J’ai trop gâché le clair de lune J’ai trop gâché le clair de lune. Cœur battant. Je n’en gâcherai plus, la lune houspillée de nuages suit dérivant à l’ouest son arc impondérable, prise une demi-heure au collet des feuilles mouillées de la vasque aux oiseaux. Le temps nous dévore crus. Pour mon anniversaire, hier, je n’étais que d’un jour plus vieux bien que j’aie commencé unicellulaire il y a dix millions d’éternités dans le bourbier de la vieille ferme. Non pas ici maintenant mais maintenant et ici. Si vous ne savez que la différence est question de vie ou de mort, agenouillez-vous nu dans la neige pour suivre la trotteuse de la montre. Au bout d’une piste de sable sur les collines basses des Whetstone Mountains j’ai vu des empreintes de puma si fraîches que le sable mouillé gouttait encore dedans. Je ne sais pourquoi, à genoux, je me suis pris à les humer, absolument certain d’être observé par la roche vivante du vaste paysage troublé par la chaleur. D’autres empreintes de puma dans le ruisseau. À l’instant en pleine lumière, pluie froide de minuit, les coyotes. Les putois puent noyés de brume. Lune cachée, je ne veux pas encore rentrer. Plus vieilles, plus délicieuses les saveurs de la terre. Comme aujourd’hui encore l’éternité s’achève en quelques demi-secondes. J’ai lu que dans l’immensité sauvage le vieux Nieh dressa un tigre des montagnes à porter son bois pour le feu. Un trou noir de la taille de trois cents milliards de soleils crache et recrache la galaxie M87, parce que les astronomes l’ont nommée comme des cons. Le temps passé assis demande grâce à l’horloge. Jim HARRISON ( L’éclipse de lune de Davenport) Trad. française de Brice Matthieussent
Posted on: Thu, 03 Oct 2013 21:39:34 +0000
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