La méthode du "médiateur" Blaise Compaoré, récit de la - TopicsExpress



          

La méthode du "médiateur" Blaise Compaoré, récit de la négociation d’avril 2012 à Ouagadougou" , témoignage jeudi 11 juillet 2013 Professeur Issa N’Diaye Blaise Compaoré a fait de la médiation en Afrique de l’Ouest sa carte de visite préférée. Comment cet homme à la poigne de fer, prompt à briser toute velléité de révolte dans son propre pays réussit-il à s’imposer comme médiateur dans des conflits sanglants de sa sous-région auxquels il a été mêlé de loin ou de près voire soupçonné d’en être le parrain ? Allié de Savimbi dans la guerre d’Angola et de Charles Taylor au Libéria et en Sierre Léone, tour à tour soutien de Laurent Gbagbo et des rebelles ivoiriens, il officia comme médiateur en Cote d’Ivoire, en Guinée Conakry et dernièrement au Mali, bien qu’abritant à Ouagadougou, une représentation de la rébellion armée du MLNA. J’étais curieux de savoir quel était son secret et comment il allait s’y prendre cette fois-ci, malgré le passif du lourd contentieux psychologique fait de méfiance et de suspicion de la part de bon nombre de Maliens. Profitant de la convocation des forces vives maliennes à la Conférence de Ouagadougou du 15 Avril 2012, venu à mes frais ,je me suis glissé parmi les participants sans faire partie des invités officiels, pour être au premier rang des témoins. J’ai d’abord été impressionné par l’armada des collaborateurs qui l’entourait, des fonctionnaires certainement rompus à la tâche, capables de s’adapter à tous les cas de figure. Parmi les premiers, son Ministre des Affaires étrangères, gendarme de son Etat, Djibril Bassolé et son énigmatique Chef d’État major particulier qui en sait long sur bien de choses. J’y ai appris que Bassolé était gendarme de formation. Diable, que fait un gendarme dans cette affaire de diplomatie de haute voltige ? Une lueur me traversa la tête. Il était militaire comme son président, son confident et homme de confiance. Son métier de gendarme lui donnait certainement un aperçu psychologique de ceux qui devaient passer sur son divan de consultation pour y déceler probablement la faille du personnage sur laquelle s’appuyer. Bassolé jouait la face présentable, lisse et affable du système Compaoré. Le Général Diendéré était l’autre face, secrète. Enfin une sorte de scène à la Dr Jekyll et Mr Hyde. Le scenario semblait écrit à l’avance. La technique de négociation semblait elle aussi rodée. Tout devait baigner dans l’huile. Même les imprévus devaient être prévus à l’avance. La médiation avançait en terrain connu. La blitzkrieg préparée lui assurait une victoire foudroyante. D’entrée de jeu, Compaoré prit les commandes en toute assurance sans, comme à l’accoutumée, demander l’avis des premiers concernés, les Maliens qu’il avait convoqués à Ouagadougou, ce 15 Avril 2012, échaudé par l’activisme de certains jeunes qui firent peur aux dirigeants de la CEDEAO mandatés pour venir dicter à Bamako la pax africana décrétée sous l’égide internationale. Ce fut mal connaître les Maliens, une erreur psychologique majeure de la part d’un homme rodé en la matière. Il brossa le cadre et fit un tour de table, histoire de prendre la température des participants. Les propos fusèrent, directs, clairs, nets et précis. La charge portée fut lourde. Il en ressortit le rejet net de la tentative d’imposer une solution aux Maliens. Certains allèrent jusqu’à lui dire qu’il n’était point le Président du Mali et que les problèmes maliens devaient réglés entre Maliens et au Mali. Surpris par la véhémence des propos, il accusa le coup, visiblement heurté par les propos de ses invités. Il tenta d’esquiver la charge, essayant en vain de rassurer les inquiétudes des uns et des autres tantôt en faisant mine d’aller dans le sens des intervenants, tantôt en menaçant le Mali de sanctions internationales et de la CEDEAO. Rien n’y fit, les Maliens refusèrent net de courber l’échine. Les débats montèrent en intensité. Les propos firent mouche. Surpris par leur vivacité et la détermination des Maliens à ne pas s’en laisser conter et constatant l’énervement de son chef visible sur son visage, d’ordinaire impassible, Bassolé trouva la porte de sortie en allant chuchoter à son oreille l’observation d’une pause. Le déjeuner servi devait, selon les calculs, apaiser les esprits. Une reprise de séance était prévue aussitôt mais il fallut attendre plus de 4 heures. Dans les coulisses, la médiation s’activait pour trouver la parade. A la reprise, surprise, plus de Compaoré. Bassolé prit le devant de la scène. L’énigmatique Diendéré, surveillait la scène, taciturne comme d’habitude. Bassolé sortit de sa manche un projet de déclaration commune des forces vives maliennes dont il donna lecture. Les participants en exigèrent la version écrite avant de se prononcer. Une seconde suspension fut décrétée, le temps de multiplier et de distribuer les copies. Des regroupements se constituèrent par affinité politique pour examiner le document et se concerter sur les positions communes à observer. A la seconde reprise, des observations fusèrent. Pas question d’accepter une quelconque mise en tutelle du Mali. De nombreux amendements furent proposés. Ils n’allaient pas du tout dans le sens souhaité du fait de l’exigence d’une conférence nationale souveraine des Maliens et au Mali. Pourtant dans l’Accord cadre du 06 Avril 2012 entre la CEDEAO et la junte militaire, le principe d’une concertation nationale avait été retenu. Bassolé finit par déclarer que la médiation allait revoir sa copie et proposer un nouveau texte qui faisait la synthèse des débats. A la reprise, nouvelle surprise. Pas de texte de synthèse. Compaoré refait surface pour dit-on, présider une cérémonie de clôture devant la presse. Les Maliens prirent connaissance du texte final de la déclaration de Ouagadougou faite en leur nom dans la presse. Le document ne comportait aucune signature de la part des participants. Il ne leur même pas été soumis. A l’examen du texte, tout ce qui ne convenait pas à la médiation burkinabe fut évacué. On pouvait y constater le flou habituel permettant toutes les interprétations. Tel fût le sort de la déclaration de Ouagadougou du 15 Avril 2012. Après la clôture, les invités furent invités à s’embarquer aussitôt pour le retour à Bamako. Pas question de répit, l’hospitalité burkinabé n’était plus de mise. Certains furent convoqués à la présidence pour des entretiens particuliers. D’autres furent retenus à Ouagadougou jusqu’au lendemain. Désormais place aux techniques secrètes. Une seconde rencontre fût convoquée une semaine plus tard. Bassolé vint préparer le terrain à Bamako. Après des coups de téléphone ciblés, des déplacements furtifs à Ouagadougou furent organisés. Ulcérés par la méthode Compaoré, les Maliens dans leur écrasante majorité refusèrent de répondre à la seconde convocation du médiateur, lui infligeant ainsi un second camouflet. Il ne reçut jamais tout au long de sa carrière de médiateur-acteur et parrain des guerres en Afrique pareil désaveu. Le masque de sa duplicité fut déchiré. Fauteur de guerres, complice éternel des convoitises et des guerres impérialistes, Blaise Compaoré est apparu tout nu dans sa médiation malienne, démasqué à la fois comme un assassin des peuples, un trafiquant en tous genres et un vulgaire pantin des occidentaux. Du coup la magie Compaoré cessa de faire de l’effet. Les Maliens dans leur grande majorité ne lui faisaient point confiance. Dans leur ensemble, il rejetait sa médiation car à leurs yeux, il fait partie des principaux parrains de la rébellion MLNA qu’il abrite soigneusement à Ouagadougou depuis belle lurette. Aux dernières négociations de Ouagadougou sur Kidal, il ne réussit point à convaincre la délégation malienne. Bassolé dut se déplacer à Bamako pour transmettre l’oukase du médiateur. Rien n’y fit. Il a fallu l’intervention du Président français pour imposer au Mali la signature d’un accord rejeté par l’écrasante majorité des populations maliennes. La crise semble avoir sonné le glas du médiateur Compaoré. De plus en plus isolé sur la scène africaine, talonné par son propre peuple, il a pris un sacré coup. Pour une fois, les Maliens lui ont t rabattu le caquet. Que lui réserve l’avenir ? Aura-t-il à rendre compte un jour de ses turpitudes et nombreux coups tordus contre les peuple africains ? L’avenir nous en dira plus. Ce qui est certain, la médiation Compaoré a pris un coup terrible dont elle ne se relèvera probablement plus. Pr Issa N’DIAYE Bamako Mali
Posted on: Wed, 17 Jul 2013 17:02:01 +0000

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