DES CROTTES A CLASSER (extrait (viré) des - TopicsExpress



          

DES CROTTES A CLASSER (extrait (viré) des Décérébrés) C’est aussi pour cette raison que j’aurais pu me foutre de votre gueule, à vous qui « m’attendiez à la sortie », que j’aurais même pu vous donner un fifrelin en passant. Ça vous aurait interloqués une seconde, deux secondes, mais, bien plus fielleux que moi, vous auriez su, par vos remerciements, retourner la situation en un tour de main. Vous ne faisiez jamais cadeau de rien. Vous étiez agressifs… Filtrant la matière fétide à travers vos petites bouches, vous y reveniez tout le temps. Le retour du refoulé. Vos allusions, vos reproches voilés qui se voulaient « patriotiques », je finissais par les attendre, et ça revenait, et ça revenait, et chaque fois la baffe était plus forte, car vous n’aviez plus besoin de parler, je voyais les paroles jaillir de vos orifices exhalant la haine que je vous inspirais. Aussi, je rasais les murs, mais rien de ma gueule, me planquant sous une barbe de vieux Juif qui aurait su brouiller les cartes d’une manière si ambiguë qu’aucun talmudiste n’aurait pu me suivre sur un terrain si subtilement miné. En d’autres moments, j’ai pensé que vous-mêmes… enfin, que vous apparteniez à la corporation des policiers à gueules de Vel’ d’Hiv’ s’acharnant à votre devoir, face au miroir, empoignant votre nez, n’y trouvant plus que des croûtes. Toutes ces crottes à classer, quel boulot, hein, monsieur le secrétaire général ! Ça recommençait, et même dans la Seine, voilà que cétaient plus les Juifs, c’étaient les Arabes. Voilà maintenant qu’il fallait les remonter avec des harpons du fond de la Seine, du fond de leurs pantalons… On n’allait pas y planter des étiquettes… Direction la fosse commune, z’ou ! et qu’on ne réveille pas le Général pour si peu, comprenez, on connaît ses habitudes, il a déjà tout pissé dans le képi, alors, s’il le met par erreur sur son crâne, ça va faire un chambard de cette miction qui coule entre les lignes de la légende que les gaullistes en seront mécontents pour sa postérieurité, et ça deviendra un domaine trop pointu historiquement, et alors même le bon M. Troppo voudra jamais en causer malgré que la véracité des faits sera aussi véracitée que les pensées qu’il Lui prête aux moments fatidiques dans ses bouquins sur le Général, où jamais le Général il pense moins haut que ce qui est déjà écrit dans l’idée que tout un chacun s’en fait… tout est écrit par ce bourrin… au burin, je crois, c’est le mot que je voulais employer… Cénotaphe, me répondrait-il… Oui, cest notre taf, enfin… cest vous qui le dites, monsieur Max… Pour revenir à cette nuit glorieuse du 17 octobre 1961, on se demanda donc s’il y eut trois cents… trois mille Algériens jetés à la Seine… Eh quoi, répondit l’ancien secrétaire général, on n’est pas aux pièces ! Je ne suis pas un comptable ! J’ai assez de boulot comme ça. Mais on ne vous aura jamais foutu la paix ! Même quand vous approchiez les cent ans. Cent ans, c’était un âge respectable, dites-moi… et vous y étiez presque, tout pimpant, vous étiez sur le point d’y arriver avant de basculer aux pâquerettes, c’est dommage, quand même... Et en plus, vous aura-t-on assez persécuté, je veux pas dire, mais… pauvre vieillard impécunieux à cou de saurien, c’est vrai que vous ne saviez jamais rien, suffisait de vous voir, vous et votre loden, étiez lové dans l’intestin du monde, irascible en plus, soupe au lait... de ce fait, vous n’en référiez qu’à vos charniers. Tous ces intrus à deux doigts de la paroi, derrière la porte de mon appartement, ont agrandi la fissure… Ils ont agrandi une fissure, mais ce n’est pas sûr. Sur mes pas, les mots ont séché ou pas, ça n’est pas sûr. En outre, je ne les lécherai pas, car j’ai la langue rêche... je ne veux pas y revenir… Laissez-moi… je vous en reparlerai peut-être un jour, mais tout bien réfléchi, je ne vous parlerai de rien à cause que je ne maîtrise pas ce sujet, et je ne voudrais surtout pas… au fond, je préfère ne rien dire. La bête fait le dos rond et perce l’écorce par-ci par-là ; je ne saurais pour autant la chevaucher. Je n’ose me retourner pour vérifier si mes mots se sont imprimés, cest ridicule. On doigt aux mains… ça veut rien dire. Ferme ta gueule. Et puis des fois que je sois suivi ! Ferme ta gueule. Des fois que je sois lu. Toutes les lignes tremblent sur mes pas. Oh ! Oh ! ils agrandissent une fissure. C’est ce que je voulais dire. Le suspect tombait dedans. Il se cassait la figure. Il criait, rivé au plafond, hurlant depuis le fond de la craquelure : J’ai déjà payé ! Une lézarde m’a traduit aux ruines, m’enfonçant aux rumeurs intermédiaires, j’y ai laissé ma queue ! L’été n’était pas pour moi. Ces exécutants savaient procéder sans laisser de traces, avec une science anatomique remarquable, ne parlons pas des baignoires, évoquons seulement les lacets bien serrés par-derrière, les pas de loup, les mocassins… Me casser en douce de ce monde de brutes, toujours prêt à renaître… oh ! j’aurais aimé ne pas laisser de traces, m’avancer à tâtons à mon tour, petit retournement furtif, étrangler en expert dans la nuit pour avoir la paix. Je voulais fuir. J’essayais de pourrir en douce, de sourire en toussant pour agrandir la fissure, mais, rien à faire. Je faisais de partout, j’étais là tout le temps, je faisais des gueules à tous les miroirs, des gueules, partout, et alors je le leur disais : Évacuez-moi ! Tirez la chasse ! A tous les miroirs ! Oh ! oh ! oh ! me restaient quelles solutions ? je me disais que j’allais trembler, c’était ça la solution, agrandir la ligne de faille où j’allais me laisser tomber. Défaillir. Attendre que ça se tasse. Mais je crois que je délirais. Comprenez, le délire, ça existe. Chez les enfants aussi. Pas la peine d’embêter les gens avec des questions oiseuses pour percer je ne sais quelle énigme ! La maladie mentale ne se perce pas comme un furoncle et du jus de pus. J’interprétais ce qu’on me disait. C’étaient eux qui disaient : « On va te faire tomber. » Je me mettais à pleurer. C’est pas glorieux de chialer comme ça et, pire, ça tombait par terre, les vieilles crottes que je n’avais pas fait passer par le trou du cabinet, je les avais collées au plafond, juste pour me reconstituer, en cas durgence (l’ADN). Et alors, était-ce si répréhensible ? A la rigueur cela représentait des frais de nettoyage au moment de la résiliation du contrat locatif, un dépôt de garantie qu’on ne me rembourserait pas, mais le fait lui-même, celui de coller du caca au plafond, ah, non, je ne le vois nulle part prohibé par le Code pénal établi, je le rappelle, par un homme aussi rigoureux que Napoléon Ier. Et puis il faut que je dise, je crois que c’était moi, avant tout, moi que ces gens aimaient emmerder, et de ce fait, j’avais peur de tout. La fissure m’avait ramené dans sa rainure. Au passage, je m’étais accroché à leurs manches, aux boutons de leurs vestes. Ils m’avaient à peine regardé, à peine, même quand je leur avais parlé de. Je leur avais parlé de Babolowski. Un sale type qui voulait m’entraîner dans ses combines. Ma voix s’était étranglée. J’avais voulu poursuivre. Je m’étais emmêlé. J’avais répété le nom. BABOLOWSKI. Ce nom était inconnu de leurs fichiers. Il fallait donc que je précise. A la rigueur, si je leur apportais du « matériel », ils étaient disposés à m’écouter. La soirée était tranquille. Peu d’appels. Quelques bagarres d’ivrognes traitées par une autre brigade. Ces policiers me voyaient comme un dérivatif à la belote. — Messieurs, ai-je fini par leur dire, vous croyez que je vais vous livrer la crapule que j’abrite ? Vos collègues de la police parisienne firent l’usage que vous connaissez de tels renseignements. Je vous suggère donc d’abandonner les opérations que votre conscience vous reprochera quand le bruit des bottes reviendra, et il revient... Ils m’ont répondu que je me gargarisais un peu facilement avec ces histoires, vu que nous n’étions plus en guerre et que je n’avais rien fait de spécialement héroïque. Je leur ai parlé de ce que j’aurais pu appeler la « bombe neuronale », la réplique d’un ébranlement qui avait fait péter en moi une veine invisible, et puis de l’empreinte des spectres. Je ne sais s’ils riaient quand ils parlaient de m’emmener faire un tour du côté de Sainte-Anne. Comme leurs voix crissaient, j’ai pensé à une pastille coincée dans une dent creuse : il aurait mieux valu en finir, se suicider avec la froideur stoïcienne recommandée par les philosophes. Je les ai croisés le lendemain. Ils faisaient leur ronde, la main glissée dans le holster et joyeux sous la casquette. Ils ne me répondirent pas, ou à peine une bourrade. Illuminés par calva du matin, ils rigolaient en se racontant les dernières échauffourées, je renchérissais en les entretenant de leurs chiens… je les admirais beaucoup, je ne tarissais plus d’éloges sur leur pelage, sans même évoquer leur denture. Ils enlevaient leurs muselières pour me sourire. Voici pourquoi mon écriture s’est mise à trembler, et qu’elle est devenue si malaisée à déchiffrer. J’ai dû repousser les molosses au fond d’un couloir humide, j’ai dû les repousser avec des doigts morts, pour faire diversion, je leur ai proposé cette carne qui ne m’appartenait pas. :
Posted on: Thu, 21 Nov 2013 09:37:09 +0000

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