La Chronique de Nadir Bacha Chronique, Lettres du mont koukou - - TopicsExpress



          

La Chronique de Nadir Bacha Chronique, Lettres du mont koukou - 29 septembre 2013 à 23:28 Dans le voile de ma mère Nadir Bacha Une splendide soirée d’automne, en un dimanche 30 septembre 2012. Une journée unique, qui ne se produit qu’une seule fois dans la vie. Quand l’âme, du fin fond de l’espérance, aspire à ce qu’elle ne soit pas. Ou qu’elle se prolonge indéfiniment, malgré l’avis de la sagesse qui dit le contraire, l’être humain atteignant un cumul d’âge et d’assauts sur la santé qui le situe dans un espace de précarité, il peut disparaître sans terminer sa première phrase ou, dans le sommeil, avant de finir le dernier rêve. J’ai raccompagné le médecin jusqu’à la rue vers sa voiture- je pouvais appeler mon cousin Abdelghani, médecin aussi, et juste à côté dans le Massif mais ça lui rappellera sa maman, la très chère N’na Fatima, des années à son chevet, disparue récemment. Avant d’ouvrir la portière, il a dit : « Gastroentérite bien carabinée, vous lui faites suivre le traitement, qu’elle mange les fibres et bien sûr l’eau en petites quantités ! » C’est un médecin qui m’a été conseillé par un pharmacien du coin, qui n’habite pas loin, mais qui visite à domicile à n’importe quelle heure de la journée, un homme pieux et qui ne parle pas beaucoup. La vieille était dans le salon, étalée sur son flanc droit, le système d’oxygénation derrière elle, sous la surveillance de mes sœurs, ma femme, mes belles-sœurs, les neveux et les nièces et bien sûr mes deux frères. « Voici docteur Djoudi ! », lui dis-je, avant d’ajouter aventureusement qu’il est de la famille du professeur Djoudi de Douera. Le vénérable et « patient » rhumatologue qui la soigne depuis un quart de siècle, pour une ostéoporose, parallèlement au docteur Baba Ahmed qui entretenait son pauvre cœur qui « a tout donné » disait celui-ci, dans la double acceptation de son rôle physiologique et affectif. Durant des années, jamais il n’a accepté d’elle un sou de consultation, ni le professeur Djoudi à aucun moment il n’a ménagé un effort pour tenter des prouesses en thérapie sur sa pathologie – je profite ici pour renouveler mes excuses à cet éminent rhumatologue de m’être emporté dans sa salle d’attente, durant le ramadhan 2012, caniculaire et débrayant, à cause d’un malentendu sur un timing dans le service minimum au sein du service de radiologie. Mais en tout cas dans ma tête et dans l’esprit de toute la famille, ils sont tous les deux Nobel de médecine. Je n’ai pas eu encore à vérifier cette lumière blanche fantasmagorique de la dernière instance, à l’approche funeste de l’article, en revanche, j’ai vécu ce fulgurant instant qui fait revenir tout le passé, dans les détails les plus oubliés, des moments de la vie qui sont restés bien cloîtrés dans leurs cases et qu’aucun événement particulier ne vient inciter à faire quelque chose pour les ouvrir. Vers deux heures et le quart, ma sœur vient me voir dans ma chambre dont j’ai pris soin de ne laisser que la petite veilleuse allumée, dans le coin de l’armoire, elle s’arrête sur le seuil et me dit : « ça y est c’est fini!», les bras croisés sur son plexus et le regard englouti dans ses larmes. Je ne sais pas combien de fois j’ai dû entendre cette expression « c’est fini », en arabe « khlas », en kabyle « dayen », avec les ressentiments qui vont avec, selon l’importance de la résolution. La fin de quelque chose, l’issue d’un événement, l’achèvement d’un plaisir ou d’une peine. A deux heures du matin, cette fois, c’était fini de l’existence de celle qui m’a mis au monde. Les derniers mots que nous avons entendus, qui sortaient de ses lèvres qui nous ont tant embrassés, et de son regard doux sans aucune charge qui nous regardait ensemble, comme s’il était destiné à chacun, ces mots disaient, une demi-heure avant que ma sœur ne descende pour m’annoncer la nouvelle : « Yak Rabbi ma fih ghir errahma ! » Avant de relever derrière ma sœur, mon esprit partit dans un long voyage vers le passé ou j’avais cinq ans et demi, rentré à l’école depuis septembre, à M’cid Fateh. J’avais pris mon café au lait avec un beignet tout chaud de Sidi M’hammed Chérif, ramené par ma tante Zineb, qui se lève la première à la Douéra. Ma mère, Fettouma, achève de mettre sa voilette après m’avoir vêtu de mon paletot à boutons en bâtonnet et de me chausser de mes souliers avachis. On devait aller à Belcourt (Belouizdad) pour justement qu’elle m’en achète une paire, toute neuve. Mon cousin Malek, qui me dépasse de deux années, avait dû sans aucun doute me regarder avec des yeux d’envie, surtout que grand-père avait l’habitude de l’emmener avec lui au marché, à Djamaa Lihoud. Qui signifiait pour un gamin, un dimanche, la corvée du cérémonial entre vieux de la vieille avant le marché, pendant et après. Je ne me souviens pas s’il faisait froid mais je crois que le courant d’air qui contrait par les escaliers de Hwanet Sidi Addellah faisait larmoyer mes yeux et je ne sais pas, alors, si ma mère croyait qu’en fin de compte, une fois loin de la maison – au diable les chaussures neuves ! - j’appréhendais la sortie matinale, loin de mes camarades qui ne vont pas tarder à sortir pour se mettre à organiser les jeux, la toupie, les billes, le « voleur de bled » sur les feuilles d’opale ou cache-cache, dans lequel on se dérobait jusque dans les armoires. Avant d’atteindre le Champ-de-Manœuvre (Place du 1er-Mai), notre trolley est assiégé par un groupe qui manifestait, exhibant des drapeaux algériens. Le chauffeur est forcé d’ouvrir la porte, tout le monde rentre à l’intérieur en se mettant à crier « tahya el djzaïr ! Algérie musulmane!» des passagers se mettent à crier la même chose ; à l’entrée de Belcourt (Belouizdad), le véhicule ne peut plus avancer, des manifestants bloquent le passage, le chauffeur ouvre les portes et nous descendons. J’avais très peur mais l’ambiance valait le coup, qui va merveilleusement mériter que je la raconte au retour à mes camarades. Dans la mêlée nous entendons tout près des coups de feu, un instant après des gens courent dans tous les sens, mais le bruit des détonations s’amplifie, ensuite je vois au loin des soldats tout au bout leur arme pointé sur la foule en face, ma mère ne me lâchant pas la main, elle essaye de traverser quand la mitraillade est cette fois toute proche mais j’entends aussi ma mère qui dit des choses dans les prières à Dieu, en me couvrant de son haïk. Elle ne me protégeait pas de la pluie qui ne tombait pas, mais des balles qui cinglaient de partout. Dans la seconde qui me serrait contre son flanc, dans la soie du « m’rama », je devais certainement subir un accès de panique aveugle, mais le plein de son odeur parfumée à la « Maliket Es’bâa » de Zououaï, le must de la fragrance féminine de l’époque à La Casbah d’Alger, plus que d’ordinaire quand je l’approche dans le quotidien, me combla aussitôt contre toute crainte extérieure. Il m’en souvient ensuite que nous avons marché, beaucoup marché, et puis des images floues, de bruits en vacarme, de magasin en magasin, la rencontre avec une autre femme en haïc aussi, qui m’a donné un petit pain au chocolat, mais c’est beaucoup plus tard lorsqu’on se raconte, pour rire et faire rire, cette fantastique histoire de me protéger des tirs par son voile, qu’elle me fait savoir qu’elle m’a acheté quand même une paire de souliers chez un Bata ouvert. Une année est passée. Le monde continue de tourner, avec son lot de vicissitudes. Le combat pour la vie courante, la lutte pour réaliser le rêve, vaincre la douleur ou avoir le dessus sur le malheur. Lla Fettouma disait : « Sâa bsâa yfaradj Allah ! » Parce qu’elle ne croyait pas à la disgrâce définitive. Pour ma mère, dans sa vision profonde de la vie, le malheur est une épreuve dans la vie, jamais une fin qui condamne. Je ne me rappelle pas l’avoir surprise un jour effondrée sur quelque disgrâce qui soit, je ne sais pas le nombre d’interventions chirurgicales qu’elle ait subies, les longs séjours dans les salles de soins de la capitale qu’elle ait dû consentir pour de brefs rétablissements, mais à chaque fois, elle était comme une reine dans son lit d’hôpital. Ce n’est pas parce qu’elle bénéficiait de privilèges et de faveurs, sinon l’implication de la famille corps et âme, mais parce qu’elle était nantie d’une exceptionnelle force de caractère et d’une incommensurable grandeur d’esprit, qui la poussent à dédramatiser, à chaque fois, la mauvaise passe. Mais un jour, nous l’avons trouvée en train de verser des larmes et nous nous sommes aussitôt consternés, pensant à quelque situation de soin qui ne tournait pas convenablement. L’une de mes sœurs, assistante sociale dans une grande entreprise à l’époque, qui connaît bien les rouages de l’hôpital algérien, s’embrasa pour se préparer à foncer dans le tas, mais la vieille la retient et lui montre du doigt le rideau qui la sépare de la malade avec elle dans le box et lui dit : « Je viens de lui faire la chahada, elle vient de mourir la pauvre et elle laisse derrière elle un mari veuf et des enfants orphelins ! » Trois cent soixante-cinq jours se sont écoulés. Cinquante-deux semaines de dimanches passés, avec leurs peines et leurs espérances, mais, hélas, sans cet être qu’on a envie de sauter devant dès le réveil. Et ne pas aller se coucher avant de se confronter à son regard pour aller s’endormir avec. J’ai rêvé d’elle plusieurs fois, dans toutes les étapes de notre vie en commun. Le dernier en date remonte à quelques semaines, période durant laquelle je ne me contrôlais pas dans le tabac et la nuit ou dans la méridienne, je faisais de sacrées apnées de sommeil. Dans l’une d’entre-elles, il me semblait ne pas me réveiller, impossible de reprendre la respiration, jusqu’à ce que ma mère se plante sur le seuil de la porte, vêtue dans les habits qu’elle portait durant ses derniers jours parmi nous, elle a souri dans ma direction et elle a dit : « Sbah el khir ! » Il était quatre heures du matin. Je me suis extirpé du lit pour aller droit dans la cour, par la porte-fenêtre de la cuisine, essayer de repérer dans le ciel la constellation de la Balance. Le signe astrologique de ma mère. Où il doit se trouver normalement un des vastes domaines promis du paradis. Et j’ai remercié l’Eternel, en même temps, qu’aucun de ses huit enfants n’ait disparu avant elle. N. B.
Posted on: Sat, 05 Oct 2013 23:55:55 +0000

Trending Topics



623788">***WHERE WE STAND!! AQIDAH WHERE ALLAH IS*** SAHABA JUST BELIEVED

Recently Viewed Topics




© 2015