JE VIENS DE CE PEUPLE Le montagnard ne cède ni à la rudesse des - TopicsExpress



          

JE VIENS DE CE PEUPLE Le montagnard ne cède ni à la rudesse des nuits hivernales qu’il accueille sans couvertures chaudes, ni à la brutalité des longues journées de labeur, encore moins à l’imprécation du sort qui lui a tatoué le front. Depuis la nuit des temps, sa vie est synonyme de résistance, d’endurance et de ténacité. Son repas se résume à quelques figues sèches trempées dans un bol d’huile d’olive. Son vin: pas plus d’une coupe de lait caillé. Ses habits : un simple tissu de laine. Ses chaussures : des savates sans lacets. Sa maison : un toit de tuiles posées sur des roseaux et du chaume, raccommodés avec de l’argile et du schiste, le tout soutenu par des poutres taillées dans d’antiques oliviers, où les humains et les bêtes vivent grégaires. Ses valeurs : la famille, la dignité, l’honneur et la liberté. Ses vertus: le pardon, le sens du partage et l’hospitalité. Sa religion : l’amour sans fin, l’amour de son prochain, de ses bêtes, de ses arbres, de sa terre, de ses dieux, de ses saints et même…de ses ennemis... Tel est cet être touchant à qui le monde a tourné le dos: une âme chaste et un cœur débordant de tendresse. Un être jaloux qui ne badine ni avec ses principes, encore moins avec ses valeurs. Je viens de ce peuple. J’appartiens à ce peuple… J’appartiens à ce peuple que le destin et les âges iniques ont relégué au rang de spectateur. J’appartiens à ce peuple qui assiste, la bouche muselée, au cirque arbitraire de l’Histoire qui piétine sa civilisation. J’appartiens à ce peuple de troubadours qui sait manier le verbe, comme tant d’autres savent si bien manœuvrer les armes. J’appartiens à ce peuple qui, à cause de la brutalité de l’existence, ne se sent nulle part chez lui. Comme mes aïeux qui ont traîné leur vie d’un bout à l’autre, c’est mon tour d’endosser l’attirail du soldat de l’exil. Désarmé, dans le sillage de l’aventure, j’affronte les douleurs, les frayeurs et les fantômes des territoires étrangers. Je suis l’empreinte de ce peuple. Je porte en moi son interminable errance, ses pérégrinations incessantes au large de l’Histoire et au bord des Civilisations. Je suis le produit des péripéties de mon peuple. Je suis l’authentique descendant de ce peuple. Dès le berceau, il m’a légué ses mots et ses douleurs. J’en ai fait ma morale, j’en ai fait mes valeurs. J’en ai construit et rafistolé les bribes de ma vie. Du giron de ma mère où j’ai tété le lait de mes racines, jusqu’à aujourd’hui ; de l’enfant effarouché que j’étais, habillé d’une robe usée jusqu’à la trame, lorsque je me vautrais et me roulais dans la poussière brûlante de la cour de notre maison en torchis, je n’ai cessé de porter mes chimères à bout de bras… J’appartiens à ce peuple d’Hommes libres, riches malgré tout de sa misère : de ses loques en laine lavées à la sueur de l’infortune et au sang de la fatalité, de ses galettes d’orge cuites au feu rougeâtre de l’adversité, de ses oliviers mille fois millénaires élevés comme par défi si haut dans le ciel… J’appartiens à ce peuple riche malgré tout de ses figues, de ses montagnes, de ses bijoux, de son artisanat, de son métier à tisser et de la beauté sauvage de ses filles… J’appartiens à ce peuple d’hommes et de femmes libres, qui n’a jamais eu la conquête comme mode de vie, ni la violence comme gagne-pain… Depuis des générations immémoriales qu’il résiste et qu’il se bat, qu’il souffre et qu’il se débat. Forgeron de métaphores, chantre de beautés, bâtisseur de paix ou charmeur de divinités; tout ce qui est bon sied à ses états d’âme et tout ce qui est mauvais n’atteint aucunement son esprit. Ce peuple est mon peuple. Sa terre est mon univers. Son univers est ma foi. Sa foi est ma croyance. Ses doutes sont mes certitudes. Ses quêtes sont mes rêves. Ses rêves sont mes illusions. Ses illusions sont mes douleurs et ses révoltes sont mes colères… Quel brave peuple que ce peuple valeureux ! Il sait être digne dans sa misère, brave dans son martyre, dur dans ses révoltes, endurant dans ses corvées et tendre dans son art. Ainsi survit mon peuple dans l’épreuve. Ainsi rêve mon peuple dans l’ambition. Aucun pesant d’or ne réussira à corrompre ses bijoux en argent et en corail et nul Crésus ne pourra se permettre de s’offrir son âme. Ses valeurs ne se bradent pas, ses principes ne s’achètent pas. Mon peuple c’est ce peuple pauvre parce qu’il ne mange pas souvent à sa faim. Mon peuple c’est ce peuple humble, discret, presque effacé; déshérité sans pour autant être miséreux, car mon peuple n’est pas l’indigent qui fait la manche… Il est riche malgré tout de sa faim de pacifisme, de sa soif de non-violence et de son humanisme à perte de vue. Il a su fabriquer d’une vulgaire peau de lièvre un tambour pour traquer les démons et tailler d’un roseau une flûte pour charmer ses malheurs. Mon peuple c’est le chant des tripes incandescentes, le cri des cœurs sensibles, le roulement interminable des bendirs, les notes suaves de la mandoline. Mon peuple c’est la complainte, la berceuse, la danse, le poème, la verve et l’élocution… Karim Akouche
Posted on: Thu, 18 Jul 2013 00:02:49 +0000

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