Je ne voudrais pas être le ministre de la Justice du Québec ce - TopicsExpress



          

Je ne voudrais pas être le ministre de la Justice du Québec ce matin. Le voilà forcé de défendre une «Charte des valeurs» démolie par la Commission des droits de la personne. Déjà que les juristes de son ministère ont soulevé des doutes, comme une très vaste majorité dexperts. On peut bien ne pas aimer ça, mais tel est létat du droit ici, aujourdhui: on ne supprime pas des droits sans raison valable. Évidemment, nous dira-t-on, ce nest quun avis. Une opinion fondée sur un avant-projet, pas sur un texte de loi. Mais elle donne un avant-goût de ce que les tribunaux feraient dun tel document, si jamais il devenait une loi: celle-ci serait presque certainement invalidée. Dabord, cette «charte» confond les valeurs et les droits. Légalité hommes-femmes nest pas seulement une «valeur», cest un droit inscrit dans la Charte québécoise des droits et liberté de la personne depuis 1975. Tout comme la liberté de religion. Depuis quon interprète les droits fondamentaux, on tente de mettre en équilibre ces droits, dont aucun nest plus important que les autres. On ne restreint pas un droit parce quil offense les «valeurs» de quelquun, mais parce quil entre en collision avec un autre droit. On cherche léquilibre. Deuxièmement, la laïcité na pas à être inscrite dans la Charte des droits et libertés, comme le propose le gouvernement Marois. Dabord parce quelle est déjà reconnue dans notre droit: la liberté de religion, cest la protection contre une tentative de lÉtat dimposer ou dinterdire une religion, et la garantie du libre exercice des religions. Voilà précisément le but de la laïcité de lÉtat: garantir la liberté de croire ou pas ce que chacun veut. À voir la tournure du débat, je commence à craindre que dun débat sur la laïcité, on ait glissé vers le procès des religions... et en particulier des musulmanes. Voilà qui est malsain et détestable. *** Interdire le port de signes religieux, cest limiter un droit reconnu. Cest permis. Mais encore faut-il le faire pour un objectif «urgent et réel», ont dit les tribunaux. Quel est donc cet objectif? La peur? Projeter une «image de neutralité» nest certainement pas un «objectif urgent»: il est impossible de trouver UN SEUL CAS au Québec où le port de signes religieux aurait compromis la neutralité de lÉtat. La Commission est assez bien placée pour le savoir, puisquelle reçoit les plaintes des citoyens... Lapparence dune personne nest pas un signe de sa neutralité. Ce nest pas parce que cela dérange un usager que ses droits sont bafoués. Ce nest pas parce que des gens haïssent les religions, ou lislam, ou le judaïsme que leurs droits sont bafoués quand ils croisent un foulard ou une kippa dans un édifice public. Le gouvernement argue que les employés de lÉtat conserveraient le droit de pratiquer et de manifester leur foi en dehors des heures de travail. Cest banaliser la signification que ces vêtements peuvent avoir. Ce nest pas à lÉtat ou à la majorité de décréter limportance de ces signes religieux. Même dans une saison où des gens par ailleurs respectables se permettent dans les médias de traiter de «folles» les femmes portant un hijab, ou de dire quon aurait peur de se faire soigner par une musulmane. La Commission note au passage que cette loi affecterait 500 organismes québécois... qui ont tous dû mettre sur pied des programmes daccès à légalité pour lutter contre la discrimination, dont les plus grandes victimes sont les femmes immigrantes. *** Quant aux «accommodements raisonnables», on peut bien en baliser les contours pour la galerie. Mais en vérité, la définition est connue. Cest une obligation faite aux employeurs ou aux organisations daccommoder un employé, dans la mesure du raisonnable, et si cela ne crée pas de «contrainte excessive». Cest ainsi quon a obligé des entreprises à «accommoder» des femmes enceintes et des handicapés. Il est cependant impossible de dire à lavance comment les régler, les cas étant tous différents. Une chose est cependant acquise: ces accommodements ne doivent pas se faire au détriment des droits des autres, ni aller contre légalité hommes-femmes. Cétait déjà évident, mais en 2008, le gouvernement Charest a fait ajouter un article dinterprétation déclarant que les droits et libertés «sont garantis également aux femmes et aux hommes». *** Bref, sur le plan juridique, tout le document Drainville est largement inutile ou carrément inconstitutionnel. Déjà, certains tentent de discréditer la Commission. Mais de quoi aura lair un gouvernement qui veut faire entrer le Québec à lONU sil ne tient même pas compte de ce que dit sa propre Commission des droits, avec sa propre Charte des droits fondamentaux? Ce serait... gênant, comme dirait Jacques Parizeau. lapresse.ca/debats/chroniques/yves-boisvert/201310/18/01-4700952-la-charte-des-valeurs-dans-le-tordeur.php
Posted on: Sat, 19 Oct 2013 04:57:52 +0000

Trending Topics



Recently Viewed Topics




© 2015