La collectivisation de l’industrie et des services en - TopicsExpress



          

La collectivisation de l’industrie et des services en Catalogne. ----------------- Le 20 juillet, à Barcelone et en Catalogne, la réaction est vaincue. Les libertaires règnent en maîtres absolus. Le gouvernement de la Généralité n’existe plus que dans la forme. Le pouvoir réel est dans la rue. La Confédération nationale du travail (CNT) et la Fédération anarchiste ibérique (FAI) refusent pourtant d’assumer le pouvoir que leur propose Lluís Companys, président de la Généralité. Devant les impératifs de guerre, elles appellent à la constitution d’un front antifasciste, le Comité central des milices antifascistes, qui se charge d’assurer les fonctions policière et militaire et d’organiser la production et le ravitaillement. Bien que la CNT ait lancé le mot d’ordre de grève générale dès le 18 juillet sans donner de consigne de collectivisation, les travailleurs réquisitionnent spontanément leurs entreprises. Influencés par les idées libertaires, ils n’entendent pas les socialiser et les remettre à la Généralité pour qu’elles soient étatisées. Au contraire, le processus de socialisation passe par la collectivisation et l’exploitation directe des entreprises par les travailleurs eux-mêmes. Ils appliquent, pour l’essentiel, les principes de la résolution adoptée à Saragosse lors du IVe congrès de la CNT qui s’est tenu du 1er au 11 mai 1936 et qui précise les stratégies dans un « contexte d’échec de la démocratie en Espagne, la situation franchement révolutionnaire, le risque d’une dictature et la proximité d’une nouvelle guerre mondiale ». Ainsi, dès le 19 juillet à Barcelone, la Compagnie des tramways est saisie. Trois jours plus tard, les tramways, repeints aux couleurs de la CNT, circulent de nouveau dans la ville. Le 21 juillet, les cheminots s’emparent des lignes de chemins de fer du Nord et MZA (Madrid-Saragosse-Alicante) et constituent des comités révolutionnaires pour assurer la défense des gares et organiser les services. Ils créent divers « comités de services » : conseils d’atelier, de dépôt et traction, de personnel des trains, des voies et travaux, d’exploitation et des machinistes. Le 24 juillet à Manresa (banlieue de Barcelone), les syndicats CNT et UGT (Union générale des travailleurs, socialiste) décident de procéder à la saisie de tous les services et des dépendances de la Compagnie générale des chemins de fer de Catalogne. Le 31 juillet, la Généralité de Catalogne reconnaît aux organisations syndicales le droit d’organiser tous les services techniques, industriels et administratifs de la Compagnie générale des chemins de fer de Catalogne. Elle nomme un délégué dont la mission exclusive est de surveiller l’exploitation. Le 25 juillet, les employés des agences maritimes (dont la célèbre compagnie Transatlantique) s’emparent des bureaux du port et font reconnaître la collectivisation par la Généralité. Entre le 25 et le 31 juillet, les services de l’eau, des télécommunications, de l’énergie, de l’éclairage sont collectivisés dans toute la Catalogne. A partir du 22 juillet, la plupart des entreprises métallurgiques et textiles, abandonnées par leurs patrons, passe sous le contrôle des ouvriers et de leurs syndicats. Très vite, une partie de l’industrie métallurgique est reconvertie pour fabriquer des véhicules blindés afin d’équiper les milices qui partent sur le front d’Aragon. C’est le cas des ateliers Hispano-Suiza où les 1400 travailleurs se mettent d’emblée au travail pour sortir les quinze premiers camions blindés en une semaine. L’industrie textile, qui emploie 230 000 ouvriers, contribue également à l’effort de guerre. Elle est principalement concentrée à Sabadell et à Tarrasa (à proximité de Barcelone). Dans ce secteur, les salaires des ouvriers augmentent de quinze pour cent et le temps de travail hebdomadaire passe de 60 heures à 40 heures. En août 1936, Pierre Besnard3, dirigeant de la CGT-SR française, témoigne dans le Combat syndicaliste sur la réalité de la tannerie Mollet, autogérée par les salariés dans la banlieue de Barcelone : « L’usine occupe 700 ouvriers et ouvrières. Les salaires ont été relevés comme dans toutes les industries. Le salaire unique n’existe pas encore, mais la prochaine assemblée doit en discuter. Quand un ouvrier est malade ou blessé : il touche 75 % de son salaire ; auparavant il ne touchait rien, l’Espagne n’ayant pas d’assurance sociale. La semaine de travail est de 36 heures sans diminution de salaire. (….) Chaque atelier nomme ses délégués qui forment ensemble le comité d’usine chargé de l’organisation du travail. Un conseil d’usine ainsi que le directeur sont nommés par l’assemblée générale des ouvriers. Ces deux organismes se réunissent chaque fois qu’il y a nécessité. Chacun des membres de ces comités est révocable ». L’appropriation sociale des travailleurs catalans ne se limite pas à l’industrie, puisque simultanément des entreprises de commerce et de services, comme les brasseries, les salons de coiffure, le secteur de l’optique, les grand magasins, les ateliers cinématographiques, les spectacles sont à leur tour collectivisés à Barcelone, ainsi qu’un grand nombre d’entreprises du bâtiment de la région. En quelques jours, 70 % des entreprises industrielles et commerciales sont saisies par les travailleurs. La Catalogne concentrait alors à elle seule les deux tiers de l’industrie du pays et 54 % de la population active travaillaient dans l’industrie4. Seules les banques échappent à la collectivisation, les employés principalement affiliés à l’UGT et qui possédaient un statut privilégié par rapport aux travailleurs de la production et des services, ne les ont pas réquisitionnées, mais elles passent rapidement sous le contrôle du gouvernement autonome de la Généralitat. La nationalisation du secteur bancaire n’est pas tant motivée par des raisons idéologiques que par les circonstances exceptionnelles. Dans toutes les entités collectivisées, l’assemblée des travailleurs élit des comités de contrôle ou d’entreprise, qui sont généralement composés de cinq à dix délégués et représentatifs des différents services. Sous l’impulsion des syndicats, des regroupements par industrie se créent à l’échelle locale puis régionale. Le ravitaillement est pris en charge par le syndicat de l’alimentation, affilié à la CNT et d’immenses cantines communales sont créées, installées parfois comme à Barcelone dans d’anciens palaces. Les services publics collectivisés sont réorganisés et le prix de l’eau est bientôt divisé par trois. A Barcelone et dans les principales villes, les logements sont municipalisés. Entre juillet 1936 et juillet 1937 le nombre de coopératives de production passe de 65 à 300 et regroupent 12 800 associés en Catalogne. Pour Victor Alba, alors jeune militant du POUM (Parti ouvrier d’unification marxiste), les collectivisations furent « le fait de l’action spontanée des travailleurs qui n’attendirent pas les consignes des organisations ouvrières ».
Posted on: Fri, 19 Jul 2013 20:44:36 +0000

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