Je me retournai vers la voix et le vis. C’était la première - TopicsExpress



          

Je me retournai vers la voix et le vis. C’était la première fois. Je remarquai d’abord ses yeux, d’un gris acier frangés de cils épais et noirs de jais. Ils me frappèrent parce qu’ils étaient beaux et peu communs. Son visage aussi ne manquait pas de charme : Le teint était mat, la bouche orgueilleuse et sa face ne souffrait d’aucun défaut. Il devait avoir la vingtaine tout au plus, grand… un mètre quatre-vingt peut être, massif et sécurisant. Sa voix était chaude et je fus séduite par des mains longues et fines que je devinai sans peine sur moi. J’en rougis et plantai mon regard dans le sien. L’inspection avait dû être réciproque puisqu’il arborait maintenant un air de satisfaction non feint ; cela me gêna. Ce n’est pas le fait de lui plaire qui m’embarrassa, mais le contexte. Ma quasi ignorance des rituels de séduction m’avait rendue maladroite et peu encline à dialoguer avec un garçon aussi séduisant. De plus, je m’étais tellement conditionnée à l’épreuve de la soirée, que cette source inattendue de volupté acheva de me décontenancer. Je lui souris bêtement, et regarda à nouveau la peinture près de nous. — Tu aimes ? — Et toi ? Je le regardai avec étonnement. — C’est ma préférée ! Il réfléchit longuement. — Elle inspire une émotion de circonstance. Je me demande si elle n’aurait pas gagnée en intensité si tu avais fait mourir la mère et conservé l’enfant sain et sauf dans ses bras ! — Tu es sérieux ? Mon air gêné l’amusa. Il esquissa un sourire. — Non. Détends-toi, je plaisantais. Son audace me fit rire. Un couple au loin me salua de la main. — Je te félicite. J’aime beaucoup ce que tu fais. Le compliment me fit rougir. — Tu fais partie de l’exposition toi aussi ? Demandai-je faussement interrogative puisque je connaissais déjà la réponse. — Non, je suis ici en simple spectateur. Il m’adressa un sourire accompagné d’une drôle de moue gênée. — A vrai dire, je ne connais rien à l’art. Il m’arrive de m’attarder devant une toile. J’aime les couleurs vives qui frappent l’œil et forcent l’esprit, ou au contraire, les paysages désertiques qui nous renvoient à notre solitude. Je les regarde et j’envie le talent. Mais je ne connais rien de l’artiste ni du courant auquel il appartient, ne retiendrais même pas son nom si jamais un jour on venait à me le dire. Je ne suis seulement qu’un contemplatif. Il me renvoyait sans le savoir aux trois opérations d’Emile Bernard : « Voir : opération de l’œil - Observer : opération de l’esprit – Contempler : opération de l’âme. Quiconque arrive à cette troisième opération entre dans le domaine de l’art ». — Tu aimerais que je te montre le reste ?
Posted on: Sat, 03 Aug 2013 10:51:09 +0000

Trending Topics



Recently Viewed Topics




© 2015