Entre la révision de la constitution et l’inanition de la - TopicsExpress



          

Entre la révision de la constitution et l’inanition de la nation: Que dit Boshab? Entre la révision de la constitution et l’inanition de la nation” tel est le titre de l’ouvrage de 444 pages publié par le professeur Evariste Boshab aux éditions Larcier de Bruxelles le mois dernier. Ce livre qui continue à faire couler beaucoup d’encres et de salives dans les milieux politico-académiques congolais évoque la révision de la constitution du 18 février 2006 pour le “mieux être” de la nation congolaise. La révision de cette constitution n’est pas, en soi, un problème. On se souviendra que déjà en 2011 certains articles de cette loi suprême avaient été modifiés. Nous pouvons citer entre autres l’article qui consacrait l’élection du président de la république au suffrage universel direct à deux tours. La modification de cette disposition, pour mettre en place l’élection du président de la république à une majorité relative à l’issue d’un seul tour du scrutin, est parmi les facteurs qui ont permis à Joseph Kabila d’être réélu – non sans controverse – en 2011. Et pourtant la modification de 2011, initiée par le gouvernement et entérinée par le parlement, n’a pas agité les esprits autant que « cette simple expression académique » du professeur Evariste Boshab. Pourquoi ? La raison principale est que ce livre ose envisager la possibilité – si non la nécessite – de modifier les articles dits verrouillés de la constitution dont le sacro-saint article 220 relatif au nombre de mandat présidentiel qui, à l’état actuel des textes, ne doit se limiter qu’à deux fois cinq ans. Pour des nombreuses personnes, même si ces propos ne sont formulés que dans un livre, ils y voient une façon de préparer l’esprit des congolais à accepter une telle modification le moment venu. Sans doute, ce livre finirait dans les rayons des bibliothèques, comme tant d’autres, si le poids politique de son auteur n’était pas important. En effet, Evariste Boshab, qui a occupé plusieurs hautes fonctions politiques – y compris récemment le perchoir de l’assemblée nationale (2009-2012) – est connu pour ses accointances avec le président Joseph Kabila et son rôle dans le parti au pouvoir, le PPRD. Autrement dit, ce n’est pas tant les idées soutenues dans ce livre que la personnalité de son auteur qui posent problème. Mais à part la personnalité de son auteur, qui suscite autant de procès d’intentions, que vaut ce livre ? Nous n’avons pas voulu nous limiter aux rumeurs ou à une lecture de seconde main de cet ouvrage. Nous nous le sommes procuré, nous avons pris le temps de le décortiquer ligne par ligne page par page pour nous faire une idée claire et nette de son contenu sans a priori ni préjugé. Il n’est pas notre intention de nous livrer à une évaluation scientifique de ce livre, notre qualification académique et politique étant bien à deçà de celui de l’auteur pour nourrir une telle prétention. Cependant, nous avons voulu nous mettre dans le contexte socio- politique congolais pour évaluer la pertinence des idées avancées dans cet ouvrage. Et la question centrale est de savoir si les dispositions intangibles de la constitution du 18 février 2006 peuvent être modifiées. A cette question, le professeur Evariste Boshab répond par l’affirmative. Pour soutenir sa thèse, il avance 3 grandes opinions. L’opinion souverainiste selon laquelle la constitution de 2006 contient un très grand élément d’extranéité en ce sens que les étrangers – communément connus sous le nom de la communauté internationale – ont eu un rôle très important « avec une arrogance indescriptible » lors la rédaction de cette constitution à tel point qu’elle ne reflète pas nécessairement le vouloir du peuple congolais. Selon cette opinion, l’invasion étrangère dans le processus de l’élaboration de la constitution a porté gravement atteinte à la souveraineté du peuple congolais . Et pour réparer cette situation, la révision - même des articles intangibles - serait nécessaire si un quelconque élément d’extranéité y était décelé. La deuxième opinion est celle des puristes qui soutiennent que la constitution de 2006 contient des défauts congénitaux qui rendent certaines de ses dispositions contradictoires, irréalistes, inopérantes ou incohérentes. L’exemple a été donné notamment des dispositions préconisant la mise en œuvre de 25 provinces et la gratuite de l’enseignement. Pour l’opinion puriste, la constitution doit être épuré de ces imperfections pour ne garder que ce qui est raisonnablement réalisable au vu des moyens et des réalités du pays. La troisième raison pour laquelle les dispositions de la constitution devraient être révisées tient sur le contexte dans lequel celle-ci a été élaborée. De la perspective ‘contextualiste’, le fait que la constitution fut initiée pendant la lourde transition (souvenez-vous du schéma 1 Président + 4 Vice- Présidents) au sortir d’une longue guerre pendant laquelle tous les protagonistes aspiraient au pouvoir suprême et se doutaient des intentions postélectorales les uns des autres a aussi joué un rôle dans l’insertion dans la constitution des dispositions extrémistes tels que certains articles verrouillés pour soi- disant assurer un garde-fou pour l’avenir. Les ‘contextualistes’ sont d’avis que le contexte de la RDC a significativement évolué pour déverrouiller certaines de dispositions. A notre humble avis, certaines des raisons que pousse le professeur Evariste Boshab pour une révision constitutionnelle sont bel et bien fondées. Il n’est pas nécessaire d’avoir fréquenté des grandes écoles pour s’en apercevoir. Pendant que l’opinion souverainiste paraît moins convaincante, la constitution ayant été soumise au referendum, il suffit de regarder comment les institutions issues des élections de 2006 ont eu tout le mal pour bien fonctionner, afin de se rendre à l’évidence. Pour nous, puristes et ‘contextualistes’ se recoupent sur le point où ils parlent tous des imperfections congénitales qui affectent l’effectivité de la constitution de 2006. Ces imperfections sont nombreuses, la moindre bonne foi suffit pour les répertorier ça et là. Et si une cure de révision peut aider à les extirper, elle ne peut qu’être la bienvenue pour l’intérêt supérieur de la nation. La question qui suit est celle de savoir si le moment pour une telle idée de révision est opportun. Nous sommes d’un avis négatif pour la simple raison que Joseph Kabila l’un des acteurs ayant poussé à l’élaboration de cette constitution pourrait récupérer la situation en sa faveur après avoir écarté – pour ne pas dire étouffé – tous (ou presque) les autres. L’objectivité voudrait qu’une telle révision ne puisse être mise en œuvre que soit en présence de tous les protagonistes de l’époque soit en leur absence totale. Ces deux options ne sont, cependant, pas aisées à mettre en œuvre de façon réaliste actuellement dans un contexte politique caractérisé par la confiscation de l’intérêt national par des intérêts partisans. S’il est clair qu’aucune révision du nombre de mandat présidentiel ne doit bénéficier à Kabila Jr, nous ne voyons pas non plus comment les pro-Kabila concéderaient une telle jouissance à son successeur, qui plus est d’un autre parti politique. Ce qui fait qu’un tel bras de fer ne peut que conduire à « l’inanition de la nation ». Néanmoins, nous souscrivons à l’anticipation du professeur Evariste Boshab qui préconise que, pour parvenir à une constitution effective, il faut « vaincre les phobies en s’assumant effectivement ». Pour nous, vaincre les phobies et s’assumer effectivement impliquent, entre autres, que que de s’empresser à organiser des élections en 2016 – lesquelles élections ont montré leurs limites au regard de l’amélioration du bien-être des populations et de l’édification des institutions fortes – les hommes politiques congolais devraient prendre du recul en vue d’évaluer la situation réelle du pays, d’identifier ses problèmes fondamentaux et récurrents qui minent l’efficacité de l’Etat et d’établir un plan commun pour la normalisation du fonctionnement de la République. Un tel travail ne peut se faire que dans un cadre national où toutes les forces vives de la nation sont invitées sans agenda politique personnel ni partisan. Ce serait alors une vraie « conférence nationale souveraine » qui pourrait prendre le temps nécessaire pour déboucher sur une feuille de route établissant clairement les priorités nationales et un calendrier de leur mise en exécution. Les actions des gouvernements qui seront élus ne pourront que suivre cette feuille de route quel que soit le parti politique qui aura gagné. Ceci nous évitera, entre autres, de retomber dans des tables rases interminables qui ne font qu’engloutir le peu de ressources disponibles tout en continuant de nous faire marcher sur place. Un des grands maux africains, et congolais en particulier, c’est de vouloir chercher à tout prix à marquer une rupture d’avec les actions du gouvernement auquel on succède. Quelles qu’elles fussent ! Et en général, compte tenu de la profondeur des fossés à remplir, un mandat de cinq ans parait insuffisant pour initier, mettre en œuvre et clôturer une réelle politique de fond. C’est pour cela que l’existence d’un plan de mise en œuvre des priorités nationales est l’une des voies pour assurer que quel que soit le parti qui gagne les élections, les grands projets de la nation (et non du gouvernement) vont continuer. Ceci serait par ailleurs non seulement la matérialisation du principe de la continuité de l’Etat face à ses actions intérieures mais aussi un meilleur indicateur de performance de l’action des gouvernants.
Posted on: Sun, 07 Jul 2013 12:33:47 +0000

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