C’est le soir, en sortant des locaux du journal, en longeant la - TopicsExpress



          

C’est le soir, en sortant des locaux du journal, en longeant la Place Boyer, que ma crise anti Minustah atteint son paroxysme. Je regarde tous ces 4×4 et ne me console point a l’idée que cette présence massive d’aideurs de tous poils fait vivre quelques restaurants, quelques hôtels, quelques propriétaires d’immeubles. Je ne me console pas non plus a l’idée que parmi eux il y a forcement des gens de bien, avec des qualités humaines : un savoir, une conscience, un tempérament agréable, avec lesquels on peut lier amitié. La Minustah demeure, a mes yeux, une plaisanterie politique qui n’a que trop dure. Plaisanterie politique, il n’y a dans aucun domaine l’évidence d’un résultat tangible. Le plus douloureux, c’est qu’elle risque encore de durer longtemps. Le gouvernement ne semble pas presse de la voir partir. Le Parlement n’est pas uni sur la question et ne fait a l’exécutif aucune exigence formelle pour une politique allant dans le sens du départ de cette mission qui n’en finit pas. Je me dis, et pas seulement le soir en sortant du journal, que nous sommes, dans cette histoire, les vrais plaisantins. Nous, je veux dire les politiques, les universitaires, les bien assis dans nos revenus et notre routine. Quelle plus belle entrée dans l’histoire pour un personnage politique ou pour une formation politique que d’avoir mène une politique aboutissant a la reconquête de la souveraineté en partie perdue. Quel plus beau moment, âpres le pire, que celui o€ ¢Ã¹ l’on reprend, en totalité, la charge de soi-même? Il vaut mieux, il me semble, être Vincent que Borno. Il n’y a pas de phase de renaissance en situation d’occupation molle, d’assistance massive sur les plans militaire et administratif. La situation que nous vivons ne peut être considérée par un homme politique haïtien que comme un moment (peut-être nécessaire a ses débuts, les opinions varient là-dessus) dont seule la fin annoncera un vrai commencement. Mais qui, du lieu du pouvoir comme du lieu des partis politiques, voit les choses de ce point de vue. On a eu des conférences de partis pour partager le pouvoir. On n’a pas eu de conférences de partis pour penser un calendrier. Le départ de la Minustah,la marche a suivre pour arriver a son départ ne sont pas dans les discours quotidiens des partis ni de leurs représentations. Au contraire, quand la population en parle, car elle en parle, ils font la sourde oreille au nom d’un pragmatisme de marins qui naviguent a vue, et parce que, finalement, ca les conforte. Devant les douleurs de l’heure, l’exécutif propose des palliatifs, des recettes d’épicier dont le misérabilisme a de quoi choquer, quand il ne fait pas simple aveu d’impuissance. Aucune formation politique capable de rassembler des énergies n’est née de l’épreuve de la semi-occupation. Pour rassembler il faudrait des propositions attirantes et crédibles, il faudrait une volonté manifeste inspirant la confiance. Il faudrait que le plus grand nombre soit convaincu que c’est la chose a faire dans ses intérêts et pour une démocratie allant de pair avec la justice sociale. L’heure est grave et nous entendons le ronron de vieilles formules et de « leaders» vieillissants. Il y une partie de la jeunesse, la plus aisée, qui s’inscrit, sauf exception, dans la reproduction individuelle. Il y a une jeunesse des classes moyennes défavorisées qui est en colère et exige. Elle a le mérite de contester. Mais il lui est difficile, parce que les courroies entre les générations sont rompues, d’allier condition individuelle et intérêt collectif, de fonder en théorie ses discours et ses pratiques. Elle cherche, mais elle ne trouve pas toujours et a des difficultés à penser ce qu’il faut garder et ce qu’il faut jeter. Il y a les paysans qui avaient fait une entrée dans la politique avec un début de structuration de leurs revendications. Mais cela a été, en partie, perverti, et leurs conditions objectives sont si dures que leurs demandes, légitimement, portent souvent sur l’immédiat et l’alimentaire. Dans un pays quasi occupe, occupation molle avec des militaires presque aussi souvent en tee shirts qu’en uniformes, des fonctionnaires repartis en section (politique, communication, désarmement, et patati); dans un pays aussi pauvre et avec des inégalités aussi criantes, on pourrait s’attendre a la convergence des énergies pour une reconquête de la souveraineté et une transformation radicale de la société. On sent ce désir chez les citoyens, mais il n’est pas relaye, formule et inscrit dans une pratique politique par ceux qui se sont donnes la mission de mener l’action politique. Faut-il des lors admettre que ce pays a besoin d’une relève, plus jeune, plus dynamique, plus entreprenante. Le laxisme, les bégaiements, la convoitise, l’impuissance théorique et pratique ne travaillent en rien au départ de la Minustah. On a même l’impression que le jour ou elle partira, présents avec le peuple dans les rues parce que démagogie oblige, il y aura quelques politiciens pour la pleurer en secret. Et s’installent, dans notre quotidien, dans le paysage, comme routine et permanence, les chars, les points de presse hebdomadaires, la mosaïque des uniformes. Minustah pour toujours. Jusques a quand ? Par Lionel Trouillot
Posted on: Sun, 11 Aug 2013 22:22:56 +0000

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