La crise du monde moderne - René Guénon. Chapitre V : - TopicsExpress



          

La crise du monde moderne - René Guénon. Chapitre V : Lindividualisme - Page 117. ... on peut se croire sincèrement religieux et ne lêtre nullement au fond, on peut même se dire « traditionaliste » sans avoir la moindre notion du véritable esprit traditionnel, et cest là encore un des symptômes du désordre mental de notre époque. Létat desprit auquel nous faisons allusion est, tout dabord, celui qui consiste, si lon peut dire, à « minimiser » la religion, à en faire quelque chose que lon met à part, à quoi on se contente dassigner une place bien délimitée et aussi étroite que possible, quelque chose qui na aucune influence réelle sur le reste de lexistence, qui en est isolé par une sorte de cloison étanche ; est-il aujourdhui beaucoup de catholiques qui aient, dans la vie courante, des façons de penser et dagir sensiblement différentes de celles de leurs contemporains les plus « areligieux » ? Cest aussi lignorance à peu près complète au point de vue doctrinal, lindifférence même à légard de tout ce qui sy rapporte ; la religion, pour beaucoup, est simplement une affaire de « pratique », dhabitude, pour ne pas dire de routine, et lon sabstient soigneusement de chercher à y comprendre quoi que ce soit, on en arrive même à penser quil est inutile de comprendre, ou peut-être quil ny a rien à comprendre ; du reste, si lon comprenait vraiment la religion, pourrait-on lui faire une place aussi médiocre parmi ses préoccupations ? La doctrine se trouve donc, en fait, oubliée ou réduite à presque rien, ce qui se rapproche singulièrement de la conception protestante, parce que cest un effet des mêmes tendances modernes, opposées à toute intellectualité ; et ce qui est le plus déplorable, cest que lenseignement qui est donné généralement, au lieu de réagir contre cet état desprit, le favorise au contraire en ne sy adaptant que trop bien : on parle toujours de morale, on ne parle presque jamais de doctrine, sous prétexte quon ne serait pas compris ; la religion, maintenant, nest plus que du « moralisme », ou du moins il semble que personne ne veuille plus voir ce quelle est réellement, et qui est tout autre chose. Si lon en arrive cependant à parler encore quelquefois de la doctrine, ce nest trop souvent que pour la rabaisser en discutant avec des adversaires sur leur propre terrain « profane », ce qui conduit inévitablement à leur faire les concessions les plus injustifiées ; cest ainsi, notamment, quon se croit obligé de tenir compte, dans une plus ou moins large mesure, des prétendus résultats de la « critique » moderne, alors que rien ne serait plus facile, en se plaçant à un autre point de vue, que den montrer toute linanité ; dans ces conditions, que peut-il rester effectivement du véritable esprit traditionnel ?
Posted on: Tue, 19 Nov 2013 23:01:45 +0000

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