EXA CERBEE Le vieux tilleul était là, devant lui, toujours penché mais vigoureux. Il s’en approcha avec une émotion toute particulière. Camille avait enfoui, mis en sommeil une partie d’elle-même, ici, sous cette terre afin qu’on ne l’abime plus. Cette même Camille, qu’il chérissait déjà, était venue au sommet de la colline, un soir de désespoir, se livrer, s’ensevelir. C’est avec cette pensée qui le chavirait qu’il commença de creuser. La clef, autour de son cou, balançait au rythme des coups de pelle. Le froid commençait à descendre sur les hauteurs de Wuthering Ent lorsque la pelle buta contre quelque chose. La cage, enveloppée de son velours noir, était là, difficile à extraire à cause des racines de l’arbre devenu possessif. L’arbre enserrait la cage, passionnément, tel un amant jaloux, refusant qu’on la lui prenne. Quelques coups de couteau eurent raison de l’étreinte des puissants bras végétaux. Le vieux tilleul s’était battu, il venait de perdre. La cage à peine libérée, Sagamore éprouva une vague de sentiments intenses et violents. Tous plus exacerbés les uns que les autres. Sans même avoir besoin de l’ouvrir, voilà qu’il en ressentait le contenu. C’était incroyable un tel débordement d’émotions, de passion, de sensibilité. Il avait peine à discerner chaque chose enfermée. Il était abasourdi, assommé, apeuré et fasciné à la fois. Il y avait dans la cage bien plus encore qu’il n’aurait pu l’imaginer. La violence des sentiments découverts l’avait jeté au sol. Attentif, il tentait de distinguer cette rafale insensée en se concentrant. C’est alors que lui apparurent cette fragilité qu’il sentait à présent si vive et ce désir d’absolu qui surpassait tout. Comment pouvait-on vivre ainsi ? Comment partager l’existence d’une écorchée vive pareille ? D’une fille aussi entière qui ne transigerait pas avec l’amitié ou l’amour ? Qui ne transigerait d’ailleurs avec rien ? Comment supporter son désir d’absolu, sa démesure ? Il réalisa soudain avec effroi la délicatesse qu’il se devrait d’avoir, les précautions qu’il lui faudrait prendre pour ne pas la blesser. Il lui faudrait faire attention souvent, toujours, tout le temps ! Sagamore était bouleversé car il aimait toutes ces choses en Camille mais… n’était-ce pas trop ? Trop exacerbé tout ça. Et trop encombrant. Il prenait conscience de la responsabilité que cela supposait d’être à ses côtés. Et l’amour infini qu’il sentait plus que toute autre chose s’échapper de la cage encore fermée… Cela lui fit peur. Plus peur encore que tout le reste. Qu’allait-il faire de tant d’amour ? Saurait-il y répondre ? Extrait de Wuthering Ent en commande sur ce lien : editions-mutine.over-blog/article-wuthering-ent-d-isabelle-mutin-119095442.html
Posted on: Wed, 13 Nov 2013 12:41:13 +0000
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