Dépoussiérage. Des chercheurs lancent, à Oran, la Société - TopicsExpress



          

Dépoussiérage. Des chercheurs lancent, à Oran, la Société algérienne donomastique Les noms et les prénoms comme enjeux politique. Jeudi dernier, sest constituée à Oran la Société algérienne donomastique, où se regroupent des chercheurs universitaires de plusieurs régions du pays. Par Amar Naït Messaoud Ce groupe de chercheurs, versés dans l’investigation dans le domaine des noms de lieux et de personnes, a recouru au statut de société savante dont le bureau est formé de dix membres. À la présidence de la société est élu Foudil Cheriguen, chercheur à l’université de Bejaïa, auteur notamment de «Les enjeux de la nomination des langues« (L’Harmattan-2007), et est élu vice-président Farid Benramdane, docteur en sciences du langage à l’université de Mostaganem et chercheur spécialisé en toponymie attaché au Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle (Crasc) d’Oran. La Société compte 39 membres fondateurs venus de 12 wilayas. À l’occasion de la constitution de cette société savante, qui sera abritée au Crasc et qui se donne pour ambition de faire de plus grandes investigations dans le domaine de l’onomastique algérienne, qu’elle concerne les lieux ou les personnes, Foudil Cheriguen a exprimé son souhait de voir «les recherches se développer davantage en matière d’onomastique, qui reflète l’histoire, la culture et l’identité du pays, et est partie prenante de notre patrimoine«. Hormis des publications ou des articles d’autodidactes ou d’universitaires versés dans d’autres domaines de recherche (histoire, par exemple), la recherche sur l’onomastique reste peu développée en Algérie. L’une des ambitions majeures de la Société savante qui vient d’être créée à Oran est d’établir des bases de données des noms et des lieux en Algérie. La problématique des noms de lieux et de noms et prénoms des personnes exprime fondamentalement, et d’une manière éclatante, la partie visible du profond malaise culturel que vivent l’Algérien et l’Algérie depuis au moins l’indépendance du pays. L’on sait que le problème remonte réellement jusqu’à l’établissement des cartes géographiques d’État-major et des cartes cadastrales du senatus-consult à partir de 1860 par l’administration française, pour ce qui est des toponymes (nom de lieux: villes, villages, tribus, rivières,…); comme il remonte à la fin du dix-neuvième siècle, lors de l’établissement de l’état civil, pour ce qui est anthroponymes (nom et prénoms des habitants). Cependant, depuis que l’administration algérienne a tenté d’algérianiser l’environnement et l’état civil, l’on semble réellement se mêler les pinceaux. C’est que l’entreprise ne relève pas exclusivement d’un acte d’établissement de la souveraineté nationale sur un pan culturel majeur du pays, mais elle a pris franchement des contours idéologiques avérés avec ce qui fut appelé l’arabisation de l’environnement. Que l’on se souvienne de l’algérianisation des noms de rue. Il est plus que légitime que les grands noms de la révolution de novembre 54 prennent leur place dans la toponymie algérienne de l’ère de l’indépendance. Cependant l’acharnement a conduit à des excès qui n’ont aucune explication logique, sinon celle de la bêtise humaine. À titre anecdotique, on raconte que dans l’ «aréopage» désigné pour décider par quoi changer le nom d’Anatole France (grand écrivain, prix Nobel) dans une rue d’Alger, un analphabète bilingue, promue dans les rangs du parti unique, proposa un nom: Anatole Ldjazaïr! L’anecdote reflète l’état d’esprit régnant à l’époque où l’aveuglement idéologique, basé sur l’arabisme, pouvait faire feu de tout bois, et il le fit. On le verra bien après le Printemps berbère d’avril 1980. Le pouvoir politique ira jusqu’à établir une liste de prénoms algériens, environ 40 000, où sont évacués les prénoms berbères que les foyers algériens commençaient à réhabiliter. Mais, dans cette liste, on retrouve Ayatollah, qui, en réalité, n’est ni un nom ni un prénom. C’est un rang, le plus élevé, dans la hiérarchie religieuse iranienne. La révolution iranienne de 1979 était passée par là, et elle ne cesse d’envoyer ses répliques dans toute l’aire arabo-musulmane jusqu’à ce jour. On perd la boussole À la même période, le gouvernement adopta de nouveaux noms pour certaines villes algériennes; ce qui nous enfonça dans le ridicule le moins risible et dans une perte de la boussole, au sens propre et figuré du mot. Tenez-vous bien, dans le journal El Moudjahid écrit en français et dans les journaux télévisés ou radiodiffusés en français, Constantine devint Qassentina, Skikda devint Soukaïkida, Blida devint El Boulaïda,…etc. Les étrangers se mirent à rechercher sur la carte ces «nouvelles» villes algériennes. Le pouvoir politique se rendre compte, quelques mois plus tard, de l’absurdité de la situation, mit fin à cette mascarade. Des noms de lieux en Kabylie, que l’administration coloniale avait transcrits d’une manière incorrecte, continuent à traîner le boulet du péché originel: Il en est ainsi de Beni Yenni, Beni Amrane, Abi Youcef,…Le village Tiksighidène, dans la commune d’Aghbalou (Bouira), continue à être transcrit, contre toute logique, Tiksiridène, y compris sur les plaques et les bus. Cet héritage colonial s’étend, entre autres, à Mzarir (village Imesdourar dans la commune de Saharidj) et à Azazga (Iaâzougane). Il fut un temps où le village d’Ahnif, à l’est de Bouira, eut trois noms pour le désigner. Les plaques qui les portent jouent la position des trois lettre «h, n, f, «. On a eu: Ahnif, Hanif, H’nif. Au sud du pays, la situation n’est pas, non plus, indemne de perversion linguistique. Tous les «In» sont, par la bêtise des medias nationaux et de l’administration, devenus des «Aïn». Il en est ainsi d’In Aménas au sujet duquel Farid Benramdane écrit: «L’attaque du complexe gazier de Tiguentourine [dans la commune de In Aménas] nous rappelle que l’Algérie est le plus vaste pays d’Afrique, et que la gestion et la maîtrise de la vastitude de son espace par le biais de sa dénomination est une affaire sérieuse et qu’elle relève, le moins que l’on puisse dire, de l’intérêt supérieur de la nation«. Les nouvelles cartes topographiques publiées par l’Institut national de cartographie et de télédétection (INCT), tout en faisant l’effort de se rapprocher de la réalité, n’ont aucunement résolu le problème de la toponymie algérienne. Quant aux noms et prénoms de personnes, l’état civil continue à les malmener et à les froisser par la transcription en arabe. Des centaines d’affaires sont pendantes devant les tribunaux pour le règlement de telles situations. S’agissant des prénoms berbères, le Premier ministre, à l’occasion de sa visite à Tizi Ouzou l’été dernier, a «débloqué» une nouvelle liste de 300 prénoms amazighs, sachant que, auparavant, le Haut Conseil à l’Amazighité avait remis au gouvernement une liste de 1000 prénoms berbères pour adoption. Imparablement, le nom, qu’il s’applique aux personnes ou aux lieux, continue à constituer un enjeu politique et fait remonter à la surface tous les conflits culturels et identitaires que le pays traîne depuis longtemps. La Société algérienne d’onomastique qui vient d’être créée pourra-t-elle apporter sa contribution à la résorption de tels malentendus historiques? Au-delà de son rôle académique et de recherche, établira-telle des liens avec les pouvoirs publics de façon à mieux orienter la longue et dure entreprise d’assainissement de l’onomastique algérienne?
Posted on: Sun, 24 Nov 2013 07:17:08 +0000

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