En 1971, le 20 août précisément j’avais été nommé - TopicsExpress



          

En 1971, le 20 août précisément j’avais été nommé gouverneur de la province d’Errachidia, par Feu S.M. le Roi Hassan II. Cette province portait alors un nom qui ne voulait pas dire grand’chose à savoir Ksar es Souk, cest-à-dire tout simplement un lieu de ksar et de souk, un point de communication et de rencontre pour les négociants et les voyageurs. Dans l’ouvrage autobiographique intitulé « Au service de l’Etat » que j’avais écrit et publié en 2009 aux éditions Marsam de Rabat, j’avais relaté un certain nombre de faits que j’avais remarqués après mon installation. En y revenant en 2013, ce jour 16 du mois de novembre, je m’aperçois que j’avais dit beaucoup de choses intéressantes et surprenantes sur cette province, à tel point que je me pose actuellement la question : Comment ai-je pu écrire tout ça, et avec tant de précision, de clarté, mais aussi d’humour. Vingt deux ans après, les gens qui connaissent cette province par le passé et qui la visitent aujourd’hui, pourront évaluer, en toute indépendance d’esprit, les progrès réalisés. Ce n’est ni de la propaguande, ni de la publicité, mais de la réalité toute crue ! Pourtant, il y a des personnes qui disent que presque rien n’a été fait ou très peu pour mériter d’être venté. Un point de vue que je respecte, en comparaison avec d’autres villes ou d’autres provinces du Nord du Maroc…C’est pour cette raison que j’ai voulu associer les lecteurs intéressés à cette lecture, en leur livrant le texte de mes pensées d’autre fois, pour leur permettre eux-mêmes de faire la comparaison... La province de Ksar es Souk telle qu’elle se présentait à l’époque allait du cercle de Midelt au nord, au cercle d’Erfoud au sud, et de Talsint dans le cercle de Rich à l’est à Tinejdad dans le cercle de Goulmima à l’ouest. Sa superficie avait été estimée à 1O3.19O km2. Elle était l’une des plus vastes provinces du Royaume. Depuis, elle a été rétrécie, à la suite de nouveaux découpages. Le cercle de Midelt a rejoint Khénifra pour constituer une nouvelle province ; Talsint, Beni Tajit et Bouanane ont rejoint la province de Figuig après sa création en 1974. Sa population était de 471.12O habitants, d’après le recensement officiel entrepris par l’Etat entre le 2O juillet et le 3 août 1971. Elle se composait de 424.52O ruraux et de 46.595 urbains. Le taux d’accroissement de la population était de 25,4O % contre une moyenne de 32,3% à l’échelon national.A l’époque, il n’ y avait au Maroc que 19 provinces et deux préfectures, (Casablanca et Rabat). L’organisation administrative de la province comprenait cinq cercles : Ksar es Souk, Midelt, Goulmima, Erfoud et Rich. Le découpage communal faisait ressortir trente huit communes rurales et aucune municipalité ou commune urbaine. Mais les chefs-lieux des cercles étaient des centres autonomes dont les périmètres étaient délimités. La répartition des communes par cercle donnait : Midelt (8) Goulmima (8) Rich (9) Erfoud (8) Ksar es Souk (5).Toutes ces communes étaient subventionnées, à l’exception de: Talsint, Boumia, Tounfit et Beni-M’hamed qui étaient relativement riches. Le volume des recettes réalisées par l’ensemble des communes ne dépassait guère 3O7.471 DH par an. De ce fait, l’Etat intervenait pour équilibrer les budgets en leur versant une subvention sur la TPS (taxe sur les produits et service, ancêtre de la TVA) de l’ordre de I99.905 DH par an. C’est pour dire combien les chiffres étaient dérisoires, aussi bien en recettes propres qu’en aide de l’Etat. Le budget de fonctionnement provincial, atteignait quant à lui, la somme de 1.285.45O DH. Le budget d’équipement annuel était de 5.366.332 DH. Dans le domaine économique, la province avait une double vocation, minière avec les mines d’Ahouli et de Mibladen, et agricole après la construction du barrage Hassan Ed-Dakhil. Ce barrage dont les travaux avaient été lancés en 1965 et achevés en mars 1971 avait été conçu pour recevoir 52O millions de m3 d’eau devant irriguer 18.OOO ha. C’était compter sans les caprices de la nature et sans la sécheresse. La province disposait alors de 81.OOO h de terres cultivables dont la plus grande partie se trouvait dans le cercle de Midelt, hors barrage. L’infrastructure routière était déplorable. Sur 88O km de routes principales, 277 km seulement étaient revêtues. Le reste, soit 759 km, ne l’était pas. Et il n’y avait que 91 km de routes secondaires construites et revêtues, alors que ces routes secondaires reliaient les principaux centres commerciaux de la province. Les chemins tertiaires dont la longueur totale dépassait 3.OOO km n’étaient revêtus que sur une longueur de 75O km. Le tourisme était presque inexistant du fait que les moyens d’hébergement étaient insuffisants, avec deux hôtels classés : Le gîte d’étape d’Erfoud et l’hôtel P.L.M. de Ksar es Souk, achevé et qui allait être inauguré en 1972. Pourtant la province ne manquait pas d’attraits, de circuits touristiques, de sites naturels magnifiques, de moussems. Parmi les sites recensés, il y avait l’Aguelmane de Sidi Ali et le cirque de Jaafar dans le cercle de Midelt, les dunes de sable de Merzouga dans le cercle d’Erfoud, la source bleue de Meski à Ksar es Souk, les gorges du Ghéris et du Ziz, les palmeraies, le lac du barrage et les lacs Isli et Tislit d’Imilchil. Pour ce qui était des moussems, il y avait celui des dattes à Erfoud et celui des fiancés à dImilchil. L’artisanat qui était lié au tourisme n’offrait aucun attrait du fait qu’il se trouvait dans son état primaire et n’avait guère évolué. Il était constitué essentiellement de la poterie d’Erfoud, du tissage de la laine de Rich, Talsint et Boumia, du travail du bois à Midelt, de la tannerie à Rissani. Les articles fabriqués servaient à la demande locale uniquement. Les coopératives qui travaillaient dans le secteur artisanal étaient recensées à Itzer (charbonniers), à Ksar es Souk (huilerie), à Rissani (tannerie), à Erfoud (dattes). Elles avaient un grand besoin d’encadrement et de soutien financier. A la lecture du procès-verbal des consignes, j’ai pu me rendre compte de l’état des réalisations opérées depuis l’indépendance. Les principales étaient : Le barrage Hassan Ed-Dakhil, le réseau d’irrigation du périmètre, le relogement des sinistrés des inondations de 1965, la construction de l’hôpital provincial Moulay Ali Chérif, le raccordement du réseau national d’électricité des villages d’Erfoud, Goulmima et Ksar es Souk, la construction de deux collèges, le centre émetteur de la radio (RTM), le centre artisanal, l’ensemble socio-éducatif de la jeunesse et des sports. Dans le cadre du plan de développement, les projets suivants avaient été inscrits : La couverture de la télévision, l’étude des barrages Ghéris et Guir, la construction d’une centrale hydroélectrique au barrage Hassan Ed-Dakhil. Les problèmes importants qui m’avaient été légués, touchaient à la totalité des secteurs, mais les plus saillants étaient : L’indemnisation des agriculteurs déplacés et dont les terres avaient été inondées par le lac du barrage, l’électrification rurale, la vacance de sept postes de médecins, la-non automatisation du réseau téléphonique, le chômage après l’achèvement du barrage, létat des routes principales, secondaires et tertiaires. Les moyens octroyés par l’Etat à cette province n étaient pas assez suffisants pour changer quoi que ce soit à cette situation. Les crédits délégués dans le cadre de la Promotion nationale, qui auraient pu me permettre de démarrer certains chantiers lors de mes déplacements dans les diverses localités à visiter pour porter la bonne parole, avaient été utilisés au début de l’année et se trouvaient entièrement épuisés. Des centaines d’ouvriers manifestaient en permanence devant la province pour demander le paiement de leurs salaires en retard de plusieurs mois. Pourtant les crédits accordés à la Promotion nationale étaient relativement importants ; encore eût-il fallu qu’ils aient été utilisés à bon escient. Une enveloppe financière de 4.378.53O DH avait été prévue pour offrir à la main d’œuvre disponible 737.752 journées de travail. Telle était la situation de la province de Ksar es Souk, telle que décrite par le rapport général des consignes. En réalité, la province était encore plus pauvre que dans les écrits. La situation des populations était déplorable. Les gens vivotaient et se débrouillaient comme ils pouvaient. Ils savaient que l’Etat avait traversé, depuis l’indépendance en 1955, des moments difficiles, que chacun tirait de son côté le peu de moyens qui circulaient. Le barrage avait entretenu des espoirs démesurés que la sécheresse avait vite anéantis. Cela faisait quinze ans que nous étions indépendants, que nous avions pris notre destin en mains, que nous avions installé notre administration et notre justice. Pourtant, force était de constater que les choses n’allaient pas pour le mieux et qu’il y avait beaucoup de défaillances auxquelles il fallait remédier. Je connaissais la province de loin, mais le fait de palper les chiffres, de les faire parler et de les comparer avec la réalité sur le terrain me donnait la réelle dimension du travail qui m’attendait. Je devais, en plus de ce qui était écrit, écouter les élus, les faire s’éxprimer, leur soutirer leurs doléances, interroger les chefs de service provinciaux sur les ressources financières dont ils disposaient et sur la manière de les utiliser pour parer au plus pressé. Il fallait étudier chaque situation à part, établir des fiches de besoins, des rapports de situation, des suggestions, des plans sectoriels pour ne rien négliger. C’était le travail de quelques semaines, mais il fallait le faire pour éviter de travailler sans plan et sans méthode. Je n’étais pas venu pour calmer les esprits, dissiper les craintes et redorer le blason de l’Etat après les événements tragiques de Skhirat, même si en fait la population avait besoin d’un tel discours pour se rassurer et vaquer à ses occupations. Je pensais que ma mission, s’il fallait l’appeler ainsi, avait une toute autre dimension et une toute autre signification. Il fallait remettre les gens au travail, les associer à l’action de l’Etat, des collectivités locales. Je devais au cours de mes déplacements les informer des réalisations, des projets à court et long terme, recueillir leurs doléances, connaître la priorité de chaque commune, de chaque cercle. Il fallait ouvrir l’administration aux administrés et créer des courants et des passerelles pour communiquer plus facilement. Tel était mon plan. Je bouillonnais d’idées. Je voulais faire vite pour ne pas décevoir l’espoir suscité par la surprise de ma nomination. Jétais convaincu que, sans la confiance du peuple, l’administration ne pouvait rien faire. Mais il fallait de l’argent frais pour lancer quelques opérations, car le dernier trimestre de l’année est toujours considéré comme un temps mort. Il fallait attendre le vote du budget au début de l’année suivante, patienter pour les visas qui traînaient jusqu’à fin mars et voilà six mois de perdus à croiser les bras devant les promesses faites et non tenues. Après mûre réflexion, je décidais de préparer un dossier des opérations d’urgence à soumettre au Gouvernement par l’entremise du Ministère de l’Intérieur. Je ne savais pas si cela était faisable, mais j’avais décidé de le tenter. C’est alors que, profitant d’un temps de répit après les cérémonies d’installation, je me mis au travail avec mon équipe pour préparer et chiffrer les besoins de la province, secteur par secteur, sur la base des procès verbaux des conseils communaux et des fiches établies par les services techniques provinciaux. Comme nous étions proches du moussem des dattes que le Ministre de l’Intérieur voulait inaugurer, je pensais disposer de quelques moments de repos du Ministre pour défendre ma cause et lui remettre le dossier en bon avocat de la province. Qui ne risque rien, n’a rien ! Puisque le pouvoir m’avait placé dans cette situation, il me fallait ramer pour arriver à bon port…Voilà en quelques lignes en quoi consistait essentiellement la mision informelle des gouverneurs, en plus de celle, classique, que les textes législatifs, règlementaires et les circulaires déterminent avec plus de précision. Mohamed BOUFOUS
Posted on: Sat, 16 Nov 2013 22:19:23 +0000

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