Effectivement. Comme toujours, l’enfer est pavé de bonnes intentions. Car finalement tout ça partait plutôt d’un bon sentiment : permettre la liberté de circulation des biens et des personnes, des travailleurs aussi bien sûr. Rêver l’Europe comme un vaste espace de liberté, comme une terre d’échanges et de paix pour en finir avec les nationalismes qui, il y a cent ans, allaient mettre le continent à feu et à sang. Voilà ce que les pères fondateurs avaient en tête au moment de faire cette union sur laquelle tout le monde tombe à bras raccourcis aujourd’hui. Parce qu’évidemment, les idéaux ont été dévoyés, corrompus. Victimes des égoïsmes nationaux, de l’appât irraisonné du gain, de la marchandisation de la société et ces dernières années de la crise, prétexte ultime pour piétiner les droits fondamentaux et asservir l’homme. C’est ainsi qu’au nom de la libre circulation des travailleurs et de la compétitivité des entreprises on peut aujourd’hui lancer sur les routes des transporteurs des pays de l’Est payés à coups de lance-pierres, soumis à des cadences infernales, les obliger à dormir dans leurs camions et à se nourrir de boîtes de conserve. Substituer une main-d’œuvre à bas coût à un personnel local, comme sur les chantiers navals de Saint-Nazaire ou dans les abattoirs chez Gad. Les exemples sont légions, le phénomène ne cesse de s’intensifier. Comme l’agriculture ou le bâtiment, l’industrie du transport est grande consommatrice de ces travailleurs « détachés », pour reprendre l’euphémisme officiel, qui ne sont en fait qu’un nouveau lumpenproletariat. Une catégorie de travailleurs précarisés parfois jusqu’aux limites du tolérable qui permet surtout aux conseils d’administration de sociétés opportunément domiciliées dans des pays à faible protection sociale de réaliser de substantielles économies. Sur le dos des finances publiques. Il est aujourd’hui devenu plus facile et moins coûteux de délocaliser les hommes plutôt que les machines.
Posted on: Tue, 12 Nov 2013 18:24:09 +0000
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