DES FOIS, JE ME DIS QUE REGARDER EN ARRIÈRE, ÇA PERMET DE MIEUX - TopicsExpress



          

DES FOIS, JE ME DIS QUE REGARDER EN ARRIÈRE, ÇA PERMET DE MIEUX VOIR DEVANT... Des élections de Dreux à celles de Brignoles, les socialistes nont rien appris Dans un contexte économique, social et politique étrangement comparable à celui de lautomne de 1983, lélection du candidat du Front national à une cantonale partielle, à Brignoles (Var), en octobre, a fait écho à lélection municipale partielle de Dreux (Eure-et-Loir), trente ans plus tôt. Le 4 septembre 1983, la liste du FN conduite par Jean-Pierre Stirbois y avait en effet obtenu 16,7 %. La similitude de ces deux événements mérite quon y réfléchisse. Dix-huit mois après la victoire de François Mitterrand à la présidence de la République et larrivée dune majorité de gauche à lAssemblée nationale, létat de grâce postélectoral avait laissé place au désenchantement. Des pans entiers du secteur industriel seffondraient, le prix de lessence ne cessait daugmenter, entraînant dans son sillage limpopularité croissante du pouvoir. Le gouvernement Mauroy avait dû se résigner à adopter une rigueur budgétaire dont le premier effet allait être laugmentation des impôts. Cette année, alors que linversion de la courbe du chômage demeure improbable en raison des multiples plans sociaux, la pression fiscale atteint de nouveaux sommets, faisant plonger la popularité du gouvernement. Depuis lélection de François Hollande, la droite se remet mal de son échec. En 1983, elle navait pas non plus digéré sa défaite de 1981 et, comme aujourdhui, elle était minée par des divisions internes. Le RPR de lépoque en était venu à entretenir avec le FN une relation pour le moins ambiguë. Cest ainsi quà Dreux, en mars 1983 - mais aussi à Grasse, Antibes ou au Cannet -, le parti de Jacques Chirac faisait liste commune, dès le premier tour, avec le Front national. En septembre, à loccasion de la partielle de Dreux, le FN, légitimé par lalliance de mars, avait présenté sa propre liste au premier tour. Lors du deuxième tour, le RPR avait de nouveau fait liste commune avec le FN pour remporter la victoire. Jean-Pierre Stirbois devenait maire-adjoint de la ville. Aujourdhui, à quatre mois des élections municipales, le spectre dalliances entre lUMP et le FN, négociées localement, fait peur à plus dune municipalité sortante. De gauche, sentend. Ce qui ne manque pas de frapper, à trente ans décart, cest limportance prise par le discours tenu sur ceux dont le teint, la langue, les moeurs ou la religion contribuent à leur étrangeté. Hier, il sagissait de migrants en provenance du Maghreb et dAfricains subsahariens originaires de lex-empire, quils fussent ou non citoyens français. Aujourdhui, sy ajoutent les Roms, qui, eux, sont européens de naissance. Le 14 mars 1983, au lendemain de la déroute de la gauche aux municipales, un article à la une du Monde avait pour titre : Cher Mustapha... , Je me demande pourquoi tu hésites à nous rejoindre , écrivait un Algérien à un cousin resté au pays. Viens vite, Mitterrand nous promet pour bientôt le droit de vote... Ce tract, en écriture manuscrite, avait circulé dès 1982 à Dreux, banc dessai dune campagne xénophobe, répliquée par la suite à travers le pays. Puis une rumeur était venue, en mars 1983, amplifier lidée dune immigration envahissante. Huit cents Turcs devaient arriver, la maire avait préparé leur accueil après avoir signé le permis de construire une mosquée. Le 16 octobre, Le Monde faisait état dune rumeur qui, depuis plusieurs mois, prospère dans de nombreuses villes de province : des Africains de Seine-Saint-Denis vont débarquer en nombre, la municipalité ayant passé un accord avec le 9-3 pour soulager ses communes dune population africaine trop nombreuse... Une rumeur, certes, ne porte pas de signature. Mais celle-là donne une indication du climat dans lequel vont se dérouler les municipales de mars 2014. Et dont on sait déjà que le FN va profiter pour simposer encore un peu plus dans le paysage politique. La gauche de gouvernement a-t-elle perdu la mémoire ainsi que ses repères ? Au lendemain de sa victoire de 1981, elle avait procédé à une vaste opération de régularisation de clandestins, avant de renoncer, très vite, à loctroi aux étrangers du droit de vote pour les élections locales, une proposition sur laquelle le candidat Mitterrand sétait engagé. Elle nentendait plus procéder à de nouvelles régularisations, bien au contraire. Au conseil des ministres du 31 août 1983, quelques jours avant la partielle de Dreux, la presse rapportait ce propos du président : Il faut renvoyer les clandestins , tout en procédant à linsertion des étrangers. En 2013, le scénario se déroule à lidentique : à la promesse du candidat Hollande daccorder le droit de vote local aux étrangers extra-communautaires fait suite le réalisme de lélu : on verra après les municipales. Et le 24 septembre, Manuel Valls, ministre de lintérieur, déclarait pour légitimer les reconduites à la frontière de Roms : Cest illusoire de penser quon réglera le problème des populations Roms à travers uniquement linsertion. Nous voilà revenus à un vocable pourtant abandonné depuis longtemps au profit de celui dintégration. Il nest certes pas aisé de parler du rôle positif de limmigration en période de récession. Pourtant, le PS paie le prix de son long silence et dune absence danalyse interne sur le caractère historique et inéluctable des migrations, sur ce que la France daujourdhui doit aux étrangers qui ont contribué et à son développement économique et au soutien de sa démographie, sur ce que celle de demain devra aux immigrants daujourdhui. Hier, il sagissait dItaliens, dEspagnols, de Portugais - dont linstallation ne sest pas faite sans résistances. Dautres migrants sont ensuite venus de nos anciens territoires et colonies. Au fil des années, la gauche, quand elle a gouverné, sest révélée incapable de reconnaître que la marginalisation de nombre de leurs enfants et petits-enfants a dabord été le fruit de leur relégation sociale et spatiale. De même que leurs replis communautaires. Il en va de même en 2013. Sagissant des Roms de nationalité roumaine et bulgare, il leur est interdit daccéder au marché de lemploi. On voit mal, dès lors, comment ils pourraient sinsérer ou sintégrer dans la nation en étant, de surcroît, chassés, eux et leurs enfants, dun endroit à lautre sans solution de sédentarisation. En labsence dune politique européenne commune (quattend la France pour peser en ce sens ?), limmigration restera traitée comme une affaire nationale. Il faudra toujours procéder à des reconduites à la frontière, même quand il sagit de demandeurs dasile, dès lors quils ne remplissent pas les conditions requises. Mais en loccurrence, les mots pèsent aussi lourd que les actes. Et la surenchère dun discours sur les étrangers, copié sur celui de la droite, qui elle-même court après lextrême droite, a pour seul résultat de renforcer le Front national. Les Français qui ont voté pour François Hollande ne lont pas élu pour que la gauche ouvre un boulevard à Marine Le Pen, comme elle le fait en cette fin dannée. Françoise Gaspard Historienne et sociologue, ancienne députée dEure-et-Loir et ancienne maire (PS) de Dreux
Posted on: Wed, 06 Nov 2013 08:13:22 +0000

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