Ibrahima Boiro, ministre de l’environnement et des forêts : « - TopicsExpress



          

Ibrahima Boiro, ministre de l’environnement et des forêts : « Il faut nécessairement que la population guinéenne sache que nous courrons un gros danger… » Cinq mois après sa nomination au poste de ministre de l’environnement, des eaux et forêts, le professeur Ibrahima Boiro a, pour la première fois, accepté de se livrer à un organe de presse. En effet, dans une interview exclusive accordée à votre quotidien Guinéenews©, l’ex-directeur du centre d’études et de recherches en environnement (CERE) s’est, pendant plus d’une heure d’horloge, confié à la rédaction de votre quotidien en ligne. La gestion de son département, les chantiers déjà réalisés, les perspectives et plusieurs autres sujets, tout y est passé aux peignes fins. L’époux de l’ex-directrice générale du trésor public a également accepté de briser le silence sur l’assassinat de celle qui fût, pendant quarante ans, sa compagne et confidente, Hadja Aïssata Boiro. Lisez la première partie de cette longue interview ! Guinéenews© : Monsieur le ministre merci de nous recevoir pour cet entretien. Cela fait un peu plus de cinq mois que vous êtes à la tête de ce département. On sait que vous êtes un spécialiste en la matière, certains même disent que vous êtes l’homme qu’il faut à la place où vous êtes. D’ailleurs, vous êtes encore Directeur général du CERE, est-ce que vous confirmez cela ? Ibrahima Boiro :Non, je ne suis plus Directeur Général du CERE. Mon adjoint, le ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique a bien voulu le mettre à ma place. Mais je continue à donner les cours. J’ai donné ces cours pendant 43 ans, ce n’est pas maintenant que je vais arrêter. De toutes les façons, j’ai des rapports particuliers avec mes étudiants. Si je n’y vais pas, ils viendront me chercher. Guinéenews© : ous étiez à la tête du CERE quand le président de la République vous a fait appel pour diriger le département de l’environnement. On suppose qu’avant de vous nommer, il vous a consulté. C’est, sûrement, à la suite de cela que vous avez accepté votre nomination. L’on aimerait tout de même savoir la mission de votre département. Ibrahima Boiro : Je dois vous dire, de manière institutionnelle, le ministère de l’Environnement et des Eaux et Forêts a pour mission de concevoir et de mettre en œuvre la politique du gouvernement dans les domaines de la sauvegarde de l’environnement, la gestion rationnelle des ressources naturelles et l’amélioration du cadre de vie des populations dans une perspective de développement durable. C’est ça la finalité. A ce titre, il est chargé entre autres, d’assurer l’information, la sensibilisation et l’éducation des citoyens en vue de leur participation à la gestion durable de l’environnement. Pour ce faire, il faut nécessairement pratiquer une approche participative qui assure la protection de l’environnement contre toutes les formes de dégradation avec l’ensemble de la population et des partenaires au développement et qui intègre la dimension préservation dans les programmes et projets de développement. Voilà ramassée la mission institutionnelle du Département. Pour se faire, Il faut nécessairement pratiquer une approche participative qui assure la protection de l’environnement contre toutes les formes de dégradation avec l’ensemble de la population et des partenaires au développement et qui intègre la dimension préservation dans les programmes et projets de développement. Voilà ramassé la mission institutionnelle du Département. Guinéenews© : Et quel était l’état des lieux à votre prise de fonction? Ibrahima Boiro : Je dois vous le dire sans complaisance, à ma prise de fonction, il y a de cela 5 mois, j’ai rencontré tour à tour les différents responsables des services parce qu’il fallait faire le tour de la maison et avoir une idée plus ou moins nette de l’état des lieux. Pour cela, j’ai effectué une visite dans tous les services centraux du Département. Ce qui m’a permis de faire un premier constat, constat que je suis en train d’approfondir au fur et à mesure. Ça, c’est au terme de ma première visite et j’en ferai également d’autres. Le constat est qu’il y a l’existence d’une multitude de services avec des interventions isolées entraînant des conflits de compétences qui ne permettent pas au Département de réaliser pleinement sa mission. Il y a de la redondance dans les attributions des services et naturellement des conflits de compétences entre les directions nationales, les directions générales et autres divisions. Guinéenews© : Pourriez-vous nous donner un exemple ? Ibrahima Boiro : D’abord, géographiquement, on est disséminé à travers la ville. Le cabinet est, là, à Coléah, une partie du service se trouve en face de l’ENAM (Ecole nationale des arts et métiers, ndlr) et un troisième groupe se trouve au bord de la mer (à Kaloum), en face du Ministère de l’Agriculture. Là, il y a toutes les directions nationales. Ici, c’est le Cabinet et certains services techniques. Ceci fait que la dynamique individuelle et de complémentarité entre les services est difficile. J’ai initié un Conseil de cabinet hebdomadaire au cours duquel nous essayons de lutter contre les faits négatifs de cette dispersion ou au moins de les amoindrir. A l’occasion de ce conseil, nous partageons les informations et des instructions sont données en même temps pour tout le monde. Ensuite, il y a le manque d’infrastructures et d’équipements de travail. Là, il fallait effectivement s’y attendre, c’est extrêmement criard, sans compter que, non seulement il en manque mais, également l’entretien n’y est pas. Souvent, je dis aux cadres que quand on fixe un climatiseur par exemple, ce climatiseur doit être nettoyé tous les six mois. On n’a pas besoin que l’Etat intervienne. C’est celui qui profite de la fraîcheur qui sort de ce climatiseur qui doit veiller à ce qu’il fonctionne longtemps, cela en l’entretenant régulièrement. Ça paraît être des détails mais, c’est illustratif du sort généralement réservé aux équipements. Le deuxième constat le plus amer a été fait lors de mes visites de terrain dans la ville de Conakry et dans les préfectures de Kankan, Siguiri, Gueckédou, Faranah, Labé, Mamou, Dalaba, Boké, Koundara. Ces constats se résument en ceci : l’occupation illégale et anarchique du domaine public maritime, l’agression des forêts urbaines classées et périurbaines, l’installation de certaines industries dans des zones résidentielles provoquant des nuisances sonores, la dégradation avancée des parcs nationaux, la forte incursion dans les forêts classées, le braconnage dans les parcs et réserves naturelles où les animaux sauvages trouvent un refuge sécurisant,selon les normes qui régissent tout parc naturel. En effet, ces parcs sont faits pour que les animaux puissent trouver un espace où se reproduire ; mais quand on vient les chasser à l’intérieur du parc, on déroge là aux notions fondamentales d’une réserve naturelle. Certaines infrastructures des parcs ont été cannibalisées. A Kankan par exemple, quand je suis passé, c’était extrêmement désolant de voir la base vie de Bérékina servant de bureau à la Station forestière d’alors, dans un état piteux. Ces phénomènes ont pour cause l’insuffisance notoire de surveillance de forêts et parcs, la prolifération des tronçonneuses laquelle est un vrai fléau national. Guinéenews© : Donc l’importation de ces tronçonneuses est une atteinte grave à l’environnement ? Ibrahima Boiro : C’est une atteinte grave à l’environnement ainsi qu’à notre patrimoine forestier, parce que les tronçonneuses, avec les mains qui les manipulent, s’attaquent aux meilleurs arbres, aux meilleures essences végétales et les espèces menacées d’extinction ne sont pas épargnées. Aujourd’hui, à cause des conditions faciles d’acquisition, le bois constitue une bonne marchandise pour les exploitants. De même, l’accentuation de la carbonisation, c’est-à-dire la production du charbon de bois, la coupe illicite, anarchique et frauduleuse du bois à but commercial, la prolifération des fours à briques le long des cours d’eau (le Milo en est un exemple à Kankan), la persistance des feux de brousse, les mauvaises pratiques en matière d’exploitations minières, l’insalubrité des centres urbains et j’en passe, constituent également une atteinte à l’environnement. Guinéenews© : Alors, la gestion des déchets domestiques relève-t-elle du ministère de l’environnement ou du Gouvernorat de Conakry ? Ibrahima Boiro : Les rôles sont partagés et complémentaires. La gestion relève du Ministère de l’Administration du territoire quand il s’agit de pré-collecter, collecter et transférer les ordures. Une fois que ces ordures sont amassées dans les décharges, nous intervenons à notre tour. C’est à ce stade que nous intervenons pour les traiter parce que, nous sommes un Département technique. Voilà un peu le mécanisme. Guinéenews© : Le constat est vraiment très alarmant. Quelles sont les solutions que vous envisagez aujourd’hui, monsieur le ministre ? Ibrahima Boiro : Il y a deux types de solutions : celle qui est immédiate parce que pour certains aspects, il y a le feu en la demeure et d’autres à moyen et long termes. Pour ce qui est du court et moyen terme, face à ce constat, comme vous le dites pas assez reluisant, nous envisageons entre autres les mesures suivantes : la restructuration du ministère pour assurer une meilleure coordination entre les Services pour plus de synergie et d’efficacité ; trop de Directions nationales, trop de Directions générales. Monsieur le président de la République a accepté le projet de décret que je lui ai soumis et il l’a signé. La construction d’un bloc administratif ici à Coléah pour un bâtiment de trois étages fait partie de nos priorités. Guinéenews© : La construction a-t-elle commencé ? Ibrahima Boiro : Elle n’a pas commencé mais, j’ai fait déjà un projet. Ce bâtiment devra être construit parce que, sa construction se pose en termes d’urgence. Guinéenews© : Ça sera donc un grand chantier puisqu’à Conakry, toutes les corniches sont pratiquement occupées ? Ibrahima Boiro : EElles sont occupées avec des bâtiments à deux, trois ou cinq étages ; la ville étouffe. La récupération du domaine publique maritime sera assurément le parcours du combattant mais il faudra la réussir ne serait que pour les générations futures. Il faut que notre capitale ressemble aux autres villes où les domaines publics maritimes sont épargnés parce que, relevant du domaine public. C’est un patrimoine qui appartient à tout le monde ; ça plairait aux enfants d’aller jouer à la plage ou bien aux vieux pendant leur vieillesse d’aller se promener le long de l’océan, les matins. Guinéenews© : Cela veut dire que l’accès à la mer et à la plage est un droit pour tout habitant de Conakry ? Ibrahima Boiro : C’est un droit pour tout habitant de Conakry. Alors quand quelqu’un construit le long de nos côtes, il s’approprie ainsi ce qui appartient à tout le monde ; parce que, lui, du haut de son bâtiment, il recevra la brise marine. Autre solution que j’ai envisagée, c’est l’application stricte de l’arrêté interdisant la coupe de bois. La coupe abusive de bois et son exportation hors de nos frontières constituent aujourd’hui un fléau national. Guinéenews© : Pourquoi c’est un fléau ? Ibrahima Boiro : C’est un problème en ce sens que selon la monographie biologique de la Guinée (1997), les différents types de formations forestières que nous avons couvrent 13 189 000 ha soit 53,63 du territoire national, Ces formations comprennent 250 000 ha de mangroves, 700 000 ha de forêts dense humide, 1 600 000 ha de forêts denses sèche et forêt claire et 10 639 000 ha de savane boisée. Donc, la Guinée est essentiellement un pays de savane. En terme d’évolution végétale, après la savane on a le Sahel. A ce rythme de coupe de bois et de pratiques culturales agricoles, notre pays est menacé de sahélisation. On risque de devenir un pays Sahélien parce qu’on coupe abusivement, anarchiquement et sans discernement nos arbres et nos forêts. Je vous ai parlé du fléau que représentent les tronçonneuses. On coupe le bois et on le coupe à but d’exportation et à but commercial ; on en fait une marchandise à l’échelle nationale. Or, à l’image des domaines publics maritimes, cette savane boisée et ces ressources forestières appartiennent à tout le monde. Nous les avons héritées de nos parents et arrières grands-parents. La raison veut que nous les préservions au profit de nos enfants et de nos petits-enfants. Quand je prenais service à la tête de ce Département, il y avait déjà un arrêté qui avait été pris par le Premier ministre sur instruction de Monsieur le président de la République et parce que le président estimait que la situation était extrêmement grave, et il avait raison à l’époque. Cet arrêté pris en son temps est encore aujourd’hui d’une grande pertinence. Ça c’était le 31 décembre 2010. Et je me suis attelé quotidiennement à son application. Mais son application pose des problèmes. Il y a 130 mille m3 de bois qui sont là disséminés dans la ville de Conakry et à l’intérieur du pays. Une quantité de ce volume se trouve dans près de 2000 conteneurs prêts à l’exportation. Ensuite, il y a des madriers qui se retrouvent dans nos brousses, et qui sont disséminés le long de nos routes, pour ceux qui voyagent à l’intérieur du pays. Ce bois devrait être exporté parce que c’est une marchandise qui est très convoitée. Les asiatiques raffolent de nos bois. Un mètre cube de bois vaut à peu près 7600 de nos francs à l’exportation. Le même bois quand on l’exporte, il vaut 750 dollars. C’est ce qui fait que tout le monde coupe du bois, ils sont nombreux aujourd’hui à posséder des tronçonneuses. Face à cette anarchique, sauvage coupe de bois, il y a des risques que cette savane et cette forêt disparaissent. Avec la disparition de ces ressources forestières, c’est en même temps nos cours d’eau qui tarissent, vous savez bien que nous sommes le château d’eau de l’Afrique puisque nous abritons à peu près 1163 cours d’eau. Ces cours d’eau sont entrain de tarir sous l’action de la coupe abusive et anarchique du bois. On n’épargne aucun espace boisé le long des cours d’eau et c’est extrêmement nocif. Et nous nous sommes dit, le facteur qui motive les gens à couper c’est l’exportation parce que c’est une source de devise. Vous savez, des gens qui, à un moment donné creusaient du diamant aujourd’hui sont devenus des coupeurs de bois parce que, ça rapporte fort et immédiatement. C’est un peu comme la drogue si vous voulez. En arrêtant l’exportation et en nous limitant seulement au marché local, on pourrait freiner cette coupe de bois. On pourrait freiner cette coupe de bois parce que nous veillons à l’application rigoureuse de la mesure d’interdiction de l’exportation du bois. Pour les propriétaires des 130 000 m3 de bois dont je vous parlais plus haut, les madriers coupés leur appartiennent. C’est pour eux et on ne va pas les en exproprier, mais qu’ils acceptent d’alimenter le marché local du bois. Nous avons des menuisiers qui font bien leur travail, des ébénistes également. Nous avons mené des enquêtes à tous les niveaux, des enquêtes sommaires menées sur l’ensemble du pays pour évaluer les besoins en consommation de bois d’œuvre et ça donné un besoin de 260 000 m3 par an. Ce qui signifie que les besoins à l’échelle nationale sont supérieurs au stock de bois promus initialement à l’exportation. Ces chiffres viennent ainsi justifier l’arrêté de 2010 interdisant l’exportation, le marché local n’étant pas alors suffisamment alimenté. Donc, il faut arrêter cette coupe abusive de bois et pour ce faire, nous avons au niveau du Département ici une brigade de la gendarmerie qu’on appelle ‘’Gendarmerie verte’’ que nous envoyons de temps en temps dans les préfectures pour lutter contre ces coupeurs de bois et en même temps saisir les tronçonneuses conformément au Code forestier. Mais si d’aventure ils rencontrent des camions chargés de bois, ils doivent arrêter ces camions et confisquer le bois. Cette brigade de gendarmerie va bientôt être relayée par nos gardes forestiers qui viennent de terminer leur formation commune de base et leur formation technique. Guinéenews© : Vous avez parlé tout à l’heure de la saisie des tronçonneuses. Il se trouve que la plus part des travailleurs de ce département ont au moins une tronçonneuse. La tâche ne devient-elle pas plus difficile monsieur le ministre ? Ibrahima Boiro : Ce n’est pas avéré mais c’est sûr que toutes les enquêtes menées par cette gendarmerie montrent que beaucoup de fonctionnaires qui sont ici à Conakry ont leurs tronçonneuses dans leurs préfectures, il y en a même certains commerçants, les néo-commerçants qui sont allés jusqu’à s’endetter au niveau des banques locales pour se faire de l’argent, et même en hypothéquant leurs maisons pour acheter des tronçonneuses, et couper du bois. Donc, l’arrêt seulement de l’importation ne suffit pas, il faut prendre d’autres mesures conservatoires. Ces mesures conservatoires consistent à former des gardes forestiers. On en a formé déjà 547 et 50 formateurs pour devenir des gardes forestiers. Il y a également 1450 qui sont en formation au camp militaire Soundjata Kéita. Ce qui fera au total 2000 gardes forestiers qu’on va dispatcher dans les préfectures, les forêts classées, les Parcs et réserves où ils vont essayer de lutter contre cette coupe de bois pour ne pas réalimenter le stock des 130 000 m3 quand on l’aura totalement évacué. Mais ça ne suffit pas, monsieur Lamah parce qu’on ne peut pas mettre à côté de chaque arbre un garde forestier, il faut nécessairement que la population guinéenne sache que nous courrons un gros danger et qu’elle s’implique dans la préservation de nos ressources. S’agissant de ces ressources naturelles, en continuant de les brader, de les gérer de cette manière, il va s’en dire que nous courrons tout droit dans le mur. Et on sait bien ce qui est arrivé à la forêt de Taȉ en Côte d’Ivoire. Des pays comme le Mali, le Sénégal ont aussi abrité leur savane pour ne pas dire leur forêt dense mais c’est parce que des précautions n’ont pas été prises qu’on les appelle aujourd’hui ‘’Pays du Sahel’’ et il faut qu’on évite cela à notre beau pays. Guinéenews© : Il faut qu’on évite ça vous dites monsieur le ministre. C’est donc pour ces raisons que vous avez associé les chasseurs traditionnels communément appelés Donzo… Cela a été très mal perçu par les citoyens parce qu’on sait que ces Donzo ont une triste réputation. Qu’est-ce qui vous a motivé monsieur le ministre à faire appel à ces Donzo ? Ibrahima Boiro : Non ! Je n’ai pas fait appel à ces Donzo. Non ! C’est encore de la désinformation. Lors de ma tournée, je vous ai indiqué que j’ai été en Haute Guinée notamment à Siguiri, à Kankan et je suis passé à Tokounou qui est l’un des bastions de ces Donzo, je suis parti à Gueckédou, à Faranah dans la forêt de la Mafou, où se trouve le Centre de Conservation des Chimpanzés à Somoriah. Quand je vais dans ces lieux, je rencontre nécessairement des Donzo parce que c’est leur espace naturel, ce sont les utilisateurs des ressources naturelles par excellence. Guinéenews© : Ils sont réputés entre griffe d’être les propriétaires terriens de ces zones. Ibrahima Boiro : Non, ils sont là, les chasseurs comme leur nom le dit, ils s’occupent de la faune sauvage mais il n’y a pas de faune sauvage s’il n’y a pas de forêt préservée. A Faranah par exemple, ça été assez épique, pittoresque, ils m’ont reçu ; ils étaient nombreux, les Donzos ; ils étaient ce jour-là une cinquantaine. J’avais le gouverneur de Faranah qui était à mes côtés ainsi que le préfet. Leur chef qui était là devant moi m’a dit que face au ministre des Eaux et Forêts, qu’il lui devait d’abdiquer et que je suis désormais le chef des Donzos parce que naturellement je suis un allié des Donzos. J’étais content et je leur ai dit ceci : « la forêt de Mafou est truffée aujourd’hui de tronçonneuses, on coupe ses arbres et vous voyez aujourd’hui des camions chargés et passés sous vos yeux. Vous, ce que vous faites-là le métier de chasseur, vous le tirer de vos parents et de vos arrières grands parents, c’est toute une tradition. On ne peut conserver cette tradition que si vous avez la forêt à vos côtés,avec vous et quotidiennement. Vos parents qui vous ont passé les recettes que vous avez aujourd’hui, eux ils avaient compris qu’ils ne pouvaient être de vrais Donzo que si et seulement si la forêt est préservée, et vous, à votre temps, le temps de votre génération, vous laissez détruire cette forêt et puis, après il n’y aura plus de Donzo quand il n’y aura plus de forêt et d’animaux. Donc, prenez soin de cette forêt qui vous appartient. Si j’ose parler comme ça, je vous confie votre forêt. » Ils en étaient heureux. C’est ce discours que j’ai tenu également à Tokounou, le même que j’ai tenu à Kankan et à Siguiri. Voilà mes rapports avec les Donzos, ils sont plutôt des rapports harmonieux et d’intérêt commun. Je me bats à préserver la forêt et eux ils ont intérêt à ce qu’elle soit protégée. Guinéenews© : Monsieur le ministre, parlons également des compagnies minières. Puisque, ces compagnies polluent la nature avec toutes les exploitations qu’elles font aujourd’hui. Quels sont aujourd’hui vos rapports avec ces compagnies minières monsieur le ministre ? Ibrahima Boiro : Quand je suis arrivé, j’ai demandé à rencontrer tous les responsables miniers. Je leur ai d’abord passé ce message à savoir : j’ai envie de faire d’eux des partenaires parce qu’ils sont réputés être des prédateurs de la nature, parce qu’ils ont besoin des minéraux et ces minéraux se trouvent dans le sous-sol, et avant d’atteindre le sous-sol, il faut auparavant décaper systématiquement, enlever toute la végétation qui est en surface. Donc, le couvert végétal s’en va, mais nos ressources minières il faut aussi les exploiter. Ce qui veut dire qu’il faut trouver là un partenariat gagnant-gagnant, assez responsable où on préserverait leurs intérêts mais également les intérêts du Département bien entendu qui consiste à préserver les ressources forestières. Moi, je les vois en partenaires et non en ennemi. Et je crois que ce discours est bien passé. Par la suite, je suis parti à Siguiri où se trouve la SAG à Koron. Pourquoi je suis parti à la SAG ? Parce que j’avais entendu dire que l’un des véritables prédateurs des ressources forestières c’était la SAG. Donc, j’ai préféré commencer là. Je suis donc parti à la SAG et qu’il y avait aussi un problème de Cyanure qu’on retrouvait dans tous les cours d’eau à Siguiri. Je suis parti et j’ai touché du doigt cette réalité, in situ, pour ne pas me contenter uniquement de ce que je lisais et de ce que beaucoup me disaient. J’ai été très bien reçu par cette compagnie, je dis bien reçu parce qu’on ne m’a fermé aucune porte et on ne m’a rien caché. Et de l’œil d’environnementaliste, j’ai tenu à aller en profondeur. Mais voilà plutôt une société normée où les cadres guinéens compétents sont mis en avant et respectés à la fois. Et à la SAG pour avoir l’or, vous êtes obligés de creuser à 70 mètres de profondeur. Quand une mine est épuisée, ils la remblayent. J’ai vu deux exemples où ils ont remblayé. Après avoir remblayé, ils y mettent de l’engrais et ils appellent les paysans à y cultiver du maïs qui donne mieux dans ces endroits-là que dans leurs propres champs. J’en ai vu. Egalement, je suis passé là où on traite, au premier traitement, cette terre qui va finalement livrer l’or. C’est à coûp de cyanure que ça se fait, comment le traitement se fait au cyanure. Le cyanure y était effectivement un problème. A notre passage, visiblement des gros efforts de réduction de la pollution par le cyanure ont été déployés par cette entreprise pour minimiser l’impact de l’utilisation de ce produit chimique par la SAG. C’est techniquement maîtrisé au point qu’ils sont même en collaboration avec les administrateurs des normes iso. J’ai dit finalement le jour du débriefing : « Vous, à la SAG ici, vous faites mal votre communication parce que vous avez une image calamiteuse, en terme de préservation de l’environnement, or vous fournissez énormément d’efforts » Comme pour continuer de m’accompagner dans cet effort, le Directeur de me dire : la SAG est représenté en Afrique du Sud – je crois en Tanzanie et ailleurs – mais c’est en Guinée qu’ils ont envie de faire leur base la plus importante. Ils ont cette ambition. Guinéenews© : Ils ont intérêt ? Ibrahima Boiro : A m’entendre tenir ces propos bienfaisant à l’égard de la SAG, on va dira tout de suite que la SAG m’a mis beaucoup de dollars en poche avant que je ne quitte Koron. Alors pas du tout. Ce que je pense du point de vue de la restauration des espaces qui ont été dégradés en terme de décapage, de destruction de la couche végétale, je crois que c’est un exemple d’entreprise qui se soucie de la restauration des espaces qui ont été dégradés. Et j’ai envie de montrer cette société en exemple pour que les autres compagnies s’en inspirent. Et ce message je le passerai une fois que j’irai en Guinée Forestière et là où officie Rio Tinto et les autres. Et à Forécariah où il y a Bellzone. Guinéenews© : Monsieur le ministre pouvez-vous nous parler de la gestion des ordures ménagères ici à Conakry. On fait l’amalgame et on se dit que c’est le ministère de l’environnement qui doit gérer ce dossier. Certains avancent même que le ministère de l’environnement ne fait pas grand-chose pour assainir la ville de Conakry. Tout à l’heure vous parliez du ministère de l’Administration du territoire, donc du gouvernorat de Conakry. Comment devrait être, en principe, monsieur le ministre, la collaboration entre vous, le Gouvernorat et le ministère de l’administration ? Ibrahima Boiro : Il ne faut pas se mettre le voile sur la figure. Je crois qu’il faut oser dire les choses telles qu’elles se présentent. C’est vrai ! C’est clair que Conakry est sale : la ville est sale, nos rues sont jonchées d’ordures, nos quartiers ploient sous les dépôts d’ordures, nos caniveaux sont transformés en dépotoirs. Et ce phénomène, il est extrêmement alarmant. Des simulations montrent qu’à Conakry ici, en moyenne, chacun de nous produit 0,7 Kg de déchets domestiques par jour. Le gouverneur de Conakry, je l’ai reçu dans mon bureau et à l’occasion, je lui ai demandé de me dire démographiquement, nous sommes combien à Conakry. Il m’a dit que sa ville est peuplée, à peu près, de 3 millions d’habitants. Mais je crois que c’est légèrement en deçà de ce chiffre. Mais si nous retenons ces chiffres 0,7 kg, donc 700 g multipliés par 3 millions d’habitants, on a rapidement 2.100.000 kg soit 2 100 tonnes d’ordures domestiques par jour. C’est énorme. Et quand ce n’est pas l’affaire de chaque citoyen de Conakry, ça devient un problème difficile à gérer. Or, pour le citoyen lambda, le ramassage des déchets domestiques, l’assainissement de nos quartiers et de nos agglomérations incombent exclusivement au Gouvernement. Ce n’est pas ça. L’assainissement de la ville de Conakry c’est l’affaire de tout le monde. Le Département de l’Environnement ne pré-collecte pas, ne collecte pas et ne transfert pas les déchets domestiques que génèrent quotidiennement chaque habitant de Conakry. Ce n’est pas sa mission ni sa vocation. Ce n’est pas son rôle. Tout simplement pour la raison suivante : c’est que pour ramasser les de Conakry aujourd’hui, il faut l’implication active et solidaire de chaque citoyen individuellement et à travers, les quartiers, les chefs de quartiers, les maires et le gouverneur. Or ces structures sont gérées par le ministère de l’Administration du territoire. C’est pourquoi, ce travail revient naturellement au ministère de l’Administration du territoire. En revanche, une fois qu’on aura transféré les ordures dans un dépôt comme la décharge de Hamdallaye, le Département technique qu’est le Département de l’Environnement s’occupera du traitement de ces déchets. Guinéenews© : Vous traitez les déchets ? Ibrahima Boiro : Oui, nous devons traiter les déchets. Une fois qu’on nous les fournit, nous les traitons. Guinéenews© : Est-ce qu’à Conakry vous avez un centre de traitement des déchets ? Ibrahima Boiro : J’ai trouvé qu’il y avait un chantier, tout un dispositif pour pouvoir traiter ces déchets. J’ai pris service le mercredi 26 novembre 2012, le vendredi suivant, le président m’a instruit de signer une convention qui était en gestation avec une société franco-ivoirienne de droit suisse, du nom de SATAREM pour traiter les ordures. Dans la convention, il est stipulé qu’on doit construire une usine de traitement des déchets dans la zone de Kagbélen, à Dubréka. Cette usine devra consommer 1200 tonnes de déchets domestiques par jour. On est en deçà de la satisfaction de nos besoins, mais c’est déjà beaucoup, par rapport aux 2100 tonnes. Les déchets traités généreront de l’énergie, cette énergie va être connectée au réseau de l’Electricité de Guinée (EDG) qui va l’acheter. Les revenus de cette vente serviront à payer les investissements qui ont été faits par SATAREM. L’installation d’une autre une est en vue. Guinéenews© : Elles sont installées ? Ibrahima Boiro : Elle n’est pas installée. Justement j’ai été pour les premiers contacts à Poitier, en France. En effet, le problème d’évacuation des ordures dans les grosses agglomérations à l’intérieur du pays se pose comme préoccupation qu’il faudra résoudre. Or cette usine, non seulement neutralise les déchets mais également produit de l’énergie. Dès que les déchets sont mis dans les bacs, on y met de la chaux. La chaux a pour qualité, une fois qu’elle est en contact avec les déchets, elle les neutralise. A 72 degrés, il n’y a plus de micro-organismes à l’intérieur et même l’odeur disparaît, or la chaux au contact des déchets fait monter la température jusqu’à 95 degrés. Ces déchets sont ainsi repris une fois désinfectés et par la suite sont transformés en compost. Cette usine-là en plus du courant électrique, produit du bio-engrais, donc pas du tout nocif. Guinéenews© : Donc cette autre usine à l’image de Lissignan va s’installer dans quelle agglomération de la Guinée ? Ibrahima Boiro : On n’a pas encore décidé, mais c’est prévu pour Kindia et Labé. Donc, les gens font de la confusion monsieur Lamah. La collecte, la pré-collecte et le transfert des déchets ne relèvent pas du Ministère de l’Environnement et des Eaux et Forêts. Cela ne veut pas dire qu’on ne fait pas de l’assainissement. On fait de l’assainissement, on fait même de l’amélioration du cadre de vie. Par exemple, les ronds-points du Port, de Bellevue, de Hamdallaye, de Bambéto vont être aménagés en espaces verts. Vous avez vu, les travaux ont commencé pour qu’enfin, quand on est à Conakry au volant, qu’on puisse apercevoir des fleurs depuis sa voiture. Guinéenews© : Nous, nous pensions que c’est l’ONG ASNAVIE qui faisait ces travaux… Ibrahima Boiro : Non ! C’est nous qui le faisons. Ce n’est pas ASNAVIE. ASNAVIE c’était hier, mais maintenant ça relève du Ministère de l’Environnement. Des appels d’offres ont été faits dans les règles de l’art, les financements sont obtenus et les entreprises qui ont gagné les marchés sont au travail.
Posted on: Wed, 19 Jun 2013 12:09:41 +0000

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