LE FEDERALISME AFRICAIN A partir des années trente, un - TopicsExpress



          

LE FEDERALISME AFRICAIN A partir des années trente, un certain nombre d’intellectuels africains avaient perçu et posé le problème de la « balkanisation » de l’Afrique. C’est ainsi qu’un des objectifs principaux du mouvement national et pour l’indépendance de l’Afrique était de réaliser l’unité africaine. Ce sentiment unitaire était presque total chez les combattants pour l’indépendance. Toutefois, ils ne percevaient pas en détail la forme et toutes les implications de l’unité africaine, seuls Nkrumah, Nyerere et Cheikh Anta Diop adoptèrent la formule d’un « Etat fédéral africain », mais l’unité qu’ils désiraient n’était encore qu’un vœu et pour l’appuyer ils n’avancèrent que quelques arguments d’ordre historique et culturel. Le mouvement politique du panafricanisme, que Nkrumah développa plus tard, à partir du Ghana devenu Etat indépendant, ne fut en fait qu’une adaptation africaine du mouvement de la « négro renaissance » exprimé par les noirs américains au début du siècle, au cours de leur lutte en Amérique pour l’émancipation raciale. La filiation négro-américaine du panafricanisme est prouvée par le fait que les plus importants écrits et les principaux leaders, à l’exception de Nkrumah, sont tous des négro-américains (Edward Blyden, Marcus Garvey, Georges Padmore, Ras Makonnen, Harold Moody, Duse Mohamed, etc.) et ce n’est pas un hasard si ce furent les intellectuels africains anglophones ayant vécu aux Etats-Unis et à Londres, qui furent les principaux leaders de ce mouvement en Afrique pendant que ceux qui étaient en contact direct avec le colonialisme français, développèrent à Paris le mouvement culturel de la négritude. C’est donc dans une grande obscurité idéologique que les nationalistes africains menèrent la lutte pour l’indépendance de l’Afrique. L’idée politique de l’unité africaine n’avait aucun répondant organisationnel : il n’y a jamais vraiment eu une organisation africaine se fixant comme objectif principal de soutenir de manière autonome la création et le maintien d’institutions fédérales africaines. Les timides tentatives de Nkrumah, Jomo Kenyatta, Wallace Johnson, Peters Abrahams, Obafémi Awolowo — en organisant le Ve Congrès Panafricain à Manchester le 15 octobre 1945 — ne se concrétisèrent jamais par la constitution d’une solide organisation panafricaine. En pratique, ce congrès était la dernière manifestation politique de l’embryon d’organisation qu’était le Pan Africa Federation de 1944. De même que le voyage de Nkrumah en 1947 à Paris pour établir des contacts avec les intellectuels africains francophones tenants de la négritude (Léopold Senghor, Lamine Griéye, Apithy, etc.) ne donna aucun résultat. C’est donc dans ces conditions d’absence totale de programme africain que seule une organisation politique fédéraliste africaine pouvait définir et défendre, que les nationalistes africains négocièrent l’émancipation des territoires coloniaux. Leurs revendications étaient donc confinées dans les limites territoriales (les Etats actuels) que leur avait imposées le système colonial. C’est ainsi que lorsque les gouvernements européens qui poursuivaient des politiques colonialistes décidèrent de démembrer leur empire en Afrique, aucune voix ne s’est élevée dans les mouvements nationalistes africains pour s’opposer à cette politique. Au contraire, les faits prouvent que l’élite africaine a été complice de cette fragmentation territoriale, elle s’est bien adaptée à une situation dont elle espérait tirer bénéfice. Partout dans le continent des drapeaux se hissèrent, des hymnes tonnèrent, des constitutions furent rédigées à la hâte : c’est la célébration de l’Afrique « indépendante ». Il semblerait que cette attitude indépendantiste des nationalistes africains soit justifiée comme une réaction extrême à la politique des puissances coloniales d’alors de former des fédérations avec leurs colonies. L’idée d’« Eurafrique » consistait pour la plupart des dirigeants africains en une nouvelle tentative des puissances européennes de contenir la vague du nationalisme africain et le désir d’indépendance. L’opposition de ce qu’on a pu appeler « républicains » contre « fédéralistes » n’était en fait qu’une expression de cette contradiction au sein du mouvement nationaliste africain. L’échec du projet « Eurafrique » en tant qu’entité politique est essentiellement imputable aux gouvernements coloniaux d’alors. Et l’analyse des différentes dispositions constitutionnelles révèle que derrière les structures para-fédérales projetées se cachait dans les faits un Etat central métropolitain. En toute objectivité il y avait impossibilité historique de résoudre le problème colonial par le fédéralisme, car il est de toute évidence que le colonialisme tel qu’il est apparu dans l’histoire est incompatible avec le principe de liberté, dont l’affirmation et la garantie est assurée par le fédéralisme. De même que l’échec de la Fédération projetée par Senghor en 1958 entre Sénégal, Soudan, Haute Volta et Dahomey, l’éclatement de la Fédération du Mali, l’absence de suite aux efforts de Nkrumah en convoquant la Conférence Panafricaine d’Accra en 1958, d’une part, et à son alliance avec Sékou Touré, d’autre part, tout cela est imputable au vide organisationnel qui a prévalu pendant toute la période qui a précédé les indépendances africaines. Seule l’union du Tanganyka et de Zanzibar (la Tanzanie actuelle) réussit grâce à l’action de Julius Nyerere. En vérité aucune unification politique de l’Afrique n’était possible sans la constitution préalable d’une solide organisation africaine fédérale, qui pose avec la plus grande clarté la question de l’unité sous toutes ses formes et qui, sans la moindre hésitation, agisse pour la réalisation de ces objectifs ; c’est ce cadre organisationnel qui a fait défaut à l’Afrique à un moment privilégié de son histoire. L’exigence de l’unité africaine n’a donc jamais été saisie dans ses détails par les nationalistes africains. L’unité qu’ils appelaient de tous leurs vœux n’était qu’un idéal qu’ils n’ont jamais su traduire dans la pratique. Ils ne la percevaient pas comme une nécessité, aveuglés qu’ils étaient par le vent du nationalisme. La plupart d’entre eux estimait que ces questions devraient être discutées « après que la nation ait gagné son indépendance ». Lorsque l’occasion historique se présenta à Addis-Abeba en 1963, les chefs d’Etal réunis à cette conférence adoptèrent une charte qui posa les principes politiques et les règles juridiques de la nouvelle unité africaine. Après une longue discussion au cours de laquelle les opinions furent très nettement partagées, il fut proclamé comme base de la nouvelle unité les principes « du respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Etat » et celui de « l’intangibilité des frontières africaines héritées du colonialisme ». Ces principes s’interprétaient pour la plupart des chefs d’Etat comme le maintien du statu-quo territorial hérité du colonialisme : c’est la naissance de l’OUA en tant qu’organisation de coopération interétatique ; elle consacre donc définitivement l’échec du Panafricanisme. La division de l’Afrique en multiples souverainetés étatiques va être célébrée et codifiée, pour la seconde fois dans l’histoire, avec la grande différence, cette fois-ci, que l’initiative historique provient non de l’extérieur, mais des africains eux-mêmes. La constitution de l’OUA marque une étape importante dans l’histoire de l’Afrique. Elle signifie l’affirmation des nouvelles entités étatiques africaines, bâties suivant le modèle clos de la souveraineté nationale absolue de l’Europe du XIXe siècle. Cela ouvre une période toute nouvelle dans le combat fédéraliste africain. Le « nationalisme étatique » qui sévit en Afrique depuis plus d’un quart de siècle met à l’ordre du jour avec une particulière acuité la question du fédéralisme. Pour ces raisons nous publions ici quelques lignes tirées des écrits des « pères fondateurs » de l’Afrique nouvelle, dans l’espoir de montrer que indépendance et fédéralisme sont des idées étroitement liées et qu’il faut reprendre le combat interrompu sur des bases nouvelles. L’Afrique s’unira seulement s’il y a un sujet politique capable d’engager la lutte. Nous invitons tous ceux qui veulent travailler pour la Fédération africaine à joindre (en écrivant à la rédaction de la revue Le Fédéraliste) le groupe de jeunes africains qui sont en train de créer un Mouvement fédéraliste africain.
Posted on: Tue, 02 Jul 2013 19:26:46 +0000

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