Des bruits sourds, une douleur lancinante. Je respire, je regarde, je me tais. Je ne sais pas quel mot choisir, stoïque, murmures, folie, silence. Je chasse ces démons qui maintiennent mes pieds au sol, cloués, et les extrémités brulées. Je suis incapable d’avancer. Pourtant, j’essaie et de tout mon cou et ma tête je me force de regarder vers l’avant. Ces démons si forts, si grands, si noirs et si laids. Eux nombreux, moi seule. Ils dansent et ils rient, ils hurlent et ils crachent. Un à un il tourne autour de moi, l’un me liche l’oreille et l’autre introduit sa longue langue dégoutante au creux de ma gorge. Tandis que le plus fou, le seul vêtu de sa robe rouge, me caresse la cuisse avec ses ongles sales, longs, courbés et nacrés. Leurs mains longent mon corps, mon dos, mes seins, mon bas-ventre… Ma peau s’étire, se déchire, saigne et dessine autour de moi un cerne rouge, dense et poisseux. Je me meurs et pourtant je me bats pour vivre. Une odeur de sûre et d’urine s’infiltre dans ma bouche, je crache et je vomis, pire encore, je m’étouffe et je m’évanouis. J’entends l’eau tomber, goute à goute, encore et encore. Je ne vois rien, c’est le néant et le noir. J’ai tellement mal! Assise, ma tête contre le sol, mouillé et frais, les mains ligotées au bas de mon dos, les pieds nus… le corps nu. J’ai mal au cœur, j’ai la tête lourde, je refuse de bouger. La panique s’empare de moi, je fuis ou je meurs au combat. Je suis épuisée et je ne vois rien. J’entends cette même goutte d’eau qui tombe, au loin des sirènes, autour de moi, personne. Je crois. Je ne sais plus quel jour nous sommes. Sans doute, je rêve. Sans doute vais-je me réveiller dégoutée et convaincue que tout ce scénario et cette souffrance n’étaient que cauchemars, proses et fiction. Au fond, je peux vivre. Au fond, je suis libre. Au fond, je suis folle de m’empêcher de vivre. Mais quelle est donc cette peur si lourde et envahissante? Pourquoi suis-je incapable de ne plus souffrir? Vieilles blessures et anciennes cassures me mènent par le bout du doigt. Le fou, le mât, le mime, le clown tirent sur mes cordes pour me faire vivre. Je dépends de ce fou, je suis soumise et confuse. Trotte, trotte, petite fille. Je suis de nouveau gamine et naïve. Un clown c’est drôle et divertissant. Un mime c’est curieux et intriguant. Un fou c’est surprenant et attachant. Hébétée et enjôlée, mon corps répond sans aucune hésitation. Je voue à cet homme une très grande admiration. Qu’il me demande de danser nue ou d’étirer mon bras au-dessus des flammes et du feu, j’agis instinctivement, mais je ne réagis pas. Ni le mal ni la faim, ni la fatigue ni les questions ne me trouble ou ne me rattrape. Faible ou forte, qu’importe. Ma vie n’a plus de sens sans lui qui me traine, m’utilise et quelques fois, me parle. Je connais ces drames et ces conjonctures. Je connais ces trames et ces silences. Je connais ces films et ses censures. Je ne connais pas la liberté, la joie et la pulsion de vie. J’aimerais bien, je vous le jure. Je prie le Seigneur, bel homme, grand, fort et courageux. Je ne me lasse de le regarder, mes yeux implorent son regard. Mon Dieu, quel bon homme êtes-vous! Quel bon père faites-vous. Mon Dieu, comment puis-je me faire pardonner de m’être levée en retard ce matin? Mon Dieu, donnez-moi la force d’aimer les ceux et les celles qui ont le cœur blessé. Soufflez-moi vos bons et grands mots. Aidez-moi à aider mon prochain. Mon Dieu, montrez-moi la lumière et guidez-moi dans ma quête. Mon Dieu, j’ai tellement de questions à vous poser. Je suis fébrile et excitée. Je m’offre à vous, comme votre plus dévouée enfant. Je m’offre à vous, à votre grandeur et à votre amour. Regardez-moi Seigneur. Je suis debout, face à l’hôtel, nue et vulnérable. Je ne m’amuse pas de vous, mon Dieu. Je veux devenir votre femme, votre amie, votre amante. Voyez ma peau blanche et laiteuse, regardez mes seins, mon ventre et mon centre. Je force mes mains à s’immobiliser, je fixe votre corps superflu, gravé et muet depuis votre départ. Je m’offre à vous. Je brûle de désirs, la chaleur circule dans mon corps. Bien que dévêtue, nue, immobile au milieu de cet air ambiant frais et doux, je me consume. Convoitises, cupidités, ambitions et tentations. J’ai besoin de vous, à l’intérieur de moi. J’ai soif de votre douceur, de vos pardons, de votre amour inconditionnel. Mon Dieu, libérez-moi je vous prie. Nettoyez-moi de mes vices, de mes faiblesses, du mal. Mon Dieu, c’est vous le plus grand. C’est vous le plus fort. Vous êtes le seul à pouvoir me sauver. Mon Dieu, baisez-moi! Alors me revoilà, je ne suis ni cette pauvre âme perdue, ni l’esclave du fou, ni cette fille violée par des démons. Au fond, qui suis-je? ---------------------------------------------------------------------------------------------------- Je suis le soleil, je suis la chaleur, je suis ces oiseaux, je suis le silence. Je suis ces animaux, ces amoureux, ce ruisseau et cette brise. Je suis le temps, le printemps ou l’été. Je suis avide d’amour, je suis gourmande. Je suis curieuse, je suis inquiète. Je suis triste, je suis en colère, je suis silencieuse, je suis à l’écoute. Je suis ce sourire et puis ce visage heureux. Je suis l’attente et je suis fonceuse. Je suis brute, sauvage et bohème. Je suis cette maison, ce lit douillet, ce feu de cheminée, ces flocons. Un à un ils sont créés, tous identiques et uniques. Je suis romantique et pratique. Je suis réaliste et artiste. Je suis troublée et confuse. Mais au fond, qui suis-je vraiment? Avide d’amour, de grands sentiments, d’amitiés et de paix intérieure. Ma plus grande lutte actuellement est de trouver la paix, juste là au fond de mon cœur, de mon corps et de mon âme.
Posted on: Thu, 29 Aug 2013 01:45:23 +0000