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Faut-il faire un doctorat ? LE MONDE pour Le Monde.fr | 30.03.2011 à 09h05 • Mis à jour le 30.03.2011 à 09h18 | Par Anne Dhoquois Le diplôme de référence dans le monde, cest le doctorat américain, le PHd, pas les ingénieurs, formation sur laquelle sappuyaient beaucoup les entreprises françaises. Or, nous sommes dans une économie de la connaissance; la compétition sopère sur la capacité des entreprises à développer leur innovation et leur recherche. Martine Pretceille, directrice de lIntelliagence et professeur des universités (ex-Association Bernard Grégory), fondée en 1980 pour faciliter lintégration professionnelle des docteurs, est formelle: Ceux qui ont lexpertise pour travailler dans ce domaine, ce sont les docteurs y compris en sciences humaines et sociales. Le saut qualitatif sur le plan cognitif entre un master et un doctorat est incommensurable. UN DIPLÔME RECONNU DANS LE MONDE ENTIER Si la nouvelle physionomie des échanges mondiaux va dans le sens du doctorat, du côté économique les règles changent, mais lentement... 10% est ainsi lun des chiffres clés dune étude publiée en 2010 par le Centre danalyse stratégique sur les docteurs et qui pointe le taux de chômage de ces derniers, pourtant dotés du plus haut grade universitaire. Certes, cette moyenne cache des disparités importantes selon les disciplines, les diplômés en chimie et en sciences humaines étant moins bien lotis que les cursus en informatique ou en sciences de lingénieur. Mais elle nen demeure pas moins un signe, parmi dautres, que les docteurs ne sinsèrent pas si bien que ça sur le marché de lemploi. Du côté de lIntelliagence on tient dabord à souligner que 10% est un chiffre stable; il ny a pas eu daggravation notamment pendant la crise. La raison? Martine Pretceille en voit plusieurs: Le monde universitaire se préoccupait peu dinsertion professionnelle, contrairement aux grandes écoles, mettant laccent sur la formation des esprits avant tout. Cela change car aujourdhui luniversité a lobligation de former à des métiers et de se préoccuper de lemployabilité de ses étudiants. Si on forme des esprits, cest pour quils servent à la société. Mais la question de lemploi des doctorants nen demeure pas moins pertinente. Du reste, à lANRT (Association nationale de la recherche et de la technologie), on ne cherche pas à lesquiver. La réponse, elle, dépend du profil de létudiant et de sa motivation. Pour sengager dans un doctorat, il faut avoir de bonnes raisons et une idée claire quant à son projet professionnel, détaille Denis Randet, son délégué général. Dabord, si la recherche ne vous intéresse pas, autant ne pas sengager dans trois ans détudes supplémentaires. En revanche, si on veut faire carrière dans la recherche publique – 54% des docteurs sont dans ce cas selon létude du Centre danalyse stratégique -, la question ne se pose pas, il faut faire un doctorat même si la certitude dêtre titularisé dans un laboratoire nest pas acquise. Enfin, si on souhaite travailler dans le secteur privé, il faut savoir quon y fait rarement de la recherche tout au long de sa carrière. LÉPINEUX PROBLÈME DU FINANCEMENT Et si cest lentreprise qui vous attire, le dispositif Cifre (conventions industrielles de formation par la recherche) est fait pour vous. Géré par lANRT pour le compte de lEtat, cest lun des outils à la disposition dun doctorant pour financer ses recherches. Il repose en effet sur un partenariat entre le doctorant, une entreprise qui lembauche, et un laboratoire. Le doctorant devient alors un professionnel qui passe les trois premières années de sa carrière à préparer une thèse mais aussi à participer à la vie de lentreprise, explique Denis Randet. Les deux tiers des docteurs Cifre sont engagés par des entreprises à lissue de leur thèse, un tiers dans lentreprise qui les employait, un tiers dans une autre. Le taux de soutenance est remarquablement élevé: 90%. Alors que tous doctorats confondus, le pourcentage dabandon est élevé en France, pas loin de la moitié. La question financière nest donc en rien anodine dans le choix de faire un doctorat. Sur les 66000 jeunes gens à avoir opté pour cette voie, 65% sont du reste financés, essentiellement dans les filières scientifiques. Outre le dispositif Cifre, il existe dautres sources tel le contrat doctoral, mis en place à la rentrée 2009, permettant à létudiant dêtre salarié dune université ou dun laboratoire et de bénéficier dun contrat de trois ans. Raphaël Royer est lun de ses heureux élus et, à 24 ans, après un diplôme dingénieur, entame sa deuxième année de doctorat en ingénierie mécanique à luniversité Bordeaux 1 en percevant un peu plus de 2000 euros par mois: Je me suis engagé dans ce cursus car le diplôme dingénieur, sil est reconnu en France, ne lest pas à létranger contrairement à celui de docteur. Et puis javais envie de faire de la recherche. Le goût mest venu lors dun stage en entreprise effectué dans le cadre de mon école. Jy ai testé la recherche et ça ma plu. Je conseille du reste à ceux qui seraient tentés par un doctorat de faire de même. Jajouterai que je naurai pas fait de doctorat si je navais pas obtenu ce financement. Cela me permet de subvenir à mes besoins mais aussi de faire de la recherche sereinement. Raphaël Royer est par ailleurs membre de lassociation AquiDoc rassemblant les doctorants dAquitaine dont lobjectif est de faire la promotion de ces derniers auprès des entreprises via notamment un forum de recrutement. Et Raphaël de commenter: Les entreprises sintéressent de plus en plus aux docteurs. Notre côte monte, pas assez vite, mais elle monte. DONNER DE LA VISIBILITÉ AUX DOCTORATS Bonne nouvelle: les entreprises embauchent de plus en plus de doctorants pour faire de la recherche mais aussi pour occuper des postes à responsabilités hors recherche. Et pour convaincre encore un peu plus le monde économique, tous les acteurs sy mettent. Il en va ainsi du Medef qui a mené une campagne avec lIntelliagence pour convaincre les employeurs de recruter plus de doctorants. Les docteurs sont souvent considérés comme des “Géo trouvetout” par les recruteurs, avance Hugues-Arnaud Mayer, président de la commission innovation au Medef, également en charge des relations avec lenseignement supérieur. Mais en multipliant les contacts et les partenariats, cette image est en train de changer. Lenjeu, cest de préparer les docteurs à aller vers la création de valeur - mise au point de produits et de services permettant de créer des emplois - alors quils se consacrent souvent uniquement à la création de savoir. En résumé, il faut associer les travaux de recherche à une finalité applicative. Et lun des outils pour y parvenir, cest le Cifre, lenjeu étant détendre son influence. Les grands groupes savent repérer les sujets de recherche moins les PME ; il faut améliorer cette lisibilité: les docteurs représentent un vivier de compétences pour toutes les entreprises!, poursuit Hugues-Arnaud Mayer. Mais pour convaincre, les docteurs ont aussi des efforts à fournir pour se vendre. Cest lopinion de Vincent Mittoux, ingénieur conseil dans une PME et représentant des PME au sein de lIntelliagence: Une thèse est bonne ou mauvaise selon la façon de la présenter. Un docteur qui ne souhaiterait travailler que sur un champ précis sans en sortir ne convaincra pas une entreprise. Cest différent sil met en lumière ses compétences, sa méthodologie de travail, ses capacités à conceptualiser, son aisance avec lécrit, sa pratique de langlais… INGÉNIEUR ET DOCTEUR Pour accroître encore davantage lemployabilité et la visibilité des docteurs, les idées ne manquent pas. Christian Lerminiaux, président de lUniversité de technologie de Troyes et premier vice-président de la Cdefi (Conférence des directeurs décoles françaises dingénieurs) prône ainsi la création dun label spécifique qui sera délivré aux jeunes chercheurs ayant une double compétence: ingénieur et docteur. Une façon de valoriser ce type de profil auprès des entreprises mais aussi de convaincre les bac+5 de poursuivre en thèse. De quoi satisfaire la directrice de lIntelliagence qui ne cache pas pour autant son inquiétude: Pour moi la question faut-il faire un doctorat ne se pose pas. Si on ninvestit pas ce diplôme, léconomie française finira par lâcher et ça serait par ailleurs une perte pour luniversité et la société française. Nous nallons quand même pas nous priver du diplôme le plus prestigieux, qui permet à ceux qui lobtiennent davoir des évolutions de carrière en France et ailleurs bien plus intéressante, et aux entreprises de diversifier leur recrutement. Cet article est issu du hors série du Monde Le Guide des grandes écoles que vous pouvez acheter sur la boutique en ligne du Monde (9,90 euros) Anne Dhoquois Les doctorants sont des spécialistes de linnovation Depuis 2009, de nombreuses actions ont été entreprises pour permettre la revalorisation du doctorat. Les explications dAgnès Florin, professeur à luniversité de Nantes et responsable du collège doctoral Nantes-Atlantique, qui regroupe quelques 1400 doctorants. Pourquoi une entreprise devrait-elle recruter un doctorant? Les doctorants sont des spécialistes de linnovation. Il nest pas possible de soutenir une thèse qui napporte rien de neuf. Quel que soit son parcours, un docteur est dabord quelquun qui a su surmonter des difficultés dans le cadre dun long parcours. Quils étudient les sciences ou les lettres et sciences humaines, ils savent travailler en équipe dans des laboratoires et poser les questions auxquelles on ne sattend pas et qui font avancer le processus. Vous rejetez limage du doctorant éternel étudiant seul face à sa thèse. Aujourdhui en moyenne les thèses dans notre pôle de recherche et denseignement supérieur (PRES) Université Nantes Angers Le Mans durent un peu plus de 4 ans et nous travaillons pour arriver progressivement aux trois ans pour tous, ce qui nest pas loin dêtre le cas dans les disciplines scientifiques alors quon se rapproche plutôt des 5 ans en sciences humaines et sociales. Mais il faut aussi compter avec des personnes en activité auxquelles on donnera plus de temps. Le tout pour 23% des doctorants inscrits depuis 2009 dans le cadre des nouveaux contrats doctoraux qui attestent dune première expérience professionnelle et ouvrent des droits sociaux. Comment savez-vous si un jeune a de bonnes chances de devenir docteur? Légalement nimporte quel étudiant de master peut postuler en doctorat, même si les masters recherche y amènent plus naturellement. A nous de sélectionner ceux qui en auront la capacité. Et là on va privilégier ceux qui se posent des questions, qui proposent des hypothèses nouvelles plutôt que de sappuyer sur des certitudes ou encore ceux qui font preuve dautonomie. Je vais tout de suite mintéresser à un étudiant de master 1 qui vient avec des idées neuves. Mais comment améliorer linsertion professionnelle de doctorants dont les deux tiers vont ensuite chercher un emploi dans le secteur privé? A Nantes, comme dans les autres établissements de notre PRES, nous y travaillons en obligeant par exemple chaque doctorant à suivre 100 heures de formation dont la moitié est disciplinaire et lautre consacrée à linsertion professionnelle (rédaction dun CV, montage dun projet financier, etc.). Avec le soutien de lIntelliagence, nous organisons aussi des Doctoriales dans le cadre desquelles nos doctorants de toutes disciplines travaillent ensemble sur des projets innovants susceptibles dintéresser des entreprises. Nos doctorants peuvent également réaliser une mission complémentaire, dite doctorants expert, pour laquelle ils consacrent 32 jours de travail à une entreprise de la région. Cest un dispositif peu coûteux et très efficace pour quune entreprise et un doctorant apprennent à se connaître. Propos recueillis par Olivier Rollot
Posted on: Sun, 17 Nov 2013 14:58:40 +0000

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