Il paraît que je suis un enculé. Un perverti du modèle - TopicsExpress



          

Il paraît que je suis un enculé. Un perverti du modèle libéral, la gangrène qui ronge le système, la cause de l’alcoolisme des classes populaires, de la surconsommation d’antidépresseurs, et des cancers de la prostate. Il paraît que le monde se porterait mieux sans moi, que les travailleurs taiwanais retrouveraient leur dignité, et les africains leur droit de propriété. Il paraît que je suis la raison à toutes les plaies de l’humanité. Il paraît que je dois payer. Moi je dis pourquoi pas ? S’il faut un responsable à tout ce merdier je veux bien qu’on s’amuse à m’en faire porter la responsabilité. Vous ne supportez plus le modèle social dans lequel vous pataugez chaque jour que Dieu fait, vous en avez assez de faire vos comptes à la fin du mois en lâchant toute une série de petits pets tellement vous êtes stressés, vous désespérez de voir le monde évoluer à contresens de vos idéaux d’égalité, vous en avez plein le cul de vous faire enfler par les pubs télés et d’entendre partout que la crise va tout rafler ? Et bien pardon. Vous vous sentez baisés par les puissants de ce monde, les rentiers, les magnats du pétrole, les industries chinoises et les systèmes bancaires dérégulés ? En vous levant le matin vous trempez votre croissant dans votre bol de lait en vous disant que si ça ne tenait qu’à vous les choses seraient bien différentes ? Vous avez l’impression, alors que vous franchissez les portes de votre usine, de votre bureau ou de votre plateau d’appel téléphonique, de n’être qu’un élément constitutif mineur d’un ensemble anonyme et sans visage, inégalitaire et dysfonctionnel ? Vous pensez avoir une vie de merde ? Vous avez raison. Même que si vous preniez pleinement conscience de l’insignifiance et de la vacuité de votre existence, les trois xanaxs que vous vous enfilez chaque matin au réveil ne suffiraient pas à vous empêcher de vous foutre sous le premier bus scolaire venu. Alors si ça peut vous aider, pardon. C’est vrai quoi, je vous comprend, vous en avez marre de rentrer le soir, harassé d’une journée de labeur dont vous ne comprenez ni le sens ni la finalité, pour vous entendre dire, alors que vous venez à peine de vous échouer sur votre sacro-saint canapé en simili cuir de vachette, qu’il va falloir vous serrer d’avantage la ceinture, que les banques vous ont foutu dedans et que vous ne pouvez rien y faire, que votre branche se délocalise en Asie et que le prix des clopes va encore grimper. Vous zappez rapidement sur votre show télé préféré mais merde, c’est loupé, le cœur n’y est plus. Alors vous vous dites bordel ces connards de banquiers nous font bien chier. Vous attrapez votre paquet de blondes light pour vous calmer et puis vous vous rappelez qu’elles vous coûtent plus par mois qu’une passe avec une tapineuse du quartier. Et vous repensez au leasing de votre bagnole, au plein de gasoil qu’elle vous suce tous les deux jours, à votre micro-onde qu’il faut changer et aux micro-crédits en tout genre dont vous peinez à rembourser ne serait-ce que les intérêts. Et vous vous dites que tout ça cumulé, ça fait un paquet de passes de loupées. Le tout sans même noter que le temps de votre réflexion votre regard aura glissé sans s’y arrêter sur un gigantesque écran plat taiwanais acheté moitié moins cher que l’équivalent en grandes marques, un système de son 143.1 à 14,99€ présenté en tête de gondole dans votre hypermarché du coin et dont l’espérance de vie sortit d’usine est estimée à moins de six mois, une machine à café à dosettes à usage unique dégriffée, une poubelle à ouverture automatique que vous aviez repérée sur le télé-achat, votre iphone 4s flambant neuf, celui de votre femme et les trois smartphones de vos enfants que vous changerez dans l’année, une tablette graphique sacrifiée à 90,99€ et un aspirateur que vous avez acheté, qui a rendu l’âme, que vous n’avez même pas pris la peine d’essayer de réparer et que vous avez racheté alors qu’il suffisait de remplacer un contacteur cramé. S’il vous venait à l’idée de poser réellement les yeux sur votre cuisine, fort à parier que vous y trouveriez le même genre de surabondance de camelote bon marché et à faible valeur ajoutée. Vous avez déjà acheté tous ces objets. Et tous ces objets ont fini par vous quitter, soit parce qu’ils vous ont lâché soit parce qu’ils vous ont lassé. Et vous avez du aller au magasin pour les racheter. Et voilà que maintenant à bien les regarder vous vous apercevez qu’ils sont tous plus ou moins sur le point de vous lâcher ou de vous lasser à nouveau. Et vous éprouvez un sentiment mêlé de joie et d’énervement parce que vous vous dites qu’il va encore falloir dépenser mais qu’en même temps la perspective de la nouveauté vous fait saliver. Et vous continuez comme ça, sans vous rendre compte de rien. Et tout va plus ou moins bien. Dans votre esprit chétif et ralenti par l’abrutissement salarial et les anxiolytiques, pas de contradiction. Vous préférerez laisser libre cours à votre frustration pendant le journal de 20h, qui inlassablement viendra au secours de votre petit être infantilisé, vous soulagera l’âme en vous cajolant d’une bonne tape compréhensive dans le dos, vous qui ne pouvez rien sinon subir un système dirigé par d’autres. Et vous écluserez votre bière en pointant du doigt les nantis de mon espèce en vous disant qu’il y a vraiment des gens qui n’ont honte de rien. Il paraît qu’ils ont profité, volé, maquillé, spéculé. Il paraît qu’ils s’achètent des îles privées pendant qu’on rame pour payer l’eau et l’électricité. Il paraît qu’ils mettent en place des montages financiers pas possible pour défiscaliser leur blé. Il paraît que pendant qu’on se fait licencier à tour de bras ils se la coulent douce sur des yachts et dans des piscines de la taille de la Méditerranée. Il paraît que c’est de leur faute si le prix du caddie moyen a doublé. Il paraît qu’ils savaient dès le départ que tout allait merder. Peut-être. Mais vous vous garderez bien d’admettre que de tout le temps où ça tournait on ne vous a pas beaucoup vu vous y intéresser. Avant que ça ne s’écroule vous n’avez jamais vraiment trouvé matière à discuter. Qu’importe, aujourd’hui vous êtes sur les nerfs et vous voulez tous les voir trinquer. Sans doute y aurait-il en effet quelques salauds dans mon genre qui n’en finissent plus de se remplir les fouilles et qu’il faudrait se dépêcher de faire sauter. Mais au-delà de ça, qu’est ce que la banque sinon vos propres porte-monnaie ? Et qu’est ce que la concurrence des marchés sinon la conséquence de vos propres habitudes de consommateur compulsif et éternellement frustré ? On est allé trop loin ? On a voulu trop se goinfrer ? C’est certain. Mais vous aussi vous tenez à vos taux d’intérêt. Vous voulez tuer la finance et les marchés ? Vous voulez que les ouvriers du tiers-monde soient payés avec autre chose que des coups de pieds au cul ? Vous voulez qu’on arrête de massacrer les saumons, les thons et les forets ? Moi ça ne me pose pas de problème, bien au contraire, mais qui sera le premier à gueuler quand on vous expliquera que le prix des merdes technologiques que vous consommez à longueur de journée va doubler ? Et quelle sera votre réaction quand à la poissonnerie vous ne trouverez plus la moitié de ce à quoi vous avez été habitués ? Qui génère la demande effarante de nos sociétés ? Qu’est ce qu’un connard sur son yacht en comparaison de millions de camés en manque de surabondance et de nouveautés à prix cassé ? Mais ces considérations sont pour vous sans intérêt. Vous éteindrez votre téléviseur écoeuré par tant d’impuissance, sans jamais faire le lien entre les salaires de misère des ouvriers indiens, la dérégulation des marchés et l’empilement de merdes jetables qui envahissent votre salon, votre cuisine, vos poubelles et vos greniers. Alors oui si vous voulez je suis un enculé. Mais je ne me laisserai pas dire que ce sont les gens de mon espèce qui ont bâti la fosse à purin dans laquelle vous êtes en train de vous noyer. Si vous voulez des responsables, cherchez donc parmi la masse des cons qui se saoulent au Ricard bon marché le cul vissé dans leurs canapés rustiques et qui dégoisent des discours politiques au rabais les yeux rivés sur les résultats de la loterie nationale. Cherchez donc du côté de votre propre immobilisme de pantin docile et domestiqué, vous qui avez admis une société que l’on vous a imposée sans jamais protester ailleurs que devant votre télé. À ne vous voir vivre que pour consommer, subir et pleurnicher sur votre petit sort en oubliant constamment de penser, j’ai honte pour l’humanité. Et je crois moi que grande est notre erreur de croire en l’intelligence de l’homme. M’est d’avis qu’en ce qui concerne le niveau ambiant, les disparités sont grandes et la moyenne foutrement basse. Et si vous voulez une amorce d’argumentation, allez donc prospecter dans les zones d’activité commerciale du fin fond de la province, dans les discothèques, les casinos, les salles de sport, les McDo et les cafés PMU. Ouvrez les yeux dans les supermarchés. Faites un détour par les galeries Lafayette pendant les soldes d’été. Décryptez les audiences télé. Passez jeter un œil dans les files d’attentes des castings de télé réalité. Allez vous promener devant les boutiques Apple à la veille d’une sortie médiatisée. Passez chez IKEA à la rentrée. Contemplez la vacuité intégrale d’une de vos propres journées. Je vais être honnête avec vous, votre masse dégénérescente et demeurée me fait gerber. Et si vous en êtes là, ce n’est certainement pas dû à autre chose qu’à votre propre imbécillité. Vous qui avez tous les yeux vissés sur vos pompes et ne daignez les lever que lorsqu’on vous intime l’ordre de vous absorber dans la contemplation d’une source lumineuse prédéterminée, à savoir une pub pour de la lessive, la promo du nouveau tube de l’été ou des couples attardés qui mangent, baisent et se font la gueule sous le regard de dizaines de caméras extatiques et dont l’absolue vacuité cérébrale fait gonfler au fin fond de vos poitrines un réconfortant sentiment de supériorité. Vous qui ne prenez conscience que de ce qui vous est indécemment exhibé. Vous qui êtes quotidiennement prédéterminés par des vecteurs de choix dont vous ne cherchez même pas à comprendre la moindre cause, mécanisme ou implication. Vous qui passez vos vacances en république dominicaine parce que ça vous fait mousser de vous sentir privilégié. À quel niveau estimez-vous votre degré d’action consciente et raisonnée ? À quel niveau situez vous votre indépendance de pensée ? Prenez cette fille à peine majeure et déjà en cloque, qui enchaîne les petits boulots minables et qui a le don pour se coller avec des types qui ont autant d’envergure et d’ambition que la merde séchée collée au cul d’un âne. Ou encore ce type qui picole du soir au matin sur les abords de son chantier et qui vote FN parce qu’il a décidé qu’il en avait assez des étrangers, des hippies et des pédés ; qu’il était fatigué de réfléchir et de faire des concessions et qu’il était grand temps de s’abrutir dans le discours d’un autre. Et que dire de tous les autres, qui brillent par leur absence absolue de caractéristique différentielle ; cette espèce moyenne qui se vautre dans le ventre mou et douillet d’une vie sans libre-arbitre mais sans doute ? Regardez bien ces bipèdes flasques et sans intelligence, larvés dans la cécité collective. On leur trouvera mille excuses. Une enfance difficile, une éducation merdique, un père qui était toujours à la colle avec des nanas de galère, des mauvais coups du destin ou une dépression qui n’en finit pas. Ou simplement l’habitude d’une existence morne et sans vagues. Reste que ces gens-là sont des caricatures et qu’ils sont des millions. La voilà la base de notre société ; un tas de boue individualiste ultra vorace et foncièrement débile, une colonie de vaches amorphes qui passent leur temps à se renifler le trou du cul et à se regarder le nombril en attendant que passe le train. Et vous venez me dire à moi, qui me casse le cul jour après jour à essayer de modeler ce tas de merde pour lui donner une figure à peu près humaine, que je suis responsable des malheurs de ces gens là ? Mais ces gens là sont leur propre malheur ; elle pour n’avoir pas su garder sa chatte au sec, lui pour avoir fait enfler sa propre connerie jusqu’à faire péter tous les indicateurs. Et tous les autres pour se contenter d’une existence qui s’arrête au pas de leur porte. Oui, un tas de boue. Et qui a déjà donné dans la poterie sait qu’inéluctablement cette dernière s’effrite et se fissure quand elle sèche. Qui peut dès lors nous en vouloir de ne pas parvenir à colmater toutes les fuites ? On m’accuse de créer de la misère, de sacrifier l’innocence et le vrai au nom du profit personnel. On me dit que je suis responsable de la famine au Yémen, des génocides en Afrique noire et des hémorroïdes de la ménagère. Mais la vérité c’est que personne n’en n’a rien à foutre de la famine au Yémen. Et personne ne veut surtout rien savoir de la réalité de cette misère là. Les grandes lignes suffisent, on ne veut pas s’embarrasser de détails car les détails mènent aux nuances, les nuances à l’ambivalence et l’ambivalence au doute, et on ne veut surtout pas douter de la culpabilité des gens comme moi. Alors la plupart des gens se contentent de ce qu’on leur donne à se mettre sous la dent. De petites pépites de temps en temps. Véritable pain béni dans leur désir avide de s’abrutir et de se dédouaner de toute responsabilité, qu’ils dévorent avec la voracité de hyènes affamées. Et en plus ça fait briller en société. Comme une parole divine dont la paternité des droits d’auteurs n’aurait pas été revendiquée, ils s’en emparent, l’intègrent et se l’approprient, jusqu’à la tenir en lieu et place de la seule vérité qui puisse importer, évinçant ainsi toutes les autres. Réaction commode d’une espèce facile à maîtriser. Une info au JT et c’est l’insurrection autour des comptoirs, toute la foule est persuadée d’être au courant d’une info subversive et inédite sans jamais réaliser que c’est le monde même qu’ils croient combattre qui le leur a soufflée. Bienvenue à la grande distribution quotidienne de confiture médiatique avariée. Un peu comme à la cantine de votre ancien collège : la bouffe est impossible à becter mais ça ne coûte pas cher et c’est facile à préparer. Sans compter que ça plait au plus grand nombre ; les statistiques ont parlé. Veuillez prendre un petit pot et vous insérer dans la file, muni de votre ticket. Un peu de la crise au Darfour, trente secondes sur la dette, trente minutes sur le sujet chaud du moment – du genre les soldes touchent à leur fin c’est le moment de faire de vraies affaires – et en fin de journal une bonne chape de soap academy histoire de faire glisser. Résultat : on sait qu’on devrait être révolté mais on ne sait plus pourquoi. On pense à descendre dans la rue, on veut se forcer à péter les plombs, on se hait soi-même de ne pas y parvenir et puis on se rappelle qu’à 20h45 il y a la finale de Secret Story. On ne prend pas la peine de s’informer plus avant, de toute façon l’essentiel a été développé. On est pas des intellectuels nous, on a d’autres soucis. Et puis on a donné à handicap international une fois, alors on a fait notre part du boulot, merde. De toute façon tout ceci nous ennuie au plus haut point. Ou plutôt on feint l’ennui pour masquer la crainte. La crainte de turbulences dans le cours tranquille de nos petites existences formolées. La crainte d’une prise de conscience incontrôlée. La crainte de devoir se confronter à une quelconque forme de culpabilité. Car en réalité tout ceci nous dépasse, on a des envies de doliprane rien qu’à l’idée de devoir s’y attarder. Trop d’idées, trop d’implications. On préfère se replonger dans le petit écran, ou bien surfer sur Internet à la recherche d’une nouvelle paire de chaussure ou d’un robot ménager 15en1, noyé dans la grande course au progrès et à la possession innovante. Voilà peut-être ce qui nous différencie de l’animal, voilà certainement ce qui fout tout en l’air ; ce besoin de progrès. Pas le langage, pas la pensée, mais simplement le besoin d’avoir l’impression d’avancer, même si cela doit en passer par des comportements confinant à l’absurde : peut importe que le chemin soit en boucle fermée, pourvu qu’on avance. Seule importe l’illusion du mouvement. Parce que la simple idée du sur-place nous terrorise. Un instant d’arrêt et c’est tout un sens de l’existence qui menace de s’écrouler ; on soupçonne, la peur au ventre, un accès de clairvoyance tétanisante qui menace de nous frapper. Vlan, le gouffre. Comme une contestation de notre petit manteau de certitudes dont on tient à rester à tout prix éloigné. Alors on repart de plus belle, emportés par la fuite en avant d’une espèce parasite dont la particularité est qu’elle se doit de continuellement surconsommer pour survivre et ne pas sombrer dans la dépression morbide généralisée. S’abrutir ou mourir telle est notre devise ; c’est inéluctable. Donnez encore quelques centaines ou milliers d’années aux Mursi ou aux Zulu et ils finiront par vous chier l’ipad, les autoroutes et les contrats dérivés. Parce que la stagnation est incompatible avec la logique humaine. L’animal substitue une forme d’équilibre naturel au besoin de progrès. Chez notre espèce, le crétin moyen a la particularité exceptionnelle d’implicitement considérer qu’il convient tout à l’inverse de sacrifier l’équilibre naturel au nom du progrès. Mieux, on s’invente constamment de nouveaux objectifs à atteindre, de nouveaux essentiels à posséder. On se crée de nouveaux indispenssables dont on ne saurait se passer. On ne jure que par l’indice de croissance et la variation positive du PIB. On recule systématiquement la ligne d’arrivée. En vérité, on entretient un déséquilibre programmé. Car qui dit équilibre dit ralentissement. Et qui dit ralentissement dit tergiversations qui non seulement le dépassent mais sur lesquelles, surtout, il ne veut pas s’appesantir. Nous sommes seuls, il n’y a pas de réponse, pas même de question ; l’animal admet de façon innée cette sagesse que l’homme ne semble ne jamais devoir intégrer. Ce que l’animal accepte, le con cherche à le combler. Tout ça pour dire que cette petite théorie progressiste additionnée à un QI moyen tendant asymptotiquement vers le QI le plus faible et vous vous retrouvez avec le super troupeau débilitant précédemment évoqué. Mais n’ayez crainte, à la lecture de ces lignes votre cerveau égocentré vous exclura automatiquement du groupe susnommé pour en faire un sujet de pensée extérieur à vous-même. Pas de risque donc que vous vous sentiez visé. Vous continuerez, impassible, à vous dire que le problème est extérieur à votre petite personne et qu’il réside très vraisemblablement – puisque les gens de votre espèce ne peuvent en aucun cas être une racine dudit problème – en des personnes différentes de vous, à savoir des personnes comme moi. Vous voulez m’entendre dire que c’est ma faute ? Alors oui je le dis à tous. À ces connards de fachos qui trouvent que la vague bleue marine apporte un délicat vent de changement. À ces demeurés dans leurs cités qui se cognent sur la gueule sans même savoir pourquoi, qui sont prêts à s’entretuer pour un hall d’immeuble à squatter. À ces putains de flots de vacanciers qui ne sortent de leurs hôtels que pour des excursions organisées. À ces putes décolorées du samedi soir dont les deux mots de vocabulaire ne parviennent pas à masquer la vacuité d’un rire hystérique et d’un regard où ne s’affrontent que la bêtise et la superficialité. À ces playboys de plage qui passent leurs soirées à soulever l’équivalent en poids de leur propre connerie anabolisée. À ces attardés qui se créent une vie de rêve à travers des réseaux sociaux mondialisés jusqu’à finir par se persuader d’une autre réalité. À ces millions de foyers qui le soir se meurent dans un silence seulement troublé par les rires gras qui accompagnent la lueur bleuâtre du poste de télé. À toutes ces familles consanguines, laides et décérébrées qui semblent penser, dormir et se torcher avec leur téléphone portable. À tous ces tas de merde qui ne vivent que pour consommer. À ces existences qui se répètent sans but ni valeur ajoutée. À ces vies qui jamais ne cherchent à élever leur pensée. À cette fange du drame ordinaire qui naît, pollue, puis s’éteint sans rien laisser, comme une voiture qui consomme sans jamais avancer. Je vous le dit à tous ; oui, je vous ai baisés et je me suis fait un paquet de pognon sur votre dos. C’est mon impôt sur la connerie de ceux qui acceptent docilement de se laisser bercer. Alors allez-y, lâchez-vous. Vous avez besoin d’une cible, d’une justification à la vacuité écœurante de vos destins tous tracés? Un coupable au limon dans lequel vous n’en finissez plus de vous débattre? Un endroit où regarder pour nier le fait qu’en réalité cette situation est pour vous la solution de facilité ? Pour faire taire la voix qui vous hurle qu’en fin de compte cette position de victime cacochyme vous fait bander? Pour tourner votre dégoût de vous-même vers une cible plus appropriée? Pour oublier que vous vomissez un système qui n’existe en réalité que pour que vous puissiez vous payer vos merdes sans vous ruiner ? Prenez-moi, ça ne me dérange pas. La haine que vous me vouez ne sera jamais que le pâle écho du mépris et du dédain que je vous porte. Car la triste vérité c’est que vous avez choisi et que vous le savez. Sans même vraiment y réfléchir, le plus grand nombre a tranché. Ce sera une petite vie tranquille, avec de petites ambitions, une petite voiture et de petits soucis. Et la vérité c’est aussi que votre haine s’alimente de la jalousie qui ronge vos petites existences frustrées. Car moi aussi j’ai choisi : j’ai décidé de vous envoyer vous faire foutre. Dévier du sentier d’abatage des masses et goudronner une route à contresens des prédestinés. Lever le majeur bien haut et se sortir les pieds de l’inéluctable au sein duquel on a été élevé. On dit que la merde coule du haut vers le bas, mais la vérité c’est que la merde est au niveau du trou du cul des vaches, et que plus on est bas plus on en voit la couleur. Ce qui vous reste en travers de la gorge c’est que j’aie pu avoir le culot d’essayer de m’en tirer. Je crois, moi, que vous me haïssez d’avoir assumé un choix dont vous n’étiez pas capables, d’avoir fourni un effort dans vous étiez fatigué d’avance, livré un combat là où vous avez emprunté les voies de moindre résistance. Je crois moi que les pervertis par l’argent c’est vous et pas moi. Je ne parle pas d’argent. Je ne pense pas à l’argent. J’ai fais ce qu’il fallait pour me départir de ce couperet. Et vous qu’avez-vous tenté? Qu’avez-vous accompli qui vous donne le droit de me juger ? Bien sur qu’il y a des nantis, bien sur que l’injustice de nos sociétés veut que certains naissent sur des tas d’or pendant que d’autres se noient dans des tas de merde. Mais au nom de quoi prétendez-vous pouvoir crier à l’infâme, vous qui n’avez rien fait pour inverser la tendance ? Et maintenant vous voulez peut-être que je me confesse, que j’expie mon péché, que je finisse par lâcher cette vérité à vos yeux si honteuse et dégradée ? Oui, j’aime l’argent. J’aime l’argent parce que l’argent me tient éloigné de votre cour des miracles viciée, de vos préconçus étriqués et de vos soirées pizza télé. J’aime l’argent parce l’argent me permet d’éviter le triste quotidien de vos chemins standardisés, de vos lotissements de sam’suffit de plein pied avec bout de jardin, mini-piscine, barbecue et peinture saumonée, de vos plages méditerranéennes bondées et de ses cérémonials amoureux qui puent la misère affective, de vos hôtels all inclusive de faux bourges ampoulés et de vos cars de touristes climatisés. J’aime l’argent parce que l’argent m’évite d’emprunter vos transports en commun surpeuplés et me permet de ne pas participer à vos bouchons autoroutiers du mois de juillet. J’aime l’argent parce que l’argent me tient éloigné de vos soirées à paillettes dont les relents de déprime sociale me donnent la nausée. J’aime l’argent parce que l’argent me permet de cesser d’être dirigé par ce dernier. J’aime l’argent parce que l’argent me permet de ne plus être guidé par cette seule finalité. J’aime l’argent parce que l’argent me permet de ne plus être soumis à ce besoin impérieux de le dépenser. J’aime l’argent parce que l’argent a ainsi cessé d’être une nécessité. J’aime l’argent parce l’argent me permet de vous oublier. J’aime l’argent parce que l’argent m’a permis d’acheter ma liberté. Qu’importe que vous me haïssiez. Qu’importe que vous compreniez. Alors oui je suis bien différent de vous et pour ça je veux bien être traité d’enculé. Vous voulez mon secret ? J’ai appris à penser.
Posted on: Fri, 18 Oct 2013 22:44:26 +0000

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