Entretien avec Albert Uderzo - Quel genre de petit lecteur - TopicsExpress



          

Entretien avec Albert Uderzo - Quel genre de petit lecteur étiez-vous ? - Comme tous les enfants de ma génération, je lisais beaucoup de contes de fées – le merveilleux et la magie m’ont toujours fait rêver –, de romans d’aventures et particulièrement Jules Verne dans les éditions Hetzel, avec leurs gravures extraordinaires. Beaucoup d’illustrés, également, et les strips quotidiens du Mickey de Floyd Gottfredson dans Le Petit Parisien, puis dans Le Journal de Mickey. Mes petits camarades achetaient Robinson, L’Aventure, L’Aventureux, Hourrah, Junior, L’Épatant où paraissaient des bandes dessinées américaines. On se les prêtait à tour de rôle. J’ai été très tôt plongé dans les comics et j’adorais Popeye. Ce personnage extraordinaire m’a tellement marqué que, lorsque nous avons créé, sur l’une de mes suggestions, la potion magique dans Astérix, René Goscinny et moi-même craignions que l’on nous reproche d’avoir piqué cette idée à Segar… On n’a heureusement jamais reçu ce genre de critique. - À quels moments correspondaient pour vous le temps du dessin dans votre enfance ? - Mon premier souvenir est lié à l’école. L’institutrice nous a demandé de dessiner ce que nous évoquait une fable de La Fontaine. L’image a tant étonnée le directeur qu’il m’a offert ma première boîte de crayon de couleurs. Une fois rentré chez moi, j’ai voulu faire un dessin pour ma maman et c’est à cette occasion qu’on a découvert mon daltonisme : j’avais colorié l’herbe en rouge… Les dessins que j’ai réalisés par la suite restent liés à l’école. J’illustrais les devoirs scientifiques : les animaux ou les éprouvettes que je dessinais m’ont permis d’avoir quelques bonnes notes mais ça n’allait pas beaucoup plus loin. - Vous dessiniez donc peu pour votre plaisir ? - J’ai commencé à dessiner pour mon plaisir, vers l’âge de douze ans, les aventures d’un personnage nommé Stupido. Mon grand-frère Bruno m’a alors conseillé de postuler pour les vacances à la Société Parisienne d’Édition qui publiait Bibi Fricotin et les Pieds nickelés. J’étais entouré de professionnels chevronnés que je regardais travailler, mais je n’y suis resté que quelques mois. Pendant l’Occupation, nous étions si sevrés sur le plan alimentaire que j’ai rejoint mon frère en Bretagne. À cette époque, je dessinais quelques gags pour m’amuser. L’un d’entre eux montre des personnages pittoresques dans une cave, pendant un bombardement. Ce dessin-là était du vécu, mais je ne l’ai bien sûr pas réalisé pendant une alerte. Ma mémoire visuelle était déjà assez développée pour me permettre de restituer après coup ce que j’avais observé. - À partir de quel moment avez-vous considéré le dessin comme une façon de gagner votre vie ? Il semble que plusieurs moments de votre jeunesse auraient pu vous voir bifurquer vers d’autres carrières, moins artistiques. - Quand j’ai entrepris ce métier, il n’était pas du tout reconnu. Peu de monde osait s’y risquer. C’était un art mineur qui inspirait beaucoup de préjugés défavorables. Lorsqu’un enfant commettait un crime, les journaux titraient souvent : « Et en plus, il lisait des illustrés ! ». Mes parents étaient inquiets et il faut bien dire que je ne savais pas où je mettais les pieds. Par chance, mon premier contrat aux éditions du Chêne était très bien payé. Ça m’a permis de rassurer mon père, qui m’a laissé continuer dans cette voie. Je ne lui ai jamais avoué que les commandes suivantes n’ont jamais été aussi bien rétribuées que les aventures de Clopinard ! J’ai travaillé très dur pendant de nombreuses années, le plus souvent pour des raisons alimentaires. Lorsque nous avons créé Pilote, René Goscinny a imposé des tarifs différents. Et, à partir de cette époque, j’ai pu vivre décemment. - À quoi ressemblaient vos semaines de jeune dessinateur ? Y avait-il un peu de place pour une vie sociale compte-tenu du nombre incroyable de dessins que vous deviez livrer toutes les semaines pour la presse ? - Mon épouse vous en parlerait mieux que moi mais le travail occupait en effet tout mon temps. Je m’installais tous les matins devant ma table à dessin à cinq heures, et ne la quittais qu’à minuit. Une de nos voisines, dans notre HLM de Bobigny, avait fait remarquer que la première lampe qui s’allumait et la dernière qui s’éteignait dans le quartier se trouvait chez les Uderzo… J’en paie aujourd’hui les conséquences : j’ai tant dessiné que j’ai fini par me détruire la main. - Vous partagez avec Jijé une aisance égale dans le domaine de l’humour comme dans celui du réalisme… - C’est une gymnastique qui ne me gênait pas. Un style me reposait de l’autre. Mais j’ai été contraint d’abandonner le réalisme après avoir dessiné huit épisodes de Tanguy et Laverdure, parce que le rythme devenait trop épuisant. - Vous êtes-vous adonné au réalisme à cause de vos commandes de dessins de presse pour France-Dimanche ou bien cette forme de dessin vous semble-t-il le chemin nécessaire par lequel tout dessinateur doit passer pour apprendre à dessiner sous une forme comique ? - Avant de travailler pour France-Dimanche, je n’avais jamais abordé le réalisme : je m’y suis lancé par nécessité, en parfait autodidacte, parce que les sujets d’actualité que je devais illustrer ne se prêtaient pas à l’humour. Lorsque je revois certains de mes premiers dessins, leurs défauts de proportion me sautent aux yeux, mais il fallait bien commencer… Je n’ai jamais suivi de cours académiques et cela m’a souvent manqué. J’ai observé l’anatomie grâce à la musculation, que j’ai pratiquée jusqu’à l’âge de dix-huit ans dans un club de la rue du faubourg Montmartre. On soulevait des haltères et on regardait dans le miroir nos muscles se former. J’ai pu perfectionner ma connaissance du corps féminin lors de ma rencontre avec Ada, que j’ai épousée en 1953 et qui ressemble beaucoup à Falbala. Au passage, je signale que nous n’avons jamais rencontré de soucis avec le comité de surveillance pour la jeunesse à propos de ce personnage. Il faut dire que mes Gauloises sont toujours restées bien habillées. - La nature en général et la forêt en particulier sont très présentes dans vos dessins : est-ce lié à vos souvenirs d’enfance ? - C’est possible, en effet. Mon père, qui était ébéniste, m’a transmis l’amour des chênes, qui sont les arbres les plus tardifs à faire des feuilles, mais aussi à les perdre... J’ai passé une enfance extraordinaire à Clichy-sous-Bois, qui était encore une commune de banlieue paisible, avec des petites maisons de rentiers. Nous étions entourés des bois de l’ancienne forêt de Bondy, où Victor Hugo a situé l’auberge des Thénardier. La végétation y était encore sauvage, avec de très hauts arbres. Je me souviens que mon frère m’avait emmené voir la source décrite dans Les Misérables : elle coulait en pleine nature, en bas d’une côte, au milieu de hautes herbes. Aujourd’hui, elle est murée et entourée de maisons et elle n’a plus rien de bucolique. On s’amusait à fumer de la viorne pour jouer aux messieurs. C’était épouvantablement mauvais et ça ne m’a pas donné le goût du tabac. Plus tard, nous nous sommes installés à Paris et j’allais souvent jouer dans la forêt de Saint-Mandé, qui était très différente. Mon école était située au pied d’une immense carrière de plâtre. Avec mes copains, on jouait aux gendarmes et aux voleurs dans ces galeries mais on ne se bagarrait pas, contrairement à ce que vous pourriez croire en lisant Astérix. Je suis de nature opiniâtre mais paisible : je n’ai jamais participé à une bagarre. - Est-ce que votre court passage dans un studio de dessin animé a modifié votre façon de découper le temps, de construire des séquences d’images et de traduire le mouvement ? - Je n’ai pas tiré grand-chose de cette expérience : avant de rejoindre ce petit studio, j’avais réalisé seul un essai de décomposition du mouvement qui prouvait que j’avais compris par moi-même comment cela devait être traduit en dessins. Le sens du mouvement est inné chez moi. C’est surtout la pratique du style humoristique qui m’a conduit à créer une dynamique de lecture immédiatement compréhensible. Il faut proposer une continuité d’éléments, pour le décor comme pour les personnages, qui entraîne le regard du lecteur d’images en images. La bande dessinée est une forme d’écriture visuelle qui joue sur la compression du temps. Chaque dessin concentre en une seule image des actions fortes. Si les coups de poing d’Astérix paraissent violents, c’est que l’ampleur du mouvement et la force du choc reçu par le malheureux Romain sont exprimées par une condensation. Dans une même case, le bras d’Astérix frappe son adversaire qui disparaît du cadre tandis que ses sandales restent au sol… Pour traduire le mouvement, on doit recourir à une exagération de l’anatomie – il suffit de jouer avec une certaine élasticité des bras ou des jambes. Et l’expressivité repose sur l’amplification des émotions, y compris dans le réalisme : si un acteur reprenait les poses et les mimiques d’un personnage de bande dessinée, on dirait qu’il cabotine. - Votre mise en scène est très cinématographique : on trouve depuis longtemps dans vos dessins des focales très variées : plans d’ensemble, effets de zoom (avant ou arrière), répétitions de plans, entrées de champ, sorties de cadre, plongées, contre-plongées, point de vue au niveau du sol, etc. Ces partis pris vous venaient-ils dès la lecture du scénario ou, lorsque vous êtes votre propre scénariste, sont-ils simultanés à votre manière de préparer vos histoires ? - Il est évident que j’ai vu beaucoup de films qui m’ont permis en effet d’être sensible au sens du cadre et aux changements de plans. Je sais qu’un plan d’ensemble permet de planter le décor, qu’un plan rapproché est approprié pour montrer l’émotion du visage d’un personnage, etc. En ce qui concerne la mise en scène et le choix des angles de vue, je souhaite avant toute chose servir au mieux le récit. J’attaque directement sur la planche originale, sans brouillon ni story-board, pour ne pas perdre de temps. Il m’est même arrivé, lorsque j’étais en retard, de ne pas faire de crayonnés… De toute façon, le dessin est déjà entièrement composé dans ma tête lorsque je pose mon crayon sur le papier. Je ne suis pas du genre à douter et gommer sans arrêt pour atteindre le résultat souhaité. Heureusement, sinon je n’aurais jamais pu livrer cinq pages par semaine. Goscinny n’a jamais été déçu par mon interprétation de ses scénarios. - Les modelés, les clair-obscurs et les hachures semblent réservées à des moments précis de vos histoires. Comment envisagez-vous l’ombre et la lumière dans vos dessins ? - L’ombre portée n’intervient dans mon dessin que si l’atmosphère d’une séquence le réclame : les séquences nocturnes, le mystère de la hutte magique du druide Panoramix ou l’ambiance louche d’une taverne se prêtent au clair-obscur. Sinon, mes personnages évoluent la plupart du temps en pleine lumière. J’évitais les hachures parce qu’elles alourdissent le dessin et pouvaient être bouchées à la photogravure. Mon encrage au pinceau était jugé trop fin, trop gris et pas assez noir par les photograveurs, qui auraient préféré que j’encre à la plume. J’adorais assumer mon travail de A à Z – en dehors de la couleur puisque je suis daltonien –, mais j’ai dû renoncer à l’encrage. La technique du pinceau réclame une extrême concentration de la main qu’il m’est devenu difficile de tenir. Mon frère Marcel m’a aidé un certain temps dans cette tâche, qui a ensuite été confiée à d’autres personnes. - Votre rencontre avec René Goscinny marque un vrai tournant dans vos deux carrières. - Notre association a été une vraie osmose : c’était un épanouissement et une émulation réciproques. Nous trouvions tous les deux que la bande dessinée française humoristique était trop simple, nous voulions sortir des gags primaires du type tartes à la crème pour créer ensemble des histoires qui nous procurent une vraie satisfaction, avec l’espoir que notre plaisir pourrait être partagé par les lecteurs. Mais nous n’avons étés libres qu’à partir du lancement de Pilote. Avant cela, les rédacteurs en chef des journaux jugeaient les scénarios de Goscinny trop intellectuels et mes dessins trop grotesques. C’est pour cette raison que nous avons cessé les aventures d’Oumpah-Pah dans Tintin. Jamais Astérix n’aurait pu voir le jour si on avait écouté les conseils des éditeurs de l’époque. La nature du personnage, son physique et son sujet contredisaient toutes les prétendues recettes du succès. - Quels étaient les fameuses consignes que vous receviez alors de la part des éditeurs ? - On nous réclamait sans cesse du sous-tintinage, c’est-à-dire un héros auquel l’enfant puisse s’identifier facilement, accompagné d’un faire-valoir et d’un animal. René Goscinny a voulu que nous imposions le contraire : un protagoniste seul, malin, de petite taille, pas très beau et fluet. Le rôle d’Obélix n’était pas prémédité : j’avais juste placé dans la première histoire un personnage secondaire qui portait un menhir sur le dos. Goscinny a ressenti dès le deuxième épisode son potentiel comique et tout ce qu’il pouvait apporter à l’action : on avait tous les deux en tête une parodie du personnage de Lennie Small dans Des souris et des hommes, ce « doux colosse innocent aux mains dangereuses ». Quant à Idéfix, il n’était au départ qu’un simple détail de situation dans une case du Tour de Gaule : Goscinny m’avait demandé de dessiner un petit chien qui attendait à la porte d’une charcuterie. Il n’était pas censé suivre Astérix et Obélix pendant toute l’histoire. Je l’ai fait en accord avec René, mais c’était un développement secondaire imprévu. Les lecteurs nous ont tout de suite envoyé du courrier pour savoir si le petit chien allait revenir. Nous avons donc lancé un concours et ce sont cinq lecteurs de Pilote, garçons et filles, qui ont trouvé le nom d’Idéfix. Finalement, Astérix obéit en partie aux principes qu’on nous imposait depuis des années, mais c’est venu accidentellement… - On peut même dire qu’Obélix est devenu un personnage presque plus important qu’Astérix par la suite. Ce qui est resté original dans la série, c’est le très grand nombre de personnages que vous mettez en scène : les habitants du village ont pris de plus en plus d’importance, avec leurs querelles incessantes, leurs élans de fraternité et leur détermination à combattre encore et toujours l’envahisseur… - Les bagarres burlesques d’Astérix nous ont été inspirées par le souvenir de leçons d’Histoire que nous avons parodiées. Nous savons aujourd’hui que l’image belliqueuse des Gaulois est en partie fausse : bien sûr, les tribus gauloises avaient coutume de se combattre entre elles, mais leur occupation principale était le travail de la terre. Notre motivation première était de toute façon humoristique, sans aucune prétention d’authenticité historique. Nos irréductibles combattent l’armée de César sans aucune arme, par la seule force de leurs poings. Ça n’a jamais été plus loin que des bosses et des yeux au beurre noir. Et la potion magique offre aux habitants du village une force colossale qui leur permet d’échapper à l’ordre romain. Mais ils restent assez individualistes et ils n’ont pas la prétention de libérer toute la Gaule. - Comment se déroulait la préparation d’une histoire avec René Goscinny ? - On se retrouvait chez l’un ou chez l’autre pour faire des brainstormings : on échangeait des petites idées qui lui permettaient de développer seul l’ensemble du scénario, dont il définissait la plupart du temps le point de départ. Je recevais ensuite un scénario complet, entièrement découpé de la première à la dernière page. Dès qu’il avait fini un Astérix, il passait à une autre série. Il était hanté par la peur de la page blanche et de la redite. Après Le Tour de Gaule, je me souviens qu’il m’a dit : « Tu sais, on a épuisé toutes les possibilités pour cette série, je crois que je ne trouverai pas de nouvelles idées ! » Il se trompait puisque nous avons continué… Astérix nous a donné de la joie. On éprouvait beaucoup de bonheur à raconter ces histoires ensemble. - Quelle est la part de documentation et d’imagination dans vos dessins ? Certains semblent avoir été le fruit de repérages (Astérix chez les Helvètes, Astérix en Corse ou L’Odyssée d’Astérix), d’autres semblent beaucoup plus fantaisistes (comme Astérix et les Goths ou Astérix chez les Bretons)… - En effet, la première histoire pour laquelle nous avons fait des repérages est Astérix chez les Helvètes. Chose amusante, quand nous avons traversé la frontière suisse avec Goscinny, on a compris dans le regard des douaniers qu’ils imaginaient qu’on était venu ouvrir des comptes pour échapper au fisc… Ce n’était pas du tout le cas évidemment ! Je voulais vraiment dessiner le lac de Genève et j’ai pris de nombreuses photos. Je ne voulais pas non plus inventer les paysages corses, j’avais trop peur de rencontrer des problèmes avec les Corses ! Moi qui croyais voir un pays pelé par le soleil, j’ai découvert des paysages extraordinaires, avec des arbres gigantesques. Je n’aurais pas pu imaginer les ruisseaux enjambés de petits ponts, les villages à flanc de montagne et les vieux sur leurs bancs que j’ai dessinés dans cette histoire. J’ai reconstitué Aléria telle que l’historien corse Jérôme Carcopino l’a décrite, c’est-à-dire en bord de mer et non pas en retrait. C’était un amusement pour moi. - Est-ce vous qui avez choisi de situer le village en Bretagne ? - Oui, René m’avait demandé de le placer au bord de la mer, et j’ai pris la liberté de le placer dans une partie de l’Armorique que j’avais connue dans ma jeunesse. La Bretagne que j’ai connu à l’époque était encore plus sauvage qu’aujourd’hui : cela m’a inspiré pour dessiner l’environnement du village d’Astérix. - Vous avez souvent dire avoir voulu être clown : êtes-vous d’accord pour dire que certains de vos personnages, comme par exemple Laverdure, doivent beaucoup au comique de la gestuelle et des expressions de vos souvenirs du cirque ? - Oui, je pratique une forme d’exagération comique qui peut avoir des liens avec les clowns. On a d’ailleurs souvent dit que je faisais du dessin « gros nez »… Je n’ai pourtant jamais pu aller au cirque Bouglione dans ma jeunesse parce que nous n’avions pas les moyens. Mais j’ai vu les affiches représentant les trois frères Fratellini, dont l’Auguste s’appelait Albert. Leurs maquillages étaient très graphiques, avec de gros nez rouges, des grands yeux carrés blancs, et ils avaient des perruques extraordinaires qui s’ouvraient… Pour amuser mes copains, je jouais à ça de temps en temps. Plus tard, je me suis déguisé en clown pour ma fille, mais ça n’a pas été plus loin. - Laverdure ressemble par ailleurs un peu à Stan Laurel, qui est aussi l’un de vos souvenirs d’enfant… - Oui, il y a du Laurel chez Laverdure. Et sans doute aussi un peu de moi-même, puisqu’il paraît que l’on se dessine toujours inconsciemment. Le caractère comique de Laverdure déplaisait et déplait encore beaucoup à l’Armée de l’air. Dans l’adaptation cinématographique la plus récente des Chevaliers du Ciel, un général qui était conseiller technique du film ou je ne sais quoi, a exigé que le nom des personnages soit changé, parce qu’il craignait que l’évocation de Laverdure ne ridiculise l’Armée… Je ne l’ai découvert cette initiative qu’au moment de la projection de la première : si je l’avais appris plus tôt, j’aurais fait interdire ce film car j’estime que c’est une trahison à la mémoire de Charlier. - Le succès que vous avez fini par rencontrer grâce à Astérix a été une vraie surprise pour vous… - Totalement. C’était inimaginable. On connaissait le succès de Tintin, mais c’était un phénomène à part qui ne touchait pas l’ensemble de la bande dessinée. Dans ce métier, personne n’espérait pouvoir rencontrer un succès comparable. Vendre un album à 50 000 exemplaires était un but auquel l’éditeur lui-même ne croyait pas ! C’est sous mon insistance que Georges Dargaud à commencer à augmenter le tirage des livres. C’était un homme de presse et il croyait si peu au potentiel commercial des albums qu’il se contentait de résultats modestes. Nous perdions pourtant à l’évidence des ventes : les lecteurs se plaignaient de ne plus trouver nos albums quelques jours seulement après leur sortie en librairie. Ce succès, que je souhaite à bien des confrères, s’est donc construit, sans aucun soutien marketing, par la plus belle des promotions : de bouche de lecteur à oreille de lecteur. Je suis autant incapable de donner la recette de ce succès que de révéler celle de la potion magique ! Propos recueillis par Benoît Mouchart en octobre 2012
Posted on: Sun, 20 Oct 2013 15:47:51 +0000

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