Débat sur la situation en Syrie - Mercredi 4 septembre - TopicsExpress



          

Débat sur la situation en Syrie - Mercredi 4 septembre 2013 Discours de Monsieur Jean-Louis Borloo (Seul le prononcé fait foi) Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre de la défense, mes chers collègues, Cent dix mille morts, dont la moitié de civils et six mille enfants, deux millions de réfugiés qui s’entassent aux abords des frontières des pays limitrophes, et l’usage probable d’armes chimiques constitutives de crime contre l’humanité. Oui, les criminels doivent être poursuivis devant la Cour pénale internationale. Ce bilan est effroyable ! Mais plus encore, l’engrenage fatal qui s’est enclenché, tant les belligérants sont déterminés, à aller jusqu’au bout de l’horreur sans une pression forte et implacable d’une communauté internationale largement rassemblée. Parce que la Syrie est un pays mosaïque d’identités, de minorités et de confessions Alaouites, Chrétiens, Kurdes, Turques, Grecques, Sunnites et Chiites. Parce que c’est une guerre civile aux confins de la Turquie, de l’Arabie Saoudite, du Qatar, de l’Irak, de l’Iran et d’Israël, dans lequel sont engagés des forces laïques, des forces intégristes, extrémistes puissants et probablement Al Qaïda. C’est dire l’incroyable enchevêtrement et la complexité d’une situation qui doit appeler de notre part humilité dans l’appréciation, et détermination dans l’action. Nous vous avons bien entendu et nous partageons le risque qu’une absence de réaction très forte pourrait engendrer pour l’avenir : à la fois la prolifération et l’utilisation des armes chimiques et la prolifération des armes nucléaires, notamment dans la région. Et nous approuvons les condamnations très fortes notamment du Président de la République. Mais monsieur le Premier Ministre, pour assurer la paix, il n’y a que le droit. Pour assurer le droit, la force est parfois nécessaire. C’est ce qui a été fait au Mali sous l’autorité du Président de la République et de votre Gouvernement, avec un soutien très large des forces politiques françaises : une attaque identifiée face au risque immédiat d’une main mise de narco-djïadistes, une résolution de l’ONU, l’engagement des forces africaines, le soutien logistique de nos alliés, la qualité de nos troupes émanant des forces de l’ONU, des accors bi-latéraux car, au-delà de l’intervention militaire, l’objectif de guerre était clair et « le jour d’après » avait été prévu. Pour l’instant, dans cette affaire, le jour d’après n’est pas prévu. Peut-on envisager une intervention militaire, sans preuves irréfutables aujourd’hui ? Non. Nous avons bien entendu votre conviction, celle du Ministre de la Défense et de l’état-major. Le premier ministre britannique avait la même conviction pas de preuve irréfutable. Le Secrétaire Général de l’ONU, lui-même, demande trois semaines pour pouvoir faire un rapport circonstancié. Nous ne doutons pas que dans un des pays les plus surveillés au monde, 24h sur 24, tous les éléments puissent être apportés pour en faire la démonstration de l’utilisation et des utilisateurs des armes chimiques. Face à la violation probable du droit international sur l’utilisation des armes chimiques, s’impose le droit international des interventions militaires pour maintenir la paix. Monsieur, le Premier Ministre, l’ONU est un progrès et l’époque des expéditions punitives de pays isolés est révolue. La France a toujours choisi la légalité internationale et l’action collective. Peut-elle aujourd’hui s’en exonérer, sans mandat du Conseil de Sécurité de l’ONU, sans aucun autre pays européen ou si peu, sans l’engagement total de la Ligue Arabe ? Il nous faut évidemment attendre la position de l’ONU. Le Président Poutine vient de déclarer « la Russie n’agira de manière décisive que si elle obtient des preuves de l’utilisation par Damas d’armes chimiques en Syrie » et il a ajouté « qu’il suspendait, dans cette hypothèse, la livraison des missiles sol-air S300 à la Syrie». Les Iraniens, eux-mêmes, sont comme vous le savez meurtris par l’utilisation des armes chimiques. Avec des preuves irréfutables, la communauté internationale sera peut-être au rendez-vous. Et rien ne dit qu’il y aura, à coup sûr, un veto du Conseil de Sécurité de l’ONU. Et quand bien même, la France a signé la Charte de l’ONU. L’ONU a déjà été confrontée au problème du veto de membres permanents et son action en matière de maintien de la paix s’est trouvé paralysé. Pour pallier ce problème, en cas de paralysie du Conseil de Sécurité, la résolution 377 du 3 novembre 1950 de l’Assemblée générale des Nations Unies pour le Maintien de la Paix prévoit le rôle moteur de l’Assemblée générale. Cette résolution a permis des interventions à de nombreuses reprises depuis lors, et notamment dans la crise de Suez : la France peut la saisir. Une intervention immédiate, sans cadre légal, ne fait pas l’unanimité de tous ceux qui sont proches du terrain. Le Secrétaire Général de l’ONU vient de déclarer lui-même qu’une action préventive pourrait aggraver le conflit en Syrie. La Ligue Arabe ne s’engage pas, le Liban n’y est pas favorable, les chrétiens d’Orient sont inquiets si j’en crois les déclarations de l’Evêque d’Alep, ainsi que quelques opposants laïcs au régime, comme la Présidente du Mouvement de la société Pluraliste. En tout état de cause, notre responsabilité est de protéger les Français et les intérêts français. Les Français sont présents au Liban, dont 1.000 de nos soldats (FINUL) en terrain Hezbollah. Et en cas de déflagration nous aurions, de fait, des troupes au sol engagées dans cette région. Et puis nous avons des civils au Liban et en Syrie, notamment à Damas où la communauté du Lycée Français de Damas est extrêmement inquiète. Le Président de la République a déclaré hier « la menace pour la France ne cessera pas tant que le régime de Bachar El Assad sera en place ». Est-ce à dire Monsieur le Premier Ministre que l’objectif militaire serait le départ de Bachar El Assad ? Avant tout vote éventuel de la représentation nationale, toute la représentation nationale, l’Assemblée Nationale comme le Sénat, nous vous demandons que toutes les hypothèses politiques, diplomatiques, notamment au G20, au Conseil de Sécurité, à l’Assemblée Générale des Nations Unies, soient explorées, en attendant le rapport officiel des Nations Unies. Peut-être aurions-nous dû agir beaucoup plus tôt, il y a 18 mois ou deux ans, lorsque l’opposition démocratique et laïque était majoritaire. Mais c’est le passé. Pouvez-vous nous dire quel est le rapport de force entre les laïcs et les intégristes, quant à leur organisation et à leur poids militaire respectif car toute frappe confortera un camp au détriment de l’autre. Dans cette crise, les lignes internationales bougent. Un nouveau rapport de forces s’est installé, le risque de frappe contribue à la solution, pour donner vraiment une chance à la paix. Sans une coalition très large, sans la protection totale de nos compatriotes et de nos intérêts, sans un soutien d’un certain nombre d’européens, sans l’accord de la Ligue Arabe, sans un soutien de l’ONU soit par le Conseil de Sécurité, soit par l’Assemblée Générale de l’ONU, des frappes ne nous semblent pas possibles. Il n’y a pas ici des « va-t’en-guerre » irresponsables ou des désinvoltes détournant le regard devant ce drame et devant ces crimes. Il n’y a que des parlementaires soucieux de défendre les intérêts de la France et des Français, et de contribuer à une issue décisive pour mettre un terme à ce drame effroyable. Sans cadre légal, sans coalition internationale large et sans avoir prévu la solution politique du jour d’après les frappes, la morale ne peut être le seul fondement car celle-ci s’apprécie en réalité aux conséquences de nos actes, c’est-à-dire bien plus tard.
Posted on: Mon, 16 Sep 2013 20:41:26 +0000

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