Happy meal Éva était au lit. Son mari dormait à côté. - TopicsExpress



          

Happy meal Éva était au lit. Son mari dormait à côté. Elle ne trouvait pas le sommeil. Tout un tas de pensées bourdonnaient dans son esprit. Ses yeux s’étaient habitués à l’obscurité et elle regardait son époux dormir. Enveloppé dans un sommeil profond et réparateur, ses narines s’ouvraient et se refermaient à allure régulière. Elle auscultait son visage. La bosse sur son nez fin, ses yeux fins, sa bouche charnue entrouverte qui laissait apparaître une dentition jaunie par le café. Elle le trouvait différent, différent du jour où ils s’étaient rencontrés, il y avait déjà dix ans de cela. Dieu merci, pensa Éva, sa fille ne lui ressemblait pas du tout, si bien quelle se demandait si elle ne lavait pas conçue avec un autre. Mais elle savait quelle navait jamais trompé son mari. Elle laimait, il laimait et elle avait simplement du mal à dormir ce soir. Demain, ils allaient recevoir toute leur famille pour passer un dimanche agréable dans le jardin, à manger un barbecue et se raconter de bonnes blagues. Tout le monde sera là, les parents, les grand-parents, les oncles, les cousins, les enfants, les petits enfants... Rien que dy penser, elle sentit une lourde fatigue lui peser sur le corps. Elle sendormait enfin quand elle sentit une présence au pied du lit qui lobservait. La peur la figea sur place. Elle frissonna. Son cœur se mit à battre comme une batterie rock. Son mari, lui, dormait toujours paisiblement. Elle voulut lappeler mais aucun son ne sortit de sa bouche. Dans un effort titanesque, elle se redressa. Quelqu’un était assis au bord du lit. La silhouette remua, et le faible rayon de lune qui passait par la fenêtre lui éclaira le visage. Éva cligna des yeux à plusieurs reprises. Ronald McDonald lui souriait de sa large bouche peinturlurée de rouge. — Mais ! — Chhhut, ne dis rien ! Tu vas réveiller ton mari. Éva entendit la voix enjouée de Ronald dans sa tête. — Nouvre pas la bouche, pense et je tentends, dit-il dun sourire tranchant. — Je suis en train de rêver ? — Non, pas du tout. Cest on ne peut plus réel ! — Cest fou ! — Pas tant que ça, crois-moi ! — Mais que fais-tu ici ? — Je suis venu réaliser tous tes souhaits. Je rends visite aux femmes qui ont sacrifié leur vie au dépend de leur carrière, dun époux, dun enfant, qui ont laissé de côté leur vie et leurs rêves. Je viens pour redresser les torts. Et je ne me déplace que tard le soir quand tout le monde dort, et si une femme a ce petit truc en plus que les autres nont pas, eh bien, je le ressens et je viens à elle, pour réaliser ses souhaits les plus profonds, les plus chers. Hé hé hé hé, tu es une veinarde ! — Réaliser mes souhaits ? — Oui, Éva ! Tu as usé ta vie pour les autres ! Il est temps de penser à toi. On va effacer tout ça et refaire comme tu veux que ce soit. — Comme je veux ? Effacer ? — Oui, il suffit que tu me dises, comment tu veux que ta vie soit et demain matin en te réveillant, ça se réalisera. Éva jeta un regard circulaire sur la chambre. Tout était à sa place. La photo de mariage sur le mur, la bibliothèque remplie de livres, le réveil sur la commode, le rideau mal fermé, le torse de son mari qui montait et redescendait, dormant paisiblement. — Vraiment tout ? demanda Éva. Ronald se contenta de sourire et de hocher la tête au ralenti. — Alors, je veux revenir à mes vingt ans. — Hmmm... Ok. — Ne pas rencontrer Gontran, mon mari, et ne jamais me marier avec. Adieu Gontran. — Ok ! — Ne jamais avoir denfants. Donc effacer la naissance de Daphnée. Bye bye ! Juste en émettant ses souhaits, Eva sentait une nouvelle sève lui couler dans les veines. Quelque chose de chaud et puissant lui soulevait la poitrine. — Et je ne veux pas avoir les parents que jai eus. Ni les frères et sœurs. On efface ! — Très bien, je note. — Je veux être née aux Etats-Unis, en Californie dans une riche famille, être une fille unique. Avec un talent artistique. Oui une écrivaine de génie, dans la veine de Dostoïevski et tout le tralala. Et je veux pas être mariée ! Je veux que des hommes grands, bruns, ténébreux, musclés, avec de grosses bites, gravitent autour de moi, mais jen veux beaucoup parce que je me lasse très vite. Je veux être belle, trop belle. Je veux tordre les boyaux de tous ceux qui poseront les yeux sur moi, tant les hommes que les femmes... — Pas de soucis, Éva. Tout ce que tu désires. Éva réfléchit encore, mais plus rien ne lui vint à lesprit. Elle était toute excitée, humide, en chaleur. — Voilà Ronald, je ne peux demander plus. Après je me débrouillerai. — Ok donc, on fait disparaître tout cette vie de merde, les parents, la famille, le mari, la gosse et hop... On recommence depuis le début... — Oui, dit Éva en faisant un geste du revers de la main tout en regardant son mari dormir. Elle se sentait installée dans une machine à remonter le temps et elle s’apprêtait à décoller à tout moment. Ronald sortit une pilule verte de sa poche et la lui tendit. — Je sais que tu ne pourras fermer l’œil de la nuit sans aide, tant tu es excitée par ce qui tattends. Alors gobe ça et fais un gros dodo. Éva souriante, obéissante, goba la pilule sans eau. — Merci Ronald, cerise sur la gâteau, grâce à toi je naurais plus à me forcer à sourire et être aimable devant tout ces connards, et ces gosses mal torchés, et ces vieux pervers qui ne veulent pas mourir... Ronald McdDonald avait disparu. Elle se recoucha et monta la couverture jusquaux yeux. Elle se tourna sur le flanc et observa son mari, ses grosses narines qui gonflaient et dégonflaient, remplies de poils hirsutes. Elle les voyait pour la dernière fois. Ça lui fit chaud au cœur... Puis elle sendormit. Éva se réveilla avec une migraine passible. Rien navait changé. Son mari la baisa à froid au réveil. Puis elle prépara le petit-déjeuner et ils se retrouvèrent tous à table. Après le déjeuner, le couple sattela à préparer la maison pour la réunion de famille. Dans l’après-midi, les voitures arrivèrent une à une. Les embrassades, les accolades, les gâteaux, les gratins et les pâtes des grandes mamans recouverts dune feuille d’aluminium qui s’entassaient dans la cuisine. Les enfants qui éclaboussaient les vieux en plongeant habillés dans la piscine, et les rires, les souvenirs, et les rayons du soleil qui réchauffaient leurs cœurs, et Éva aigrie dans un coin à compter combien de chipolatas il restait, tout en maudissant McDonald, et se jurant quelle ny mettrait plus jamais les pieds. Puis on sonna à la porte. On nattendait plus personne et Gontran, joyeux comme jamais, se rendit à la porte. Un type souriant lui tendit un paquet en recommandé au nom de sa femme. Éva vint signer le paquet et le prit. Elle louvrit accompagnée de son mari, dans la cuisine. C’était une cassette vidéo, sur létiquette était écrit : « De la part de ce bon Ronald McDonald, à regarder en famille absolument. » Gontran amusé par ce paquet se saisit de la cassette et ameuta sa tribu. On fit chauffer du pop-corn, et on se prépara à regarder un film. On ferma les rideaux du salon. Gontran appuya sur lecture. L’écran sursauta et une image sombre apparut. Éva se tenait en retrait. Près de la porte dentrée. Gontran reconnut leur chambre, vue dun angle étrange. Il se voyait dormir. Éva, elle, se tenait assise contre la tête du lit. Il ny avait pas de son. Éva était en panique, mais restait calme tout de même. Sur la vidéo, Gontran voyait sa femme qui se comportait comme si elle était en présence dune personne. Un cousin du côté de la famille d’Éva se leva et trifouilla un peu derrière la télé, toucha la peritel, et la voix suave dÉva se déversa dans le salon. Éva profita de l’étonnement général pour quitter la maison, et une fois dans la rue, elle se mit à courir, à cavaler, pieds nus, tout en se disant : « Merci, espèce denfoiré de Ronald McDonald, merci, merci » pensait-elle les larmes aux yeux. Elle sentait le contact chaud et dur du trottoir chauffé par le soleil couchant sur la plante de ses pieds. La respiration saccadée, la bouche sèche, elle courait, courait sans se retourner à en perdre haleine...
Posted on: Tue, 22 Oct 2013 23:16:54 +0000

Trending Topics



Recently Viewed Topics




© 2015