Essa foto de Fondation Maeght é cortesia do TripAdvisor "Cette - TopicsExpress



          

Essa foto de Fondation Maeght é cortesia do TripAdvisor "Cette toile s’appelle La Datcha. Elle représente, sur un fond de ciel rougeoyant perçu à travers la large baie vitrée d’une villa style moderne, les grands penseurs français de la fin des années soixante, regroupés autour d’une table basse. Dans cette hypothétique datcha d’apparatchik soviétique, il y a là, autour du maître des lieux, Claude Lévi-Strauss, Michel Foucault qui se gratte la tête, Roland Barthes qui arrive par la droite avec un plateau couvert de petits fours et Lacan, qui pose fièrement, nœud papillon et visage barré par un sourire un peu goguenard adressé au spectateur. Althusser, le visage brouillé, peint comme une ombre chinoise, hésite, lui, à entrer et se tient en retrait, au seuil de la porte fenêtre. Nous sommes en 1969 et les cinq peintres qui réalisent cette toile avaient caressé, l’année précédente, un beau jour de mai, comme tant d’autres plus jeunes qu’eux, le rêve un peu fou de renverser et changer la société plutôt sclérosée du règne gaullien finissant. Ils croyaient en leur révolution et un an plus tard, quand ils peignent cette toile, ils sont ulcérés et amers, tristes et énervés que, Sartre excepté, les grands penseurs de leur temps, ces glorieux aînés qui les ont inspirés et qui auraient dû être le fer de lance du combat, soient restés emmurés dans leur tour d’ivoire, que la pensée de ces marxistes et de ces progressistes soit restée confinée dans une datcha, de l’autre côté du rideau de fer. Critique d’une pensée qui ne va pas au bout d’elle-même, d’une théorie soudain frappée d’immobilisme quand l’heure du passage à la pratique a sonnée. Cette peinture dénonce, cette peinture se moque en transformant nos philosophes en apparatchiks, elle est donc un camouflet, et, d’une certaine manière, cette peinture pense à la place de ceux qui ont arrêté de le faire, elle donne le fin mot de l’histoire. Qui plus est, avec ses couleurs franches, pures, ces grandes plages chromatiques qui sentent encore, quarante ans plus tard, la brosse imbibée d’huile, cette toile a une force qui fait d’elle une fort belle œuvre. Son ciel empourpré fige et cristallise, mieux qu’un texte et pour les siècles des siècles, la déception rageuse et la fulgurance de la révolte de la jeunesse enjouée et engagée de ces années. C’est tout l’intérêt de cette Datcha. Elle illustre de façon bruyante ce que, pendant des siècles, la peinture a dit de manière silencieuse et que les artistes d’aujourd’hui ont trop tendance à oublier : que, pour avoir une efficace sur l’entendement, l’art n’a pas besoin, d’illustrer ce que des philosophes ou d’autres exégètes de la vérité ont écrit, qu’il ne lui est pas nécessaire d’imiter un discours venu de l’extérieur et qu’il n’est pas toujours utile de mettre en scène des concepts issus de la rationalité de la pensée pour toucher du doigt et révéler à nos yeux la vérité du monde."
Posted on: Wed, 03 Jul 2013 00:43:34 +0000

Trending Topics



Recently Viewed Topics




© 2015