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GALLICA.FR BNF, In RECUEIL DE LA COMMISSION DES ARTS ET MONUMENTS HISTORIQUES DE LA CHARENTE-INFÉRIEURE ET SOCIÉTÉ DARCHÉOLOGIE DE SAINTES, TOME XVIII DE LA COLLECTION LA ROCHELLE 1908-1912 Page 50 à 55 TRAVERSÉE DU PERTUIS BRETON A LA NAGE (Entre lile de Ré et La Pallice). 20 août 1908 Lîle de Ré vient dêtre témoin dun acte de bravoure et dendurance qui ne sétait pas vu depuis près de trois siècles. En 1627, en effet, alors que le maréchal de Toiras, avec le régiment de Champagne, était bloqué dans le fort Saint-Martin de Ré, sur terre et sur mer par larmée anglaise sous les ordres de Buckingham alors que, réduite à toute extrémité, la garnison du fort brûlait ses dernières charges de poudre et mangeait ses dernières rations de famine, trois mousquetaires déterminés se présentèrent au maréchal, se déclarant capables de sortir nuitamment du fort, de traverser les tranchées anglaises et de passer la mer à la nage pour aller informer le roi de la détresse des assiégés. Toiras les agréa et, voyant leur courage, leur confia à chacun la même lettre pour le roi Louis XIII, qui avait alors son quartier général à Laleu près La Rochelle. Pierre Lanier et les deux autres mousquetaires, dont lhistoire ne nous a pas conservé le nom, sortirent donc nuitamment du fort Saint-Martin, franchirent les lignes anglaises et se rendirent en longeant le rivage jusquà la pointe de Sablanceaux, croyant navoir pas été reconnus, mais lalarme avait été donnée au camp ennemi et des chaloupes anglaises avaient été détachées, malgré la nuit, dans la direction des fugitifs. Nos trois braves se jetèrent résolument à la nage, vêtus dun caleçon, portant, en turban, une chemise sur la tête et au cou une chaîne à laquelle pendait une douille en cuivre contenant la lettre de Toiras au roi. Je ne décrirai pas les mille péripéties de cette traversée sensationnelle car elle a déjà été décrite en détails des plus saisissants dans divers ouvrages de lépoque et en particulier dans deux œuvres latines dont la traduction française a paru récemment (1). Je me contenterai de dire ici que cette traversée fut fatale à deux des trois compagnons lun, épuisé, périt malheureuse.- ment, vaincu par le froid, lobscurité de la nuit, le courant et la tempête le deuxième, poursuivi par une ramberge anglaise qui lavait aperçu, ne pouvant lutter de vitesse, fut obligé de se rendre le troisième, Pierre Lanier, natif de Tonneins en Agenois, après avoir lutté contre la tempête, après avoir fait une partie de la traversée entre deux eaux pour dépister les Anglais lancés à sa poursuite, après avoir subi les morsures de divers animaux marins, arriva enfin exténué sur le rivage de Laleu doù il se traîna péniblement jusquaux pieds du roi, à qui il put remettre sa précieuse missive, grâce à laquelle une armée de secours fut immédiatement organisée par Richelieu pour faire lever le siège du fort Saint-Martin de Ré. Le héros de cette aventure était un brave mousquetaire du régiment de Champagne qui avait tout surmonté pour lamour de la patrie. Notre nouveau Pierre Lanier nest pas un soldat déterminé, cest un jeune médecin de Paris, âgé de vingt-huit ans, mesurant 1 mètre 82 de taille, dune force musculaire peu commune et dun courage à lavenant, le docteur Lomon, distingué sportman de la natation. Chez lui, point de désir de sauver sa patrie pour lanimer aucun désir de la renommée, puisque ses confrères et amis, les docteurs Hernette et Atgier, qui désiraient suivre son expérience en bateau, nen ont su ni le jour ni lheure; rien de tout cela, lunique désir dessayer ses forces et son talent de nageur sur mer dans un parcours sérieux comme il lavait fait maintes fois à Paris sur la Seine. La veille, il sétait essayé en nageant de lappontement de Sablanceaux à la jetée de Rivedoux, appréciant hautement lavantage de la nage en mer dont la densité diminue sensiblement plus quen rivière les efforts du nageur. Le 20 août 1908, trouvant le temps favorable à son entreprise, il plongea à huit heures et demie du matin du haut de lappontement de Sablanceaux qui est situé près de la pointe de lîle faisant face au continent. Il avait collationné à sept heures du matin avec deux œufs à la coque, pain et beurre, avait attendu avant de se mettre à leau que la digestion stomacale fut faite. II avait pris la précaution de se faire accompagner par un seul marin, le matelot Jean Michel Gazeau, de Rivedoux, montant le canot à rames la Sainte-Anne. Il mit alors le cap au Nord, cest-à-dire sur la côte de La Repentie (écart de la commune de Laleu) et nagea dans cette direction pendant les deux tiers de son parcours pour ne pas être dérivé vers La Rochelle par le courant de la mer montante, la marée étant ce jour-là à 9 heures 47 du matin. On sait en effet que, dans ces parages, à la marée montante, le courant du Pertuis-Breton se fait sentir comme à lembouchure des fleuves, ce pertuis formant lembouchure de la Sèvre Niortaise. A la marée descendante au contraire, le courant se fait sentir en sens inverse, cest-à-dire du fleuve vers la mer. Myope et astigmate, le docteur Lomon ne quitte pas ses lunettes pour nager, dautre part, pour être moins impressionné par le refroidissement inhérent à une longue traversée, il sétait oint tout le corps dune pommade spéciale… La mer était ce jour-là relativement calme, mais non dun calme plat, sa température était de 18 degrés centigrades au départ, au milieu du pertuis le courant avait fait baisser la, température de leau de plusieurs degrés qui nont pu être calculés exactement. Pendant le trajet, il ne prit aucun stimulant, aucun repos sur le canot suiveur où en faisant la planche il nagea sans discontinuer avec la plus grande aisance, nayant pour tout vêtement quun caleçon en satinette noire. Son parcours ne fut troublé que par des touffes de fucus vesïculosus, varech détaché des profondeurs de la mer et flottant tantôt à la surface de leau au gré des courants, tantôt entre deux eaux, mais ces touffes ne lui causèrent aucun incident fâcheux il nen fut pas ainsi des méduses qui, glissant horizontalement leur masse gluante et leurs tentacules prenantes sous leau, lui causèrent en les frôlant une urtication douloureuse. Le genre de nage employé par le docteur Lomon pendant les deux premiers tiers de la traversée fut la coupe indienne, ou coupe de côte, connue par les sportsmen anglais, qui lont importé des Indes, sous le nom de « Over arm strock, en abrégé lOver. » Ce genre de nage consiste à nager sur le côté droit (ou le côté gauche suivant la convenance du nageur), la face à peu près immergée dans leau. Par un mouvement rythmé de rotation de la tête à gauche, le nageur sort la bouche de leau pour aspirer lair quil refoule ensuite dans leau, la face reprenant sa position première et ainsi de suite. Les mouvements des bras sont les suivants. Le bras droit, à chaque brasse, sétend rapidement en avant et, toujours en extension, se rabat vigoureusement jusquà ce quil soit perpendiculaire à laxe du corps, la main ouverte, les doigts formés, produisant ainsi la poussée du corps en avant ; en refoulant leau on arrière, comme une pagaie. Succédant immédiatement à ce mouvement, le bras gauche sort de leau, décrit un mouvement de rotation darrière en avant et se rabat dans leau quil pénètre vigoureusement en la refoulant le long du corps, la main fermée, longeant la poitrine, le flanc et la cuisse gauche, pour donner lui aussi au corps sa poussée en avant, comme la palette dune hélice. Dans leurs mouvements, les deux bras ne servent donc pas seulement à soutenir la tête au-dessus de leau, comme le fait a lieu dans la nage ordinaire (nage des batraciens), mais aussi à produire la progression du corps en avant. Quant aux membres inférieurs, ils font grosso modo dans leur ensemble le mouvement de deux branches ouvertes de ciseaux que lon referme, mais si on étudie ces mouvements en détail on voit que le membre inférieur droit (le plus immergé si le nageur nage sur le côté droit) refoule leau en arrière avec la région antérieure de la jambe et la région dorsale du pied en se rapprochant vigoureusement de laxe du corps. Le membre inférieur gauche refoule leau avec la région postérieure de la cuisse, de la jambe et la face plantaire du pied, en se rapprochant lui aussi de laxe du corps dans un léger mouvement de rotation de la cuisse produisant, comme le membre inférieur du même côté, une propulsion hélicoïdale. Dans le mouvement du membre inférieur droit, la propulsion du corps se fait donc par une contraction des fléchisseurs de la cuisse sur le tronc, des extenseurs du pied sur la jambe, des extenseurs de la jambe sur la cuisse. Dans le mouvement du membre inférieur gauche, la propulsion se fait par la contraction des extenseurs de la cuisse sur le tronc, tous les segments du membre prenant part à cette contraction sans que le genou fléchisse (2). Les mouvements des membres supérieurs sont alternatifs, ceux des membres inférieurs sont simultanés. Les membres du côté droit ont laction, le supérieur, dune pagaie, linférieur, dune rame ceux du côté gauche ont laction dune hélice. Tel est l « over » ou coupe indienne, genre de nage nécessitant, pour être facile, une grande force musculaire surtout des membres supérieurs, or notre jeune nageur est très vigoureusement doué sous ce rapport. La contraction des muscles des bras et des épaules détermine une saillie musculaire considérable, absence totale chez lui de tissu adipeux, les faisceaux de chaque muscle se comptent sous la peau le biceps et le deltoïde ne le cèdent en volume quau sous-épineux qui est colossal. Arrivé au dernier tiers de son trajet, le docteur Lomon changea de direction et mit le cap sur le port de La Palliée, favorisé dans ce sens par le courant de la marée montante quil avait jusqualors coupé obliquement, pour ne pas céder à son entraînement. En ce point rapproché de la côte du continent, la température de leau étant plus faible que précédemment, ce qui lui fut assez sensible, notre nageur changea son genre de nage et adopta la double coupe indienne (ou Trudgeon du nom de son importateur en Europe) afin de pouvoir mieux lutter contre le refroidissement de la surface du corps, ce genre de nage, plus violent que le précédent, développant une plus grande quantité de calorique. La double coupe indienne ou Trudgeon, consiste dans les mouvements suivants : Chaque membre supérieur fait alternativement le mouvement que fait le bras gauche dans l « Over » décrit plus haut, le torse suivant le mouvement de chaque épaule ; quant à la moitié inférieure du corps, elle agit comme dans lOver, sauf que le mouvement des membres inférieurs est encore plus en hélice, à tel point quà un moment donné le talon droit bien que le plus profond arrive à sortir de leau. Après une heure et quart de nage sans aucun arrêt, le docteur Lomon abordait heureusement à léchelle extérieure de la jetée N. de lavant-port de La Pallice, à neuf heures trois quarts, ayant parcouru en principe les deux kilomètres et demi qui séparent en ligne droite, la pointe de Sablanceaux du port de La Palliée et en réalité trois kilomètres et demi à 4 kilomètres à cause de la bordée quil avait dû tirer vers le Nord pour éviter dêtre entraîné vers lEst par le courant du pertuis. Après cet exploit, le nageur sauta dans le canot suiveur, revint à Sablanceaux, croisa un sous-marin qui effectuait une plongée et après avoir pris terre, fit vingt kilomètres en bicyclette, aller et retour, pour apporter à ses amis, à Saint-Martin, lheureuse réussite de son projet. Ceux-ci sablèrent le Champagne en son honneur, regrettant de navoir pu le suivre en bateau dans les diverses péripéties de cette traversée, doù il était revenu sain et sauf, à part lurtication des méduses et les excoriations causées par les moules fixées au quai de La Pallice. Que le docteur Lomon reçoive donc les chaleureuses félicitations de ses amis et admirateurs pour une bravoure et une endurance qui lui font honneur et que sa modestie rend plus élogieuse encore, en attendant que son ami le docteur Taubé, médecin à Paris également, vienne lan prochain au moins daoût, suivant sa promesse, battre ce record « Ces médecins de Paris ne doutent de rien et sont vraiment incroyables » disait une dame de Saint-Martin, fort judicieusement. Dr ATGIER. (1) La Rhéade ou lîle de Rhé délivrée, poème épique du XVIIe siècle, in-8°br. Siège du fort Saint-Martin, relation historique du XVIIe siècle, in-8°br. (Librairie Eclercy et librairie Berton à Saint-Martin de Ré). (2) Une variante consiste à garder les genoux comme rivés lun à lautre et à ne conserver que le mouvement de la jambe droite, la gauche restant immobile.
Posted on: Sat, 23 Nov 2013 10:47:06 +0000

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