LOGOGRIPHE Le logogriphe fait partie des énigmes de mots, - TopicsExpress



          

LOGOGRIPHE Le logogriphe fait partie des énigmes de mots, appelées parfois griphes (mot générique), qui servaient de passe-temps, de divertissements ou de jeux Je suis l’écorcheur du Parnasse/ L’ennemi né de Virgile et d’Horace,/ L’on me méprise et je l’ai mérité ;/ Aux cinq pieds de mon nom si l’on ajoute un E,/ L’on me verra dans la boue,/ L’on me verra sur la roue,/ Où je devrais être déjà monté ;/ Si l’on y joint encore un T, / (Destin digne de moi) l’on me verra bâté » ( d’esprit, aux XVIIe et XVIIIe siècles notamment , durant les repas ou après ceux-ci, avec parfois à la clé des récompenses ou des punitions. Il s’agit précisément d’une énigme qui donne à deviner un mot à partir d’autres mots formés de lettres ou de syllabes communes dont on livre parfois la définition ou certaines caractéristiques. Le logogriphe est à distinguer de la charade, bien qu’Antoine Sabatier, dans son Dictionnaire de littérature, dans lequel on traîte de tout ce qui a rapport à l’éloquence, à la poësie et aux belles-lettres, et dans lequel on enseigne la marche et les règles qu’on doit observer dans tous les ouvrages d’esprit [..] (Paris : Vincent, 1770, s.v.), commence ainsi l’entrée « Charade » : CHARADE : espèce d’énigme, ou plutôt de logogriphe ». La charade n’est en fait qu’une variante simple, voire enfantine, du logogriphe, dans la mesure où elle s’appuie constamment sur des points de repère : « Mon premier, mon deuxième, etc, mon tout ». Le logogriphe, quant à lui, peut devenir une véritable énigme, dont le déchiffrement est ardu, et qui peut se présenter sous la forme d’un poème, ce qui fait de lui un « genre mineur ». En témoigne, précisément, ce petit poème du jeune Victor Hugo, intitulé « Logogryphe » (1815) : « Je suis l’écorcheur du Parnasse/ L’ennemi né de Virgile et d’Horace,/ L’on me méprise et je l’ai mérité ;/ Aux cinq pieds de mon nom si l’on ajoute un E,/ L’on me verra dans la boue,/ L’on me verra sur la roue,/ Où je devrais être déjà monté ;/ Si l’on y joint encore un T, / (Destin digne de moi) l’on me verra bâté » ( Cahier de vers français, Œuvres poétiques, Pléiade, t. I, p. 33). Le poète donne lui-même le sens de la devinette : ( Baour). Bou, Rou, Ba. (Baour-Lormian était un poète officiel de l’Empire pour qui Hugo nourrissait une hostilité d’ordre politique). Toujours au XIXe siècle, des « feuilletons », en tant que suppléments littéraires de journaux pouvaient contenir des logogriphes, à côté d’autres jeux : tel est par exemple le feuilleton du Journal des Débats. Au XXe siècle, le logogriphe devient rare en tant que jeu, que ce soit en société ou dans les journaux. Mais il arrive que des écrivains en citent ou en inventent pour rendre compte d’une époque révolue. Ainsi, dans son roman L’école du sud (Paris : Grasset, 1991), Dominique Fernandez en fait présenter un, emprunté à un tableau du baroque hispano-sicilien, en antique castillan, par son narrateur. Celui-ci est censé avoir transcrit, traduit et déchiffré l’énigme. Il s’agit, au bas du tableau, portrait d’une abbesse, d’un quatrain, encadré par deux mots latins, Mane lucet (« Elle brille au matin ») et une phrase en espagnol, « Naciò la Madre Juana año de 1651 » (« La mère Juana naquit l’an 1651 ») : « NaCIo JVana ha CIenDo Ver 0713/ A Vn Phebo IenDo a saLIr 0557/ QVe no fVe Vn soL en LVCIr 0221/ PVes no fVez soLo en naCer 0160 » (p. 29). Le narrateur, après avoir donné la solution de l’énigme, « Juana naquit en laissant voir un Phébus sur le point de sortir, soleil qui ne se contenta pas de briller tout seul, puisqu’il fut accompagné dans son essor », 1651 représentant très simplement l’addition des chiffres, la commente ainsi : « Encore un trait de l’exubérance baroque de mélanger la devinette mystique et le calcul exact. […] On mettait son point d’honneur, en ce temps, à bâtir un logogriphe autour d’ un sens caché ; un rébus n’était jamais ni gratuit ni absurde ; et il n’y avait pas, dans le poème le plus obscur, de difficulté si ardue qu’un esprit ingénieux ne pût la démêler » ( Ibid. ). Le terme logogriphe a pu être employé au sens figuré de langage obscur, peu intelligible. Ainsi, au XVIIIe siècle, on trouve ces lignes de Voltaire dans une lettre du 31 décembre 1774 à Mme du Deffand : « Sçavez-vous bien que Pythagore, qui n’était pas un sot, et qui a mis toute sa philosophie en logogryphes, dit dans un de ses préceptes : Ne mangez pas votre cœur ; c’est un grand mot ? ». ( Voltaire’s Correspondence.– Genève : Institut et Musée Voltaire, 1963, l. 18153, vol. LXXXIX, p. 196, éd. T. Bestermann). Jouant sur l’ambiguïté du précepte de Pythagore, il énumère alors ceux dont il voudrait « manger » le cœur, et ceux dont il « adore » le cœur ! Marcel De Grève
Posted on: Sun, 27 Oct 2013 02:57:02 +0000

Trending Topics



Recently Viewed Topics




© 2015