« Face aux critiques que l’on adresse envers nos projets, que - TopicsExpress



          

« Face aux critiques que l’on adresse envers nos projets, que vous avez arbitrairement qualifiés de révolutionnaires, nous vous sommons de répondre aujourd’hui de vos actes et de votre responsabilité dans les graves problèmes que traversent vos sociétés... Vous nous accusez d’illégalité, de violations des droits du commerce et de la libre circulation des marchandises, mais cela n’est rien en regard de vos crimes : vous avez fait du désespoir et de la déchéance un présent incessant, vous avez ruiné l’avenir de milliards d’existences et profané en tous lieux la beauté de la Nature…. Si la loi me condamne aujourd’hui, sachez que la Loi, elle vous condamne pour l’éternité car à ses yeux, votre crime est le pire de tous. » Déclaration de Jiyad Ab’Lumar au Procès Ordo/Confrérie Al Situa. Condamné à mort et exécuté en 9948 sur Terre Primale. Les trois écrans des comails incrustés dans la table éclairaient chacun des visages de flashs colorés qui égayaient ou attristaient les expressions selon que les images qui défilaient étaient claires ou sombres. Dag’Aneshir ne pouvait arracher son regard de l’observation de l’écran de droite, où arrivaient les images envoyées de l’ensemble de l’Imperium. Ses yeux avaient une fixité glacée et ne cillaient même pas devant le spectacle des émeutes qui secouaient la plupart des Technocenters de l’Ordo. Même assis dans son fauteuil-bulle, Dag’aneshir ne pouvait s’interdire de recevoir de plein fouet la violence exceptionnelle des émeutes et d’en ressentir un sentiment étrange fait de fatalité et de curiosité morbide. A cet instant précis sur Fwaël, la foule étaient en train de déchiqueter les cadavres de Faiseurs d’Ordre, tandis qu’en arrière plan une violente explosion déchirait d’un trou béant les murs du Pyramidion, accolé au Technocenter. Le rapport suivant révélait un flot ininterrompu et désordonné de personnes s’engouffrant par les portes ouvertes du Technocenter de Lupiat. « Cette fois je crois qu’il n’y a plus de doute, nous sommes bien la cible d’une attaque concertée de grande ampleur. » Darren Talnek semblait totalement désemparé, ses yeux s’agitaient en tout sens tentant de croiser le regard de l’un ou l’autre des Scienseurs pour y trouver un quelconque soutien. Mais aucun des trois n’avait daigné lui accorder un peu d’attention tant ils étaient absorbés par la succession des rapports informails. Dag’Aneshir songea aux implications engendrées par cette situation d’insurrection. En un peu plus de quatre vingt seize heures standard, l’Ordo venait d’être soumis à une violente offensive, toute aussi imprévue que dommageable. D’abord la production des molécules de la Fleur de Dieu avait eu à subir les premières attaques, avec l’assaut lancé, ici même sur Technopolis, et qui s’étaient soldées par le vol du patrimoine génétique complet de la Purpurea Llarjjhia ainsi que de son analyse moléculaire et atomique détaillée. Ce qui était visé là, c’était clairement le monopole des Scientistes en matière de production de ces molécules si précieuses, car avec de tels documents, il serait facile au possesseur de reproduire à l’infini quantité de molécules appropriées à différents besoins. Dag’Aneshir observa le Grand Maître de l’Ordo. Arnanda était droit dans son fauteuil-bulle, le menton à peine baissé pour suivre le défilement des images. Ses mains sortaient à intervalles réguliers de son ample vêtement pourpre pour frotter son visage et ses yeux en un geste automatique et lent. A chaque fois que ses mains rejoignaient les plis sombres, il laissait échapper un profond soupir. « Il nous faut sans tarder activer le réseau des Portes. Pour ce vote, je propose que nous nous passions de Saëlani ; l’urgence est bien trop grave, il nous faut des hommes là-bas dans l’heure qui suit ! » Talnek et Jdürger s’arrachèrent à la contemplation passive des écrans et s’arrêtèrent sur Arnanda. Dag’Aneshir retourna lui a l’arrivée des rapports. Sur l’écran du milieu arrivaient les images expédiées par l’Inquisiteur Paznar ; grâce à son neurocom, les images qui imprégnaient sa rétine étaient traduites en messages photoniques et envoyées à leur destinataire par les accélérateurs de particules du Réseau. Malgré la distance considérable qui séparait Technopolis des abords du système de Dach’Kot, les images arrivaient avec un léger différé de 2,5 minutes standards : la navette de transport qui ramenait le Seigneur de Latroce dans ses quartiers, ainsi que toute la délégation de l’Inquisiteur Paznar pénétrait actuellement sur le pont d’embarquement d’un super croiseur. « Je vote pour. Il nous faut châtier ces impies avec la plus extrême sauvagerie ! Regardez quel sort ils réservent à nos Faiseurs d’Ordre. Et puis à la fin qui sont ces clones de combat ? Là regardez, on en voit un ! » Talnek semblait se laisser gagner par l’affolement. Il venait de faire chuter sa coiffe de Suprême Inquisiteur et n’y prêta aucune attention. Son fauteuil-bulle parvenait mal à s’adapter aux nombreux changements de position du Scienseur et à ses bonds désordonnés. « Pour ! Et envoyons sur chaque planète deux unités. Nous n’aurons pas trop de 200 clones de combat pour contenir cette foule. » Jdürger restait calme et pragmatique ; effectivement il faudrait au moins deux cents combattants sur chaque planète, du moins pour les plus populeuses d’entre elles songea Dag’Aneshir. Avec cette nouvelle attaque, c’était cette fois la distribution des précieuses molécules qui était visée. La plupart des centres de distribution était attaquée par des clones de combat et livrée à la foule pour un pillage en règle. La préméditation était cette fois indiscutable autant que l’existence d’un plan d’attaque élaboré et concerté. Le moment choisi pour le déclenchement de ces émeutes était lui aussi significatif : on avait attendu pour agir les Fêtes de la Floraison et les distributions gratuites de la Sainte Cem’hajra qui attiraient auprès des Scientistes une foule venue des quatre coins de l’Imperium ; et ce, afin d’utiliser cette multitude contre l’Ordo. Avec la Formule en libre circulation, et ses centres de distribution détruits, l’Ordo recevait un terrible coup qui risquait de lui être fatal si l’on ne réagissait pas énergiquement. Autre élément qui ne faisait plus de doute pensa Dag’Aneshir, c’était l’implication de hauts dignitaires soit civils, soit militaires car eux seuls pouvaient disposer d’unités de clones de combat. Et le nombre de clones engagés pour une opération d’une telle envergure requérait sinon un poste de commandement important dans l’armée, du moins une alliance de plusieurs hauts dignitaires de la hiérarchie impériale. Et dire qu’il songeait encore il y a quelques minutes, avant que n’arrivent ces rapports alarmants, à une implication de la Diaspora ! « Et toi Ilsaer ? Nous ne t’entendons pas beaucoup. » Jdürger le fixait tandis que Talnek plongeait à nouveau son attention dans l’observation de ses comails. Arnanda imita Jdürger, semblant attendre la réponse. Dag’Aneshir observait distraitement les écrans. Il se mit à se remémorer les événements de la seconde moitié du 83ème siècle, ceux où les clones réformés avaient su gagner à leur cause les clones des Saintes Crèches pour conquérir ensemble leur émancipation et leurs droits d’êtres humains politiques. Même si les Scientistes avaient gardé l’ensemble du patrimoine génétique de l’humanité dans leurs archives ainsi que le monopole de la fabrication des clones, cette liberté qu’il avait fallu accorder sous peine d’embrasement général avait été un rude coup pour l’Ordo, qui perdait en même temps la fidélité de milliards de croyants. A cette époque le mouvement avait été soutenu dans l’ombre par les autres Eglises qui espéraient gagner ainsi des conversions d’hommes et de femmes libres. Qui aujourd’hui pouvait en vouloir ainsi à l’Ordo au point de lancer une telle attaque contre ses fondements, s’interrogea Dag’Aneshir ? Qui manoeuvrait cette populace misérable pour l’instrumentaliser en une formidable source de chaos et d’anarchie ? Car c’était bien cela que détestait Dag’Aneshir ; sa propre nature et sa formation au sein des Saintes Crèches faisaient de lui un être méticuleux, soucieux du détail et hygiéniste jusqu’à la phobie, qui détestait le désordre et par-dessus tout l’insoumission. « Je crois qu’il nous faudra plus de clones que ça –commença Dag’Aneshir. Il respirait calmement, dominant son trouble intérieur- bien plus ! Je souhaite, si vous le permettez, lancer dès à présent les procédures d’émergence pour 2000 clones, afin que nous ayons d’ici 12 heures standards une vingtaine d’unités opérationnelles, fraîchement sorties des Crèches et prêtes à remplacer nos pertes dans les plus brefs délais. » « Est-ce vraiment nécessaire ? Ne disposons nous pas de suffisamment de réserves émergées pour satisfaire à nos besoins ? » Interrogea Jdürger. « Soit vous n’avez pas compris la situation, soit l’affolement vous fait perdre vos moyens Thelios. Ne comprenez vous pas que nous sommes en guerre ? » Dag’Aneshir avait lâché ce dernier mot avec une véhémence qui le surprit lui-même. « Notre ennemi ne nous est pas encore connu mais il s’agit bien d’une guerre ouverte que l’on veut nous livrer. Nous ne nous pouvons pas nous permettre de manquer d’effectifs disponibles et nous ferons émerger des Crèches autant de clones qu’il nous en faudra, au fur et à mesure de l’évolution de la situation. Grand Maître, vous avez mon accord pour activer dès maintenant le réseau des Portes. » Dag’Aneshir fixait les yeux d’Arnanda ; les deux Scienseurs s’observaient mutuellement avec gravité, ignorant les deux autres. Le Grand Maître de l’Ordo activa mentalement le communicateur oral qui permettait d’être en contact avec le Centralcom de Technopolis et de Nef : « Ici le Grand Maître Arnanda. J’ordonne l’activation immédiate des Portes et la mise en alerte de nos troupes d’élites. Programmez les destinations en fonction de l’importance des dégâts déjà enregistrés. » La voix de l’officier de liaison se fit entendre par les hauts parleurs : « Bien reçu Grand Maître Arnanda ! Procédures lancées Scienseur ! » Le Haut parleur se tu quelques secondes pour se réactiver presque aussitôt : « Scienseurs, nous avons là un rapport classé prioritaire niveau 0 en provenance de Sor’Ivanya. Je vous le fais parvenir par vos comails respectifs. » L’écran de gauche s’activa : c’était des images enregistrées depuis la station orbitale qui centralisait l’ensemble des informations recueillies par la couverture satellite de Sor’Ivanya ; on y voyait d’abord un point lumineux, devenant avec une autre résolution une forme humaine, pénétrer dans le Désert des Déserts, puis s’y déplacer d’une manière qui n’avait rien d’humain. Chacun des quatre Scienseurs ne put retenir un cri de stupeur en voyant la forme humaine ingérer la Fleur de Dieu. Tandis que les images passaient du sable du Désert à l’affichage des appareils de mesure dans la station orbitale, la voix du Scienseur-Veilleur Maroud, commandant en chef de la station orbitale se fit entendre : « Scienseurs. Je vous fais parvenir cet enregistrement en code secret. Tous les résultats enregistrés par nos appareils de mesure ont été vérifiés. Il ne peut y avoir d’erreur. Cible actuellement perdue et toujours non identifiée. Demande instructions spéciales dans les plus brefs délais. » Les images montraient très distinctement un jeune garçon émerger d’un tourbillon de poussière, à plus de trente mètres du sol et disparaître après avoir écraser un vol rapide. Cette fois le silence dans la salle était total. Tous paraissaient anéantis, exténués ; les épaules avachies, enfoncés dans leur fauteuil-bulle, ils fixaient, hébétés l’étendue des dégâts. Talnek se risqua à avancer quelques mots qu’il eut toutes les peines du monde à faire sortir de sa bouche : « Mais quel est l’intérêt d’attaquer là-bas ? Que nous veulent-ils encore ? » « Nous éprouver jusqu’à nous jetter à bas de nos temples » lâcha Jdürger, avec une voix plaintive et grinçante. Dag’Aneshir ne parvenait pas à reprendre pied dans la réalité. Ce qu’il venait de voir dépassait son entendement et il avait les plus extrêmes difficultés à récupérer toutes ses facultés mentales. Arnanda lui restait immobile, comme vidé de toute volonté. Jdürger continua : « Ce sont les foudres du Grand Architecte qui s’abattent sur nos temples et nos fidèles pour nous punir de notre manque de foi. Il nous envoie un signe, à nous ses serviteurs : craignez Ma colère et punissez les mécréants qui blasphèment Mon Nom ! » Jdürger était pris d’une terreur mystique qui le faisait trembler de la tête aux pieds, ses yeux roulaient en tout sens, ses mains blêmes se serraient convulsivement et il semblait être sur le point de tomber dans une extase frénétique et furieuse. Dag’Aneshir releva la tête et déclara d’une voix éteinte : « Le doigt de Dieu s’est posé sur Sor’Ivanya et nous sommes aux premières loges pour assister aux remous que cela va provoquer. »
Posted on: Wed, 10 Jul 2013 19:45:54 +0000

Recently Viewed Topics




© 2015