EXTRAIT DU PROLOGUE Au son de la clarine tintant au cou de l’une de ses vaches, accompagné de Vicam, son fidèle chien berger blanc suisse , une hotte d’osier tressé sur le dos et muni de sa goyarde , Anthelme chemine nonchalamment derrière son petit troupeau. Tous les jours quel que soit le temps, jusqu’à l’arrivée des premiers flocons de neige, il emmène paitre ses bêtes dans les prairies des Chavannes qui se situent en bordure de forêt à mi pente de la montagne des Hermones. Ce samedi 6 octobre 1792 l’annonce de l’arrivée des commissaires de la convention sur les terres de Savoie et qui imposent aux communes savoisiennes d’exprimer leurs vœux et d’élire un député chargé de les porter à l’assemblée générale convoquée à Chambéry pour le 21 octobre n’est pas encore parvenue dans tous les villages du Chablais savoyard . De toute façon, du haut de ses quatorze ans, Anthelme n’a que faire de la politique et ne se croit pas concerner par ce qui se passe en France. Que lui importe cette révolution française dont il a entendu quelques échos par les colporteurs, qui, en sus de leurs marchandises entassées pêle-mêle, recouvert d’une bâche, sur un chariot attelé à une mule, se font également les messagers de nouvelles, bonnes ou mauvaises, glanées ici où là. Dans l’entendement du garçon, qu’est-ce que la paisible Savoie peut avoir à faire avec ce peuple de trancheurs de têtes ? Bien que le Chablais, ne soient pas encore complètement envahi, il a tout de même vaguement entendu parler par des voyageurs traversant le village, que les troupes françaises occupent désormais, hormis les régions très montagneuses de la Tarentaise et de la Maurienne, la quasi-totalité du duché de Savoie. Tout comme les autres adolescents du village, il demeure persuadé que ces troupes de vas nu pieds prétendant apporté la liberté seront rapidement refoulés par l’armée piémontaise. Tous ces gamins, avec l’entière insouciance et l’optimisme inhérent aux garçons de cet âge, estiment que rien de dramatique ni de durable, puisse survenir dans la région. Cependant, ils ignorent également que les troupes du roi Victor-Amédée III, hormis la brigade de Savoie qui bien, qu’ayant subie de lourdes pertes, continue le combat dans les montagnes, se sont lâchement repliées sans coup férir sur la Maurienne. Se réfugiant derrière les solides murs des impressionnantes forteresses qui hérissent et défendent les différents passages des Alpes vers le Piémont, laissant les armées révolutionnaires du général de Montesquiou s’emparer du pays abandonné et sans défense. De toute façon, malgré cette convocation de pure forme de l’assemblée de Savoie, les jeux sont faits. La convention nationale, avant même que le vote des députés n’ait eue lieu sur la question d’un possible rattachement du duché à la France, a depuis longtemps, arrêtée qu’il en serait ainsi. En fait ce n’est pas une réunification, mais une annexion pure et simple de la Savoie qui se prépare. C’est pourtant ce jour-là, en gardant ses vaches, que le destin d’Anthelme, ignorant tout de ces péripéties militaires et politiques, va basculer dans des proportions que l’adolescent rêvant d’audacieuses aventures aux confins de la terre, ne peut encore concevoir.
Posted on: Fri, 06 Sep 2013 12:27:52 +0000
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