autrement dit, sur le seul plan de la richesse économique ; celui-ci est en quelque sorte médiatisé ou transposé sur le registre davantage symbolique des styles de vie. C’est dans ce registre, en effet, que s’exprime de la manière la plus savoureuse l’opposition entre des assassins raffinés et cultivés et un policier dont le mauvais goût s’étale honteusement au fil de leur confrontation.
Posted on: Wed, 16 Oct 2013 09:23:00 +0000

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