Haiti-Rép. Dominicaine : Menaces à la paix insulaire. Par Edwin - TopicsExpress



          

Haiti-Rép. Dominicaine : Menaces à la paix insulaire. Par Edwin Paraison* Un an après une manifestation similaire, un groupe minoritaire, rassemblant des représentants d’associations de quartier, organisa le 17 Juillet une marche antihaïtienne largement couverte par les mass médias dans la 2e ville de la République Dominicaine, Santiago de los Caballeros, avec le slogan « Nous ici, eux là-bas ». Le prétexte : exiger le rapatriement des sans- papiers et dénoncer les organisations qui leur viennent en aide, notamment le Centre de Formation et d’action sociale agraire (CEFASA) et le Centre Bono, deux ONG de l’Église catholique. La première fois, c’était à la veille de l’installation de l’administration Medina. Maintenant, elle a lieu dans un contexte de sérieux questionnements sur des actes présumés de corruption et de mauvaise conduite par des fonctionnaires influents, y compris d’ un petit parti politique ayant un discours hostile à la présence haïtienne, un allié gênant du gouvernement. Cela se passe aussi, dans un contexte de lutte souterraine, au sein du parti officiel, pour le contrôle réel du pouvoir en tant que garant de la bonne gouvernance. Tenant compte de la fréquence des opérations de rapatriement des compatriotes haïtiens, touchant déjà des milliers de personnes pour cette année, et des cas de violence enregistrés à ces occasions, il est évident que la ou les finalités de la marche sont autres. En outre, il est de notoriété publique que, dans la plupart des cas, les rapatriés retournent en République Dominicaine rapidement et facilement via les mêmes réseaux qui assurent leur pénétration irrégulière. Quand donc aura lieu la marche contre les trafiquants et leurs complices au sein des organes officiels ? Pourtant, la situation est très semblable avec des flux migratoires irréguliers vers l’île voisine de Porto Rico où l’on estime à environ 200 mille le nombre des Dominicains sans-papiers. Ajoutés à ceux qui ont un statut légal- soit environ 68 milles selon le recensement de 2010 – les Dominicains représentent 7,24% de la population portoricaine de moins de 4 millions de personnes. Les données officielles d’une récente enquête des migrants en République Dominicaine de l’Office national des statistiques (sigle ONE en espagnol) estiment à environ 460 mille les immigrants nés en Haïti installés République Dominicaine. Cela correspond à 5,4% de la population. Ces manifestants n’ont pris aucunement en considération la réalité qui touche leurs propres compatriotes, assistés et soutenus à San Juan, entre autres, par le Comité de la Femme dominicaine et le Comité dominicain des droits de l’homme. Par ailleurs, étrangement, ils ont défilé dans une ville caractérisée par la présence de plus de la moitié de la communauté universitaire haïtienne, donnant par ce fait à Santiago le rang de destination académique internationale. Globalement, les universitaires haïtiens génèrent des revenus d’environ 120 millions de dollars par an à la République Dominicaine, dont 70% proviennent des dépenses en biens et services selon une étude réalisée par la Banque centrale. Dans le cas de Santiago, cet apport dynamise l’immobilier, les télécommunications et les transferts de fonds. Il est important de souligner que ladite somme est équivalente à près de 5 fois le montant des exportations de volailles et des œufs de la République Dominicaine vers Haïti. La manifestation, conçue en « défense de la Dominicanité contre l’invasion de millions d’Haïtiens sans papiers » a également servi à attaquer le régime haïtien et, bien sûr apporter un soutien au président de la Junte centrale électorale et au directeur général de l’immigration à propos de leur participation active au processus de dénationalisation qui affecte les Dominicains d’origine haïtienne. Il convient de noter que les flux migratoires sur l’île ont porté des milliers de Dominicains à s’établir en Haïti, dans de nombreux cas avec des familles mixtes et des enfants nés chez nous. Il est quand même surprenant qu’avec cette conceptualisation viscéralement antihaïtienne, cette marche se soit réalisée avec l’autorisation du ministère de l’Intérieur, le bureau du délégué provincial et le département de la police du Cibao Central. Il est également paradoxal qu’elle ait eu comme points de départ et de fermeture la place Duarte et la statue de Gregorio Luperon, deux figures stellaires dominicaines qui ont créé ou ont bénéficié d’alliances avec des secteurs ou des dirigeants haïtiens pour réaliser leurs grandes œuvres politiques. Aucun doute à ce sujet : une clientèle politique malavisée a été mobilisée à des fins spécifiques de la haute politique interne, en utilisant l’antihaïtianisme. C’est la lecture de certains dirigeants amis dominicains. Mais, l’activité étant une sorte d’appel à la haine, essentiellement contraire à l’hospitalité dominicaine et à la tolérance, les dommages collatéraux sont enregistrés à la fois sur le plan binational et sur l’image internationale de la République Dominicaine, y compris pour le tourisme. Évidemment, il y a des secteurs de la société dominicaine ayant des préoccupations objectives sur l’immigration. Ces dernières ont été discutées entre 150 organisations du secteur privé, des syndicats, des églises, et des ONG , aboutissant à un consensus qui a donné lieu au document intitulé « Engagement social et politique pour un nouveau modèle de gestion des migrations ». Ce document a été remis à la présidence de la République Dominicaine lors d’une cérémonie au palais, en mai dernier. Dans son essence, il reprend des recommandations de divers ateliers, conférences et d’études réalisés depuis les actes de violence enregistrés à Hatillo Palma entre Haïtiens et Dominicains en mai 2005 restés sans suivi à ce jour, tout comme la proposition de la Fondation Zile d’un sommet bilatéral sur la migration. L’autorisation officielle répétée à une manifestation publique de cette nature est finalement incompréhensible et inquiétante, car elle tend à torpiller, en faveur de « la rue », le dialogue entamé entre la société civile dominicaine et la présidence/gouvernement sur le sujet ; elle dénature la dominicanité, elle affecte des intérêts dominicains importants et, en dernier lieu, elle représente une menace pour la paix dans île. Particulièrement au milieu d’un différend commercial bilatéral qui a servi d’excuse pour un sondage radiophonique faisant la promotion d’une attaque militaire dominicaine contre Haïti. Quelque chose ne va pas. Il faudrait y voir. …………. *Pretre anglican, ancien diplomate en RD et ancien ministre des Haitiens vivant à l’étranger. Actuellement, directeur exécutif de la Fondation Zile.
Posted on: Sat, 27 Jul 2013 22:36:32 +0000

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